Java - Interview

/ Interview - écrit par Loic, le 14/10/2003

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Interview de Java

Nous avons rencontré Erwan, chanteur de Java quelques temps avant la sortie de leur nouvel album « Safari Croisière » :

Krinein: Pouvez-vous nous parler de votre nouvel album qui sortira bientôt ?
Erwan
: C'est notre deuxième album, là il est terminé d'enregistrer, il sort au mois d'octobre. Pour décrire les morceaux, je dirai que c'est un album beaucoup plus musical que le premier, il y a plus de recherche, il est assez différent du premier, mais on a quand même essayé de conserver l'esprit Java. Il y a un peu moins de hip hop, plus de chansons je dirais. On a fait pas mal de recherche dans les rythmes pour pousser ce côté un peu rap et musette, pousser la fusion pour rendre le son plus compact.
Pour ce qui est de l'enregistrement, on a commencé à faire des morceaux en France et on a eu la chance de partir enregistrer au Brésil. On est restés un mois à Rio, on a enregistré des percussions là-bas, avec des percussionnistes brésiliens, des cordes, des guitares aussi. On est partis parce que Fixi (accordéoniste et compositeur) connaissait des musiciens là-bas, il y avait déjà joué. En plus, ça correspondait avec la démarche de Java qui était de piocher dans les racines populaires, de ce qu'était la musique en France et de le mélanger avec des choses actuelles. Au Brésil, les gens connaissent tout leur patrimoine musical, les trucs populaires, et en même temps ils le mélangent avec des choses modernes, c'est sans cesse en évolution. En plus, ce sont de supers bons musiciens, c'était intéressant d'aller voir là bas. En plus, beaucoup de musiciens français partent aux Etats-Unis pour enregistrer, et au lieu de faire comme eux justement, on s'est dit que dans le nouveau monde il n'y avait pas que les Américains.
Mais on n'a pas fait de la musique brésilienne quand même, ce sont nos morceaux. Il y a quelques arrangements aux sonorités latines, et il y a une samba sur le disque, mais ce n'est pas un album de musique brésilienne, ça reste Java, avec des trucs un peu rap, ambiance rock, chanson française, voilà, avec toute cette cuisine, on essaye de faire notre propre son.

K: Il y avait deux aspects bien distincts dans le 1er disque : des chansons entraînantes et d'autres plus dans le style de la ballade. En est-il de même pour le deuxième ?
E
: Oui, il y a des chansons assez calmes, et d'autres plus festives, pour danser etc. Il y a ce même genre d'ambiances. Et c'est ce qu'on essaye de faire un peu en concert, il y a un côté bal, une ambiance où les gens peuvent danser, s'exprimer, et en même temps, contrebalancer avec des chansons plus intimistes pour faire un vrai spectacle qui parte dans tous les sens, qu'il n'y ait pas juste un seul type de chanson. Ce qui me fait chier moi dans certains albums, c'est qu'il y ait la même chose du début à la fin. Ce qu'on essaye de faire, c'est un truc sinusoïdal tant dans l'album que dans les spectacles, créer des atmosphères différentes, au risque de se perdre, de s'éparpiller peut-être, mais c'est un risque à payer.

K: Comment vous est venue l'idée de mélanger du rap avec de l'accordéon ?
E
: Je faisais partie de petits groupes de reggae et de rap et j'ai commencé à faire des morceaux avec plusieurs personnes, et le côté vraiment hip hop ne correspondait pas vraiment aux textes que je voulais faire, parce que le hip hop véhicule un message très précis, très politique, la langue du ghetto etc. qui ne correspond pas du tout à mon parcours. J'ai rencontré Fixi, il accompagnait toujours un style précis et il voulait aussi faire un truc qui lui corresponde plus, qui soit plus personnel. Il jouait du clavier au départ et il s'était mis a l'accordéon justement pour rechercher autre chose, parce qu'il en avait senti le besoin à ce moment, il y a 5 ans quand on a monté le truc. On en avait marre de toute cette musique aseptisée, qui est toujours une copie de ce qu'il y a en Angleterre, aux U.S. ou en Jamaïque pour le reggae, avec les mêmes clichés, les mêmes langages. Tout ça ne correspondait pas du tout à notre langage, à notre parcours, et on s'est retrouvés sur ce point-là. On voulait faire un truc personnel avec des idées de musique et des goûts différents. L'idée de Java c'était ça au départ.

K: D'où vous vient l'idée de vous déguiser sur scène ?
E
: Oui c'est vrai, là on a des nouveaux déguisements. C'est pour donner un côté cabaret, un côté comique, ça fait partie du spectacle.

K: C'est étrange de voir un groupe comme le votre chez Sony ?
E
: En fait quand on a signé chez Sony, je n'y connaissais pas grand-chose, je n'étais pas un professionnel. Fixi vivait déjà de ça, il accompagnait des gens, il avait déjà ses entrées, il connaissait quelques personnes dans les maisons de disques. On avait déjà quelques maquettes, le projet s'était monté, on savait qu'on voulait faire un groupe et faire de la scène. On les a fait écouter à un label, c'était Source, il a accroché, donc ça s'est su. Après, on nous a proposé un contrat. A l'époque je faisais des petits boulots, je ne savais pas vraiment quoi faire de ma vie, j'ai vu le contrat, j'ai tout de suite dis « je signe » ! Ce que je regrette aujourd'hui (rire) ! En fait je ne regrette pas, ça a fait avancer le truc, mais après, signer pour le nombre d'album que j'ai signé... Mais c'est vrai que c'était un coup de chance. A l'époque il y avait tout le soit disant renouveau de la scène française avec des groupes comme Louise Attaque, donc dans les maisons de disques, il y avait des directives pour signer ce genre de groupes. Oui, c'était un coup de chance d'arriver à ce moment-là. Mais après, avant de sortir le disque, on a quand même tourné pendant un an pour que le public s'habitue. Mélanger du rap avec de l'accordéon au départ ça ne semble pas évident. D'ailleurs, on a eu pas mal de critiques, toujours aujourd'hui d'ailleurs, qui disent qu'on fait du rap musette point barre. C'est difficile de faire comprendre le projet, c'est par l'album bien sûr, mais c'est surtout par la scène. Pour faire comprendre notamment aux journalistes, que ce qu'on fait, ce n'est pas juste du rap musette, que c'est plus compliqué que ça. Ils ont tendance à te mettre une étiquette, à te classer, et ça a été assez difficile pour Java. Ils disaient c'est du rap musette, ils ont signé chez Sony, ils vont faire un tube et ce sera fini.

K: En live, vous modifiez certaines de vos chansons, vous jouez des chansons inédites ("Chronique d'une toxine", "Apocalypse"...). Pourra-t-on retrouver ces chansons sur un album studio, voire sur le disque qui va bientôt sortir ?
E
: Non, il y a des chansons qu'on joue en concert qui ne sont pas sur le disque, d'autres chansons qui sont sur le disque et qu'on n'a jamais jouées en concert, comme "Le banquet des chasseurs", par exemple. Mais pour faire le disque, on a fait 25 morceaux, et on n'en garde que 12, parce que le travail en studio ce n'est pas du tout la même chose qu'en live, où il faut avoir quelque chose de plus virulent, alors qu'un disque, on l'écoute chez soi, dans une atmosphère plus intimiste, plus variée. Et il faut penser qu'un disque ça se réécoute plusieurs fois, il faut vraiment qu'il y ait de la recherche, des trucs plus subtils, ce n'est pas la même démarche, et je trouve ça intéressant de ne pas faire la même chose en concert.

K: Vous avez un public ayant une culture majoritairement rock, trouvez-vous cela étonnant ?
E
: Non, pas du tout, justement, on fait une nouvelle forme de rock. Mais d'abord, c'est quoi le rock - je ne sais pas ce que c'est - c'est juste les guitares saturées ?
Mais en tout cas, c'est vrai qu'on tourne beaucoup, comme un groupe de rock, on joue dans les mêmes salles, mais ça nous est déjà arrivé de jouer dans des bars, des cabarets, des petits théâtres, on essaye de jouer partout. Et on aimerait bien, quand on aura le répertoire approprié, faire un set uniquement de chansons, dans un petit cabaret, puis un autre jour sur une grande scène, et que ce soit plus rock. Je ne vois pas Java comme un groupe qui fait un style de musique précis, mais plutôt comme un collectif avec des individualités propres, qui apportent chacune leur touche. Ca va extrêmement vite aujourd'hui de s'enfermer dans un style de musique, un style de parcours. Peut-être que ça arrivera un jour avec Java, mais ce jour-là, j'arrêterai, je ferai autre chose. Ce qui est important c'est de prendre des risques, de jouer sur une scène, surprendre les gens, sinon ils s'emmerdent vite. Et ça se voit en concert, si on se fait chier, ils se font chier aussi.

K: Vous semblez cultiver une certaine attitude purement franchouillarde...
E
: Non, pas vraiment, enfin franchouillard ça fait péjoratif. Enfin, moi je suis parisien, j'habite Paris, je suis né en banlieue, c'est sûr que l'environnement dans lequel je vis influence ma musique, mais après, l'attitude du titi parisien c'est de l'humour, ça n'existe plus la verve parisienne, aujourd'hui c'est le lascar, mais c'est vrai que dans les textes... Personnellement, j'aime beaucoup les films d'Audiard, de Blier, toute cette culture du cinéma, jouer avec les mots, la tchatche parisienne...
Mais d'un autre côté, il n'y a pas vraiment d'attitude, il y a un côté parisien, mais on ne va pas pousser là-dedans jusqu'à s'enfermer dans une attitude qui fait qu'on te juge plus sur ton image que sur ta musique. On essaye de varier, ne pas faire le metal ou le hip hop ou il faut avoir l'attitude qui va avec ta musique. Enfin sur scène, on essaye de s'habiller classe, pour avoir un certain côté visuel, mais dans la vie on n'est pas comme ça.


Nous remercions Erwan pour sa disponiblité.