8.5/10Filastine - Dirty Bomb

/ Critique - écrit par Dat', le 20/01/2009
Notre verdict : 8.5/10 - They Move Like Somnambulists (Fiche technique)

Tags : filastine dirty bomb feat fenetre livraison album

Filastine revient avec un album plus âpre, plus frontal, qui concasse toujours sauvagement les richesses d'un monde en déliquescence.

On ne va pas refaire un Laïus sur Filastine, musicien atypico-alter-mondialisto-activiste. Perturbateur de G8, concert politique dans les rues de Tokyo, chef d'orchestre pour percussionnistes dans la plupart des pays d'Amérique du sud... Mr Filas a retourné autant de sound-systems que foulé de contrées avec ses petons. Mais depuis peu, et grâce à Jarring Effect, on avait pu découvrir sur disque la facette musicale du bonhomme, avec son album Burn It, sublime voyage aux quatre coins du monde. Il faut dire que le musicien avait une forte tendance à noyer toutes les réminiscences world glanées aux grés de ses voyages dans des attaques électro-hiphop-noise du plus bel effet.

Accoucher d'un successeur à Burn It n'a point du se faire sans douleur, tant le danger de la redite (aussi bonne soit-elle) était présent. Certes, ce Dirty Bomb est toujours le reflet d'une musique qui a bourlingué sous toutes les latitudes. Mais Filastine semble aussi avoir posé durablement ses valises en Angleterre, tant le disque transpire le Hip-hop et la bonne Wobble-Bass, qui secouent les caves des Fish&Chips depuis quelques temps.

Foreign Pulses & Post-apo

Filastine
Filastine
Et c'est par un énorme Singularities que débute le disque, hachant un vieux sample de cordes sur un lit de percussions affolées et autres effets noisy, à faire pâlir tout amateur de vinyles dépecés. Tous les sons s'empilent les uns sur les autres pour former une danse qui rappellerait presque celle d'un bandonéon rachitique, drogué jusqu'à la moelle. C'est superbe, dans la lignée direct du précédent album, ça tape, ça prend le cœur, ça vous file la frousse tout en vous donnant envie de bouger comme un con.

Fitnah assurera la première incursion vocale du disque, après une longue intro opaque habitée par un semblant de theremin, grâce à Mademoiselle Jessika Skeletalia Kenney, distillant ses mélopées orientales sur des vrombissements dubstep du plus bel effet.  Un peu plus loin les excavations World de Filastine s'attaqueront au Flamenco sur The Sinking Ship, avec cette guitare en mode virtuose dynamitée par des soubresauts électro-flingués secs comme la mort.

Mais ce n'est pas qu'en jouant / torturant avec les sonorités du monde entier que Filastine s'évertue à donner un caractère universel à sa musique. Le musicien, qui ne veut pas limiter le Hip-hop à quelques invités venus des Usa, a l'excellente idée de proposer ses compostions aux flows de Mc Australien, Japonais, Anglais, Sud-américain ou Français... On tient d'ailleurs le tube du disque avec Hungry Ghosts, réunissant le Japonais EDC et l'australien Wire Mc. Aillant déjà le mérite de mettre en avant deux nations plus que sous exploitées par le Hiphop mondial, le morceau se paye une ligne de basse affolante, avec une mélodie saturée qui tuera toute nuque un tant soit peu sensible au genre. Wire se démènera sur un lit Grime âpre et explosé, avant que le morceau se transforme en bombe dancefloor avec handclaps imparables, les attaques verbales du Nippon se retrouvant ensevelies sous les coups de buttoir de Filastine. On retiendra aussi le très bon Grime / Dubstep de No Lock No Key, qui n'aurait pas fait tache sur le dernier album de The Bug. Mais c'est B'talla qui refera méchamment tressauter nos tympans, Rabah s'arrachant sur une instrue ultra saccadée et bouffée par les bugs.

C'est clairement ce coté électronique mâtiné de dubstep et autres facettesFilastine²
Filastine²
vrombissantes qui se démarque par rapport à la précédente galette de notre globe-trotteur favoris. Ca gronde, ça grince, ça explose constamment, exploitant moins les sonorités ethniques pour se focaliser sur une matière première plus dure et frontale. Certains morceaux, strictement électroniques et instrumentaux, iront dans ce sens, comme le sauvage Bitrate Sneers, le dubstep lézardé de scratchs de Desordenador ou l'electro-noise sauvage de Marxa. Les réminiscences orientales sont toujours présentes, mais se retrouvent dérouillées par un rouleau compresseur, là où elles pouvaient servir auparavant de fondations.

The Road

La conclusion prendra le contre-pied du paragraphe ci-dessus, en nous balançant un  morceau colossal, proche de certaines expérimentations du dernier Von Magnet, où le chant gitan de La Peria se retrouve mêlé à des paraboles expérimentales, pour un mélange à vous raidir la gueule pour dix jours. Absolument sublime, bien que bref, Como Fugitivos vous arrache le cœur pour vous le faire bouffer manu-militari avant de vous terminer à coup de pelle dans la tronche.

Sans égaler l'énorme Burn It, clairement plus inclassable que ce nouvel essai,  Dirty Bomb continue avec brio son travail de sape au combien nécessaire : Celui de considérer la terre comme un seul pays, abolissant les frontières sonores pour plonger les éléments les plus traditionnels avec les excursions les plus synthétiques, sans jamais sonner comme une compilation pour globe-trotter du dimanche. Filastine aime le monde et ses hasards, il les défend, il les sublimes et veut surtout les porter aux oreilles du plus grand nombre en les mâtinant de sa patte dérouillée et aventureuse, toujours au bord de l'explosion.

Beaucoup plus frontal et rude que son prédécesseur, Dirty Bomb se pose en parfait miroir d'un monde où le soleil, entre les immeubles, se fait de plus en plus rachitique.  Continuer à arpenter la route et en glaner ses richesses musicales, avant que tout soit recouvert de cendres. Trop rare dans nos oreilles, donc essentiel.


Filastine - dirty bomb

01. Singularities
02. Fitnah feat Jessica Skeletia Kenney
03. Hungry Ghosts feat Wire Mc & ECD
04. Bitrate sneers
05. Desordenador
06. No Lock No Key feat Dj Collage
07. The Sinking Ship
08. From the south to the west...
09. To the motherfucking east
10. Blung
11. Con las manos en la masa feat Malena d'Alessio
12. Stereofonic Streetscape Blowout
13. B'talla feat Rabah
14. Marxa
15. They Move Like Somnambulists
16. Strategy Of Tension
17. Como Fugitivos feat La Peria