Nirvana - Kurt Cobain : 15 ans déjà
Musique / Dossier - écrit par nazonfly, le 03/04/2009Tags : cobain kurt nirvana groupe album courtney rock
Quinze ans déjà que Kurt Cobain s'est suicidé. Retour sur un groupe qui a toujours divisé la critique.
Comme on célèbre plus souvent les morts que les vivants, Krinein n'échappe pas à la règle et vous propose, pour le quinzième anniversaire de la mort de Kurt Cobain, un dossier spécial Nirvana.
Depuis les rives boueuses de la Wishkah
Aberdeen. Petite ville de 15000 âmes de l'Etat de Washington, quelque part au nord-ouest des Etats Unis. Une ville de « bûcherons beaufs » où les sapins verts et noirs côtoient d'un côté un ciel bas et nuageux et de l'autre des chemises à carreaux rouges et noires. C'est pourtant dans cette ville qu'une des dernières icônes rock va voir le jour : Kurt Donald Cobain le 20 février 1967.
Le premier virage dans la vie du jeune Cobain est sans doute le divorce de ses parents à l'aube de ses 8 ans. Dans ses interviews*, il donnera souvent cet événement comme la fin de la période réellement heureuse de sa vie. Et c'est aussi à cet âge-là que débutent ses premières attaques dépressives. Quelques mois avant sa mort, Kurt en voulait toujours à son père qui a abandonné son rôle de père, de modèle.
Dumb, maybe just happyPetit à petit, Kurt s'éloigne des autres enfants d'Aberdeen. Nerveux et compulsif, il souffre de scoliose et surtout de ces maux d'estomac qui le suivront toute sa vie. Son aspect chétif (un de ses auto-portrait de l'époque le représente en squelette), ses attitudes étranges pour les autres gamins le conduisent à être considéré comme un paria, quand il ne se fait pas battre. C'est ainsi qu'il se lie d'amitié avec un homosexuel, peut-être le seul à comprendre Cobain : être différent dans une communauté de bucherons n'est sans doute pas facile à vivre. C'est sûrement pendant cette période, au milieu de ces conducteurs de pickup, stupides et machos, que son aversion pour les gens en général s'est développée : dans Dive, il dit qu'il est vraiment très bon pour haïr. Sa vie décolle au lycée de Montesano. Il découvre le punk-rock et rencontre Buzz des Melvins, un groupe qu'il soutiendra au long de sa vie. Mais surtout c'est là qu'il rencontre Chris Novoselic, d'origine Croate, avec qui il monte Nirvana en 1986.
A la sortie de l'école, Kurt se lance dans quelques petits boulots qu'il ne conserve jamais longtemps, étant, de ses propres dires, une personne extrêmement paresseuse. Pendant cette période, il dort ici et là, sur des canapés, voire sous un pont à côté de la rivière Wishkah qui donnera son nom au live posthume.
Sous-pop délavée
Son goût de la musique lui vient certainement de sa tante Mary qui lui offre sa première guitare, son premier ampli et des disques des Beatles à l'âge de 8-10 ans. Cette influence se mélangera ensuite à Black Sabbath ou au punk pour donner corps à la musique de Nirvana.
I'm so ugly cause today I shaved my headKurt déménage d'Aberdeen à Olympia, une ville avec une vraie scène rock, où les gens sont tournés vers la communauté et où tout le monde joue pour tout le monde. Pendant cette période, Kurt sorti avec Tracy, le genre de fille qui aime materner son petit copain : l'idéal pour Kurt. Il écrira pour elle la chanson About a girl et c'est elle qui prendra la photo de Bleach. C'est aussi l'époque où Nirvana, qui change souvent de batteur (Aaron Burckhard, Dale Crover puis Dave Foster ont tenu les fûts pour Nirvana, avant que Chad Channing ne s'installe plus durablement), commence à démarcher des labels et à envoyer cassettes et démos un peu partout, notamment à Touch and Go sur lequel se trouvaient tous les groupes préférés de Kurt : SST, Scratch Acid ou Butthole surfers. Mais c'est finalement le label Sub Pop qui accueille Nirvana et qui sort le single Love Buzz/Cheese. Un véritable choc pour le chanteur quand il l'entend à la radio ! D'après Kurt, Nirvana n'a, en effet, rien de spécial et véhicule la même rage que les autres groupes de la scène de Seattle. Le groupe a seulement réussi à être là au bon moment et à être sous le feu des projecteurs. Sur les conseils de Sub Pop, ils développent un son plus pop, moins en adéquation avec la scène mais plus dans ce que veut réellement Nirvana. Pourtant on ne peut pas dire que leur premier album, Bleach, sonne franchement pop. Certes les mélodies y sont présentes, comme sur About a girl, Blew ou Scoff, les riffs entêtants comme sur Love Buzz, reprise de Shocking blue (accessoirement auteurs de l'ultra hit Venus). Mais l'ensemble de l'album camoufle l'aspect pop sous des guitares crades comme sur School ou sur le démentiel Negative creep, et sous une voix crissante, rugissante (Paper cuts). On sent déjà les éléments qui constitueront Nirvana, mais la production fait passer, délibérément ou non, le punk devant la pop mélodique. Au final, Bleach est un album plutôt jouissif, le pendant musical d'un film de zombie où les boyaux et le sang volent dans tous les sens. Un album qui vient directement des tripes du groupe et qui prend son auditoire au même endroit. Le petit groupe qui ne pensait jamais dépasser le stade de la démo s'engage sur une voix royale et destructrice.
Ca sent comme l'esprit de l'adolescence
Après la sortie de Bleach, les majors feront les yeux doux au groupe de Seattle, bien qu'il ne se veuille pas se reconnaître de cette scène. Nirvana signe avec Geffen et Kurt entame la pire période de sa vie, souffrant de douleurs chroniques à l'estomac, notamment pendant la tournée européenne. D'après Cobain, c'est à cette période qu'il aurait commencé l'héroïne, pour calmer ses maux d'estomac.
I feel stupid and contagiousSous la tutelle de Geffen, Nirvana s'associe à Butch Vig (qui jouera plus tard dans Garbage) qui lissera le son de Nirvana, lui donnant une puissance médiatique que n'aurait jamais pu atteindre Bleach : Nevermind sort dans les bacs le 24 septembre 1991. Au cours de l'enregistrement, Nirvana change une nouvelle fois de batteur : Dale Foster joue une nouvelle fois les bouche-trous avant de laisser la place à Dave Grohl. La première chanson issue de l'album devient vite LA chanson de Nirvana, celle qui passe en boucle sur les ondes, celle que le public attend à tous les concerts, à tel point que Kurt en aura assez de la jouer, années après années. Qui peut oublier ce riff logé dans toutes les têtes, et ce clip où des cheerleaders au justaucorps frappé du signe de l'anarchie dansent tandis qu'un homme fait le ménage et que la foule des teenagers headbangue, slamme et pogote à tout va. Ce missile crée un raz de marée inarrêtable. D'autant plus qu'il s'accompagne quelques mois plus tard d'une deuxième salve au refrain mémorable : Come as you are assoit Nirvana comme le groupe du début des années 90 et comme « l'illustration subliminale d'une société qui s'est foutue en l'air ». selon Kurt Le clip de Come as you are, le troisième de Nevermind, nous montre un Kurt aux cheveux rouges en train de se balancer sur un lustre, mais surtout reprend le thème de l'album avec un flingue qui flotte entre deux eaux, un billet au bout d'un hameçon et surtout des images d'ovules, de spermatozoïdes et de bébés. L'enfantement : un thème cher à Cobain, que ce soit en musique, en peintures ou en sculptures Est-ce à cause du côté crade de l'enfantement, comme le suggère Tracy, ou y a-t-il une raison plus profonde ? Peut-être que le regard qu'il a quand il parle de sa fille Frances est une piste de réponse. Mais ne sautons pas les étapes. Dans ce début des années 90, Smells like Teen spirit et Come as you are permettent à Nevermind d'entrer rapidement dans le classement des meilleurs albums de tous les temps même si la critique l'a parfois décrié : trop pop, trop punk... L'album est en fait tout simplement rempli de hits imparables : In bloom (dont le sujet est son meilleur pote Dylan du groupe Earth), Lithium, ... sont autant de bombes qui ne demandent qu'à exploser et symbolisent ce savant mélange punk/pop que les alchimistes de Nirvana ont réussi à créer. Mais l'aspect crade de Bleach n'a pas complètement disparu sous les doigts de Butch Vig : Breed, Territorial pissings ou la chanson cachée (souvent appelée Endless nameless) qui clôt l'album retrouvent l'âpreté et la rugosité du premier album.
Elle continue de m'atteindre en plein coeur
Kurt Cobain rencontre Courtney Love, dont le père est manager des Grateful Dead, à un concert à Portland. Pour le chanteur, elle est le type même de la fille punk, un véritable aimant qui attire les choses exceptionnelles. En 1992, il se marie avec Courtney Love et Nirvana lance Incesticide.
I'm worse at what I do bestIncesticide n'est pas un album à proprement parler puisqu'il s'agit d'une compilation de nouveaux titres (Hairspray queen, Aero Zeppelin), de reprises (Molly's lips et Son of a gun, reprises des Vaselines, ou Turnaround cover de Devo), d'enregistrements présents sur des singles (Dive, Sliver, Stain) ou des compilations (Mexican seafood, Beeswax). L'ensemble est d'une telle intensité qu'on a l'impression que Kurt n'a même pas le temps de reprendre son souffle : les reprises se voient passer au mixer punk. Seul le titre Big long now se démarque en imposant une sombre lourdeur qui n'est pas sans rappeler l'ambiance du meilleur du doom metal. S'il fallait un symbole à cet album, ce serait sûrement la chanson Polly issue de Nevermind, qui passe de trois à moins de deux minutes avec un rythme très étonnant. A moins que Son of a gun des Vaselines qui se transforme en brûlot punk fasse office d'étendard de lncesticide. Pendant ce temps, la voix de Kurt râcle sur Stain, arrache les oreilles sur le très déstructuré Hairspray queen ou sombre dans le désespoir et la folie sur Beeswax. Après le son lissé, commercial (aïe le mot est lâché) de Nevermind, le groupe sort un album étonnant, sombre, violent et presque à l'opposé du précédent. Pourtant Incesticide est assez irrégulier puisque les hymnes (Sliver, Dive, Aneurysm) y côtoient des titres moins mémorables (Mexican seafood).
Je ne suis pas comme eux, mais je peux faire semblant
In utero, troisième réel album de Nirvana, aurait dû s'appeler I hate myself and I want to die. L'ambiance est posée d'entrée. Cet album est peut-être celui qui reflète le plus les pensées de Kurt Cobain. Ainsi Frances Farmer will have her revenge in Seattle est un titre sur une des références de Cobain, une artiste des années 30/40 qui, trop en avance sur son temps, sera internée, violée et lobotomisée. Pour l'anecdote, Courtney Love portera une robe de l'artiste pour son mariage avec Kurt, et Mylène Farmer tient son pseudonyme de celle-ci.
I need an easy friendHanté par un article de Vanity Fair, Cobain se sent jugé 24h/24, notamment par les journalistes : les chansons Radio friendly unit shifter, Serve the servants et Rape me semblent avoir été créées en réaction aux rumeurs et commentaires des journalistes. Pennyroyal tea est à la fois une référence à la boisson aux vertues abortives et à la drogue. Musicalement l'album recèle quelques unes des plus belles réussites de Nirvana : Rape me, Dumb, All apologies ou encore Heart-shaped box dont le clip est l'un des plus aboutis du groupe. Réalisé par Anton Corbjin, photographe de nombres d'artistes de la scène rock et réalisateur du film Control sur la vie de Ian Curtis de Joy Division, le clip présente une série d'images marquantes : un vieillard au bonnet de Père Noël (que Kurt aurait aimé voir jouer par Richard Burroughs) est cloué à une croix tandis qu'une petite fille en blanc et un ange obscène tentent d'attraper des foetus avec un filet à papillon. In utero se termine sur All apologies, autre morceau phare, mais qui résonne aujourd'hui comme les derniers mots de Cobain. Sur ce titre, il se pose la question de qui il aurait dû être et présente ses excuses.
Le 8 avril 1994, un électricien découvrit le corps de Kurt Cobain, un fusil sur la poitrine et une lettre d'adieu glissée sous un pot de fleurs. La police conclut à un suicide après l'absorption d'une forte dose d'héroïne. La date de la mort fut estimée au 4 avril 1994. Ainsi Kurt Donald Cobain rejoignit au firmament des rockeurs disparus trop tôt Jimi Hendrix et Jim Morrison.
Nirvana débranché
La mort de Cobain bouleversera les choses, et notamment les rapports entre les autres membres du groupe et Courtney : il n'est jamais facile de gérer la succession d'un groupe au succès commercial aussi important.
My heart is broke, I have some glueQuelques albums posthumes connaissent la joie d'être édités en CD. Peu de temps après la mort du chanteur, c'est le célèbre MTV Unplugged in New York, enregistré en novembre 1993, qui atteint les bacs. L'idée de voir, et d'entendre, Nirvana en acoustique, et sur MTV qui plus est, peut sembler saugrenue. Pourtant l'aspect pop, voire folk de Nirvana ressort particulièrement sur cet album, sans doute l'un des meilleurs du groupe. La guitare et la batterie se placent en retrait de la voix de Cobain, troublante d'émotion et de sincérité. Chaque titre est complètement revisité, magnifié par le dénuement musical : Come as you are, Dumb ou All apologies touchent l'auditeur au plus profond de son coeur. Les clips accompagnant cet album montrent d'ailleurs le chanteur fragile, d'une sensibilité à fleur de peau.. Cet album est aussi pour Nirvana l'occasion de rendre hommage à quelques influences du groupe : David Bowie sur The man who sold the world, Meat Puppets sur Plateau, Oh me et Lake of fire, The Vaselines sur Jesus doesn't want me for a sunbeam ainsi que Leadbelly sur Where did you sleep last night, des chansons qui deviennent toutes magnifiques sous la patte de Nirvana. Bizarrement, ce MTV Unplugged in New York est le plus beau des témoignages que pouvait laisser le groupe, et montre, mais était-il besoin de le prouver, que Nirvana était un groupe extraordinaire.
I love myself better than youDeux ans après l'Unplugged, c'est une toute autre facette du groupe qui est abordée avec le live From the muddy banks of the wishkah. Là où le précédent album faisait la part belle aux mélodies, à la douceur et à la sensibilité, le live est un condensé de rage, comme pouvait l'être le groupe sur scène. L'album débute d'ailleurs avec un hurlement de Cobain. Et s'il faut s'en convaincre, les deux versions très différentes de Polly montrent les deux côtés du groupe, entre pop et punk. L'album contient bien sûr tous les "tubes" du groupe, de Smells like Teen Spirit à Heart-shaped box en passant par Negative creep ou Aneurysm. Il est étonnant de voir que les deux facettes de Nirvana se complètent aussi bien et que le public a pu accueillir aussi facilement deux albums finalement très différents.
En 2002, sortira le best of Nirvana, sobrement doté d'une pochette noire barrée par un Nirvana argenté. Reprenant en 15 chansons la carrière de Nirvana, cet album sans originalité est peut-être une façon de mettre un pied dans l'univers du groupe. Mais après un album acoustique et un live, Nirvana n'apporte franchement rien au fan, si ce n'est un inédit dispensable (You know you're right - lire la critique de Val Lazare) .
I know a dirty wordDeux ans plus tard, nouvelle sortie avec With the lights out un coffret comprenant des démos, des versions rares et des enregistrements live du groupe.Cette box sera suivie en 2005 par Sliver : the best of the box, qui est, comme c'est indiqué, le meilleur du coffret de 2004, plus des inédits comme souvent. En 2006, Courtney Love vendra une partie de ses droits sur la musique de Nirvana en assurant que la mémoire du chanteur serait respectée. A ce jour, deux DVD sont sortis : Live ! Tonight ! Sold out !! et une version uncut de l'Unplugged à MTV. Mais, d'après les dires de Krist Novoselic, le marché ne devrait pas être inondé par une foule de raretés, d'inédits, et autres choses dispensables, puisque le groupe garde un droit de vision sur ce qui sort.
Courtney Love dévoile aussi Le journal de Kurt Cobain, un acte qui sera considéré par une certaine partie des fans du chanteur comme un viol postmortem perpétré par une veuve à la dèche. Certains iront même accuser Courtney d'avoir fait tuer Kurt, voire simplement de l'avoir poussé au suicide par de subtiles manipulations quotidiennes, alors qu'ils étaient en pleine procédure de divorce. Le reportage Kurt and Courtney de Nick Broomfield tente difficilement de faire la part des choses sur ces rumeurs en interrogeant, entre autres, le père de Courtney Love, l'ex-petite amie de Kurt, son meilleur ami. Comme les morts d'Elvis Presley ou de Marilyn Monroe, la mort de Cobain restera sans doute l'objet de nombreuses théories, plus ou moins farfelues. Ce reportage peut-être complété par le film Kurt Cobain : About a son, réalisé par AJ Schnack et basé sur des entretiens qui ont eu lien entre Michael Azerrad et le chanteur entre décembre 1992 et mars 1993. Kurt Cobain y expose sa vie, ses espoirs et ses peurs comme rarement, même si la phrase d'ouverture comme de fermeture du film est : « Les gens n'ont pas besoin de tout savoir sur moi ».
Enfin il est important de mentionner Last days de Gus Van Sant, qui suit d'une manière lente chère au réalisateur de Elephant et Gerry, la vie d'un rockeur marginal et déboussolé. Un film inspiré par la vie de Cobain sans que le nom du chanteur y soit associé une seule fois. Une oeuvre bien étrange qu'on pourra trouver géniale ou chiante à mourir, sans avoir tort ou raison.
Dave Grohl avec les Foo FightersAprès la mort de Kurt Cobain, le groupe s'est forcément séparé avec des destinées particulières pour chacun d'entre eux. Dave Grohl est sans doute celui qui s'en est le mieux sorti puisqu'il y a monté Foo Fighters dans lequel le batteur de Nirvana s'est transformé en guitariste/chanteur. Il est aussi apparu en guest sur les albums de Nine Inch Nails, Queens of the Stone Age ou encore Killing Joke.
De son côté, Krist Novoselic a lui aussi continué sa carrière musicale avec moins de succès que Dave Grohl. Ses groupes Sweet 75, Eyes Adrift, No WTO Combo n'ont pas rencontré le succès commercial des Foo Fighters. Mais surtout il s'est surtout lancé dans la politique, un sujet qui le tient à coeur depuis de nombreuses années.
Courtney Love a sorti plusieurs albums avec Hole, Pretty on the inside (1991), le magnifique Live through this (1994), My body, the hand grenade (1997) et Celebrity skin (1998), ainsi que deux albums solo : America's sweetheart (2004) et Nobody's daughter (2009). Elle s'est lancée de façon éphémère dans le cinéma en jouant aux côtés de Woody Harrelson dans Larry Flint (1996) de Milos Forman et de Jim Carrey dans Man on the moon (1999) toujours de Forman.
Tous seuls, nous ne sommes que tous seuls
It's fun to lose and to pretendLa vie de Kurt Cobain semble être un gigantesque paradoxe, un mélange d'antagonismes. Dès son plus jeune âge, Kurt Cobain espérait devenir quelqu'un de connu quand il était très jeune, et il parvint de fait à devenir l'une des premières icônes MTV, l'embryon d'un Pete Doherty. Et pourtant dans le même temps il tentait de refuser toute compromission, de rejeter le star system sans parvenir à y réussir. Ce jeune garçon fauché, qui ne parvient pas à apparaître heureux même s'il l'est et qui dormait sous les ponts, finit par défiler en limousine. On peut imaginer que ce constant tiraillement entre les deux côtés de sa personnalité était plutôt difficile à vivre : Cobain ne digéra jamais le « sucksess ». Sa vie se termina de la même façon paradoxale : alors qu'il semblait émerveillé par la vision de sa petite fille, Frances, qu'il déclarait qu'il ne voulait pas l'abandonner comme il avait été abandonné par son père, il se suicide, délaissant sa petite fille. Il faut dire que les journalistes n'ont pas été tendres avec le couple Cobain/Love, accusant notamment cette dernière d'avoir consommé de la drogue pendant sa grossesse. Cobain a même plusieurs fois envisagé de tout abandonner sous la pression des journalistes, voire de se venger d'eux. Ce sujet semble avoir particulièrement marqué le chanteur qui considère les journalistes comme « the most bitter people », qui rebaptise le magazine NME en « enemic » et MTV en « eMptyTV ». Finalement, Kurt Cobain était comme ces tortues dont il était obsédé au point de faire de grands bacs à sable au milieu de son appartement : on les croit solides parce qu'elles ont une carapace, mais en vérité leur carapace ne les protège pas beaucoup, les encombre énormémement et elles ne peuvent vivre sans cette carapace.
Le paradoxe de la vie de Cobain se retrouve dans la musique de Nirvana qu'il qualifiait d'heavy metal rock mâtiné de punk, mais dont les influences pop sont indéniables. « Nirvana n'arrive pas à savoir s'il veut être punk ou R.E.M. » sera même écrit dans Le journal de Kurt Cobain. Cet antagonisme se retrouve dans l'enchaînement des albums. Au son crade de Bleach succède le plus accessible Nevermind, à Incesticide succède In utero, et au live acoustique pour MTV succède un live représentant peut-être plus la réalité du groupe, entre hurlements et destruction des instruments. Nirvana sera décrié par certaines, adulé par d'autres pour cette attitude punk qui peut paraître feinte. Le débat sur le groupe se poursuit toujours dans les cercles musicaux : Cobain était-il un piètre guitariste grattant des guitares japonaises de mauvaise qualité, ou réussissait-il, au contraire, à faire passer une émotion avec un jeu pas forcément développé ? D'après Krist Novoselic, Kurt Cobain, le gaucher, n'a jamais su jouer plus de 10 chansons qui n'étaient pas les siennes, mais avait cette capacité de faire des choses originales parce qu'il était en dehors de la boîte. Finalement le débat sur la musique de Cobain et Nirvana rejoint les questionnements philosophiques sur l'art et la technique. Cobain était un artiste, dans tous les sens du terme.
Un rebelle à la Nouvelle StarL'influence du groupe, par contre, est indéniable. Une génération de gamins a grandi sur les accords de Smells like Teen Spirit, une génération qui, d'après Cobain, n'était plus aussi innocente que les précédentes à cause de la télévision. Mais les gamins n'ont pas été les seuls touchés par la musique de Nirvana. Ainsi on a pu découvrir des artistes aussi importants que Patti Smith, Tricky, Fear Factory ou Tori Amos reprendre des titres du groupe de Seattle : quelle fabuleuse reprise que celle de Smells like Teen Spirit par la voix douce et le piano mélancolique de la fabuleuse rousse.
Nirvana est aujourd'hui intégré, avalé par la culture populaire, à tel point qu'on en voit même des reprises à la Star Academy ou à la Nouvelle Star, par des rebelles à mèche. Cobain voulait intégrer la machine pour la faire exploser de l'intérieur, mais c'est finalement la machine qui l'a avalé, détruisant son âme pour ne garder que l'apparence.
Notation détaillée
Bleach : 8/10
Nevermind : 9,5/10
Incesticide : 7/10
In utero : 9/10
MTV Unplugged in New York : 9/10
From the muddy banks of the wishkah : 7/10
Nirvana : 5/10
With the lights out : non noté
Sliver : The best of the box : non noté
Discographie
Bleach (1989)
01. Blew
02. Floyd the barber
03. About a girl
04. School
05. Love buzz
06. Paper cuts
07. Negative creep
08. Scoff
09. Swap meet
10. Mr. Moustache
11. Sifting
12. Big cheese
13. Downer
Nevermind (1991)
01. Smells like Teen Spirit
02. In bloom
03. Come as you are
04. Breed
05. Lithium
06. Polly
07. Territorial pissings
08. Drain you
09. Lounge act
10. Stay away
11. On a plain
12. Something in the way
Incesticide (1992)
01. Dive
02. Sliver
03. Stain
04. Been a Son
05. Turnaround
06. Molly's Lips
07. Son of a Gun
08. (New Wave) Polly
09. Beeswax
10. Downer
11. Mexican Seafood
12. Hairspray Queen
13. Aero Zeppelin
14. Big Long Now
15. Aneurysm
In utero (1993)
01. Serve the Servants
02. Scentless Apprentice
03. Heart-Shaped Box
04. Rape me
05. Frances Farmer Will Have Her Revenge On Seattle
06. Dumb
07. Very Ape
08. Milk It
09. Pennyroyal Tea
10. Radio friendly unit shifter
11. Tourette's
12. All Apologies
13. Gallons of Rubbing Alcohol Flow Through the Strip
MTV Unplugged in New York (1994)
01. About A Girl
02. Come As You Are
03. Jesus Doesn't Want Me For A Sunbeam
04. The Man Who Sold The World
05. Pennyroyal Tea
06. Dumb
07. Polly
08. On A Plain
09. Something On The Way
10. Plateau
11. Oh Me
12. Lake Of Fire
13. All Apologies
14. Where Did You Sleep Last Night
From the muddy banks of the wishkah (1996)
01. Intro
02. School
03. Drain you
04. Aneurysm
05. Smells Like Teen Spirit
06. Been a Son
07. Lithium
08. Sliver
09. Spank Thru
10. Scentless Apprentice
11. Heart-Shaped Box
12. Milk It
13. Negative Creep
14. Polly
15. Breed
16. Tourette's
17. Blew
Nirvana (2002)
01. You Know You're Right
02. About a Girl
03. Been a Son
04. Sliver
05. Smells Like Teen Spirit
06. Come as You Are
07. Lithium
08. In Bloom
09. Heart-Shaped Box
10. Pennyroyal Tea
11. Rape Me
12. Dumb
13. All Apologies
14. The Man Who Sold the World
15. Where Did You Sleep Last Night (Unplugged)
With the lights out (2004)
Disc 1
01. Heartbreaker
02. Anorexorcist
03. White Lace and Strange
04. Help Me, I'm Hungry (aka Vendettagainst)
05. Mrs. Butterworth
06. If You Must
07. Pen Cap Chew
08. Downer
09. Floyd the Barber
10. Raunchola (aka Erectum)/ Moby Dick
11. Beans
12. Don't Want it All (aka Seed)
13. Clean Up Before She Comes
14. Polly
15. About a Girl
16. Blandest
17. Dive
18. They Hung Him on a Cross
19. Grey Goose
20. Ain't It a Shame
21. Token Eastern Song
22. Even in His Youth
23. Polly
Disc 2
01. Opinion
02. Lithium
03. Been a Son
04. Sliver
05. Where Did You Sleep Last Night
06. Pay to Play (early version of Stay Away)
07. Here She Comes Now
08. Drain You
09. Aneurysm
10. Smells Like Teen Spirit
11. Breed
12. Verse Chorus Verse
13. Old Age
14. Endless, Nameless
15. Dumb
16. D-7
17. Oh, the Guilt
18. Curmudgeon
19. Return of the Rat
20. Smells Like Teen Spirit
Disc 3
01. Rape Me
02. Rape Me
03. Scentless Apprentice
04. Heart-Shaped Box
05. I Hate Myself and Want to Die
06. Milk It
07. Moist Vagina (aka. MV)
08. Gallons of Rubbing Alcohol Flow Through the Strip
09. The Other Improv
10. Serve the Servants
11. Very Ape
12. Pennyroyal Tea
13. Marigold
14. Sappy
15. Jesus Doesn't Want Me for a Sunbeam
16. Do Re Mi
17. You Know You're Right
18. All Apologies
Disc 4: DVD
01. Love Buzz
02. Scoff
03. About a Girl
04. Big Long Now
05. Immigrant Song
06. Spank Thru
07. Hairspray Queen
08. School
09. Mr. Moustache
10. Big Cheese
11. Sappy
12. In Bloom
13. School
14. Love Buzz
15. Pennyroyal Tea
16. Smells Like Teen Spirit
17. Territorial Pissings
18. Jesus Doesn't Want Me for a Sunbeam
19. Talk to Me
20. Seasons in the Sun
Sliver : the best of the box (2006)
01. Spank Thru
02. Heartbreaker
03. Mrs. Butterworth
04. Floyd the Barber
05. Clean Up Before She Comes
06. About a Girl
07. Blandest
08. Ain't It a Shame
09. Sappy
10. Opinion
11. Lithium
12. Sliver
13. Smells Like Teen Spirit
14. Come as You Are
15. Old Age
16. Oh, the Guilt
17. Rape Me
18. Rape Me
19. Heart-Shaped Box
20. Do Re Mi
21. You Know You're Right
22. All Apologies - 3:33
* Cette rétrospective s'appuie en partie sur le documentaire Kurt and Courtney (1998) de Nick Broomfield, sur le film About a son (2008) de AJ Schnack et sur le livre Le journal de Kurt Cobain.