8/10Arcade Fire - Neon Bible

/ Critique - écrit par Vincent.L, le 09/04/2007
Notre verdict : 8/10 - Opéra rock grandiloquent (Fiche technique)

Tags : fire neon bible arcade album music butler

Oui la sortie de Neon Bible, le nouvel album d'Arcade Fire, est un événement incontournable de l'année 2007. Non ce disque n'est pas un chef-d'oeuvre. Remettons les choses dans leur contexte. En 2004, les Canadiens d'Arcade Fire créent un incroyable buzz en France, les classant rapidement en tête des charts indépendants. Les raisons ? Difficile de vraiment savoir. Mais quelques chansons avec des bribes de français, quelques pépites inoubliables telles Neighborhood #1 (Tunnels) et In The Backseat (du Björk en mieux) donnent quelques pistes. Des motifs auxquels on peut ajouter l'esprit psychédélique et puissant de la formation, teinté de compositions un peu fouillies, avec une profusion d'instruments (piano, violon, violoncelle, xylophone, trompette, accordéon, guitare, basse, harpe...) qui cachent néanmoins pas mal de tâtonnements artistiques. Quelque part entre Joy Division, Echo & the Bunnymen, Pixies ou encore Talking Heads, Arcade Fire constitue un revival rock eighties qui séduit beaucoup d'auditeurs d'aujourd'hui qui ne feront jamais l'effort d'écouter les groupes originaux. Alors, même si la voix hors du commun de Win Butler laisse parfois un peu à désirer et que celle (magnifique) de Régine Chassagne apparaît trop peu exploitée, il semblerait que pratiquement personne n'y trouve grand-chose à redire.

Touché par la grâce

Comme son prédécesseur Funeral, Neon Bible est largement irrégulier, rempli de faiblesses et de qualités, de zones obscures et de rayons éblouissants. Le groupe est décidemment instable. Malgré tout, Win Butler a assuré sa voix et évite d'être « borderline ». Comme à son habitude, le groupe est parfois touché par la grâce. Ici, Black Wave/Bad Vibrations et No Cars Go sortent largement du lot. Deux monuments où l'alchimie entre la voix de Bulter et de Chassagne est parfaite. En particulier, No Cars Go écrit directement son nom dans les annales du rock. Cette cathédrale fascinante, à la fois ultra festive, originale, rythmée, efficace et mélancolique, représente sans aucun doute le sommet de l'album. Ce titre, à lui seul, résume la situation dans laquelle semble se trouver le groupe. Des esprits créatifs mal ordonnés, qui veulent partir dans tous les sens, donner des arrangements grandiloquents, se démarquer, proposer de l'extraordinaire, des ruptures rythmiques et/ou mélodiques inattendues, une énergie fédératrice, universelle. Bien sûr, lorsque l'on attend un tel niveau de réussite, où la multiplicité d'instruments s'additionne comme autant de jouissances individuelles pour créer un ensemble admirable et chérissable en tous points, on ne peut que se lever et crier très fort au génie. Presque tout aussi marquants, plusieurs autres titres s'imposent : Intervention (et son orgue ravageur), Ocean of Noise (belle ballade à l'explosion orchestrale progressive), The Well and the Lighthouse (chanson rock énergique imparable et mélancolique), le religieux et hyperbolique My Body Is a Cage.
Mais lorsque l'on sent que le groupe voudrait voir architectural mais que le résultat n'est qu'expérimental, la déception est grande. Comme en témoignent par exemple le rock-symphonique et répétitif Black Mirror (étrange choix de premier single), le très faible et poppy Keep the Car Running qui rappelle Echo & The Bunnymen, la ballade anecdotique Neon Bible (qui oublie tout simplement d'exploser émotionnellement).

Cet album le confirme, le groupe est grand. Il a encore beaucoup de choses intéressantes à nous dire et, compte tenu de son mode de composition d'explorateur, pendant longtemps (si seulement les membres ne se séparent pas).