Lou Reed & Metallica - Lulu
Musique / Critique - écrit par nazonfly, le 07/12/2011 (
Le projet promettait d'être étonnant et différent de ce que l'on peut généralement entendre. Lou Reed, ex-Velvet Underground et interprète éternel de l'album Berlin, allait s'acoquiner avec le plus grand groupe de thrash metal et l'un des plus grands de metal tout court, Metallica. Le tout sur une adaptation d'une pièce d'opéra de Frank Wedekind.
Collage sans talent
Plutôt fan des Mets, votre serviteur s'est donc jeté sur le streaming proposé par
Lou Reed collé sur une photo de Metallicale duo, enfin le x-tuor si on considère tous les participants de l'album. Et c'est avec un dégoût réel que j'ai découvert cet album où clairement la voix de Lou Reed n'a rien à faire avec la musique de Metallica. Le summum de l'horreur se situe bizarrement en début de disque avec Brandenbourg gate : malgré un début à la guitare acoustique dans une veine très Lou Reed, la musique sauvage, déchaînée des Four Horsemen prend le relais à 100 à l'heure tandis que la voix de Lou Reed reste dans le même tempo, en mode plutôt spoken word qu'hurlements thrash. Sans qu'on puisse accuser l'une ou l'autre partie, Brandenburg gate est un ensemble franchement indigeste qui ressemble plus à un immonde collage d'une voix sur une musique sans aucun rapport. C'est ainsi que cette première écoute m'emmena de déception en déception : The view, le single de l'album, est sans doute un poil mieux mais Pumping blood déstabilise dès l'arrivée de la voix Lou Reed qui vient se poser, une nouvelle fois, comme une mouche dans la soupe, sans oublier non plus Frustration, très inconstante, notamment par la faute d'un passage réellement abominable en plein milieu du morceau.
Ou véritable rencontre entre deux univers ?
Mais une écoute ne suffit pas pour faire une critique correcte d'un album et, dès
Lou Reed, cinquième cavalierla seconde, des passages intéressants émergent; on se sent d'ailleurs pris dans l'idée qu'ont voulu développer Metallica et Lou Reed. À dire vrai, musicalement, cet album est le plus original de Metallica depuis... ben depuis leur premier opus, Kill'em all. Car le groupe ose abandonner son thrash metal au profit d'expériences diverses : les premières notes de Cheat on me s'étirent à l'infini rappelant bizarrement les tours de chauffe des orchestres avant les opéras, la même sensation se fait ressentir sur la fin de Junior dad qui s'évanouit petit à petit laissant l'auditeur dans un perplexe abîme. Ces passages très planants contrastent fortement avec des aspects plus noisy (Mistress dread), assez lointains de l'univers de Metallica. Mais les titres les plus réussis sont sans doute les expériences carrément free rock de Dragon, et plus encore de Little dog, véritable pépite de l'album. On est à des années-lumière du thrash mais c'est carrément très bon. Et les rares moments où la musique de Metallica et la voix de Lou Reed sont cohérentes.
Metallica qui restera comme le héraut (et surtout l'anti-héros) de la lutte anti-Napster a mis l'album en écoute intégrale sur le site loureedmetallica.com. Bien mal leur en a pris, les internautes ont pu l'écouter et ce Lulu est un four commercial complet. Seules 13.000 copies ont été écoulées en une semaine, à comparer aux 490.000 en 3 jours et 418.000 en 4 jours de Death magnetic et Saint Anger. C'est donc une tournée spéciale 20 ans du Black Album, plutôt que centrée sur Lulu, qui est en cours et qui s'arrêtera par le Stade de France en mai 2012.
Pour les plus courageux qui ont osé écouter Lulu plus d'une voix, force est de constater que c'est un album surprenant, à la fois tristement désespérant et joyeusement prometteur. Le genre d'album qui ne pourra jamais faire l'unanimité.
Lou Reed & Metallica – Lulu
CD1
01. Brandenburg gate
02. The view
03. Pumping blood
04. Mistress dread
05. Iced honey
06. Cheat on me
CD2
07. Frustration
08. Little dog
09. Dragon
10. Junior dad
En écoute Iced honey Live chez Jools Holland