9/10Eurockéennes de Belfort - Edition 2005

/ Critique - écrit par nazonfly, le 09/07/2005
Notre verdict : 9/10 - Les Eurockéennes 200.5 (Fiche technique)

Tags : eurockeennes belfort france festival edition scene rock

Tout un symbole... Le petit bracelet jaune du camping vient de quitter mon bras en laissant une marque blanche, un souvenir bientôt évanoui d'un week-end de rêve. Car plus qu'encore que l'année 2004, qui restera celle de mes premières Eurockéennes, 2005 a été une année géniale - aux Eurockéennes du moins.

Seul, cette année, je suis seul. J'arrive par le train avec mes deux énormes sacs et je prends la navette direction le camping. Le camping qui met tout de suite dans l'ambiance, comme l'année dernière les cris retentissent aux quatre coins du camping. J'arrive tard, et je me retrouve au fin fond du bout du camping. Ca sera encore dur pour les jambes cette année, surtout quand on annonce Louise Attaque, The Chemical Brothers ou encore Garbage.

Planter une tente n'est pas si facile. Comme l'année dernière je raterai le premier groupe. Tant pis. Il en reste tant, les organisateurs ayant préféré miser sur le nombre (et la qualité) plutôt que sur des têtes d'affiche certaines de ramener du monde. D'ailleurs on commence à murmurer que le festival ne sera pas complet cette année, ce n'est finalement pas plus mal.

Pour commencer le week-end tout en douceur, un peu de pop n'est pas de refus. C'est le groupe Twaii, vainqueur du tremplin allemand qui ouvrira. On ne peut s'empêcher de penser aux incontournables K's Choice ou encore aux 99 Lufballons de Nena. Et pourtant c'est un jeune groupe dont la jolie chanteuse respire la joie de jouer aux Eurocks malgré une loggia des plus clairsemée.
Il faut dire qu'aussi sur la Grande Scène Kaizers Orchestra fait son show. Musique tzigane, pianiste avec un masque à gaz, le groupe est un joyeux bordel festif qui me ferait presque regretter de n'avoir pu voir tout leur show. Car déjà la cruelle réalité s'empare de moi. Je ne peux aller partout, il va falloir que je fasse des choix, presque des concessions.
D'ailleurs l'heure suivante est emblématique. Cocorosie ou Bloc Party? Ca sera Cocorosie qualifé comme "d'un mélange atypique de chant lyrique, de gospel et de pop low-fi". Malheureusement des ennuis techniques récurrents vont complètement gâcher le concert et faire plus qu'énerver les deux chanteuses picolant allègrement du whisky. Les voix des chanteuses sont pourtant sublimes rappelant le mouvement heavenly voices tandis que la musique pencherait plutôt vers le trip-hop le plus tranquille avec parfois l'apport d'une human beat box, d'un rap lancinant ou d'une poésie étrange posée là comme par hasard.
Mais il est temps d'abandonner cette musique et ces voix mignonettes. Car il est l'heure de sortir les biceps, d'entamer une bonne bière fraiche et d'enfourcher la Harley. Queens of the Stone Age (QOTSA pour les intimes) rugit sur la Grande Scène. J'ai toujours trouvé leur album Songs for the deaf assez mou du genou et je ne suis là que parce qu'il n'y a personne d'autres ailleurs. Et pourtant... Pourtant je viens de me prendre la CLAQUE, pas la petite bafette du cinéma, la bonne vraie grosse CLAQUE sonore! QOTSA est un véritable rouleau compresseur qui ne laisse rien sur son passage. En phase totale avec le public, le chanteur finit même devant des spectateurs fous. QOTSA, ça l'fait!
Mais déjà un autre groupe m'appelle sur la Plage, TAF qui semble se faire un vrai nom dans le metal français. Et on comprend pourquoi. Metal/hardcore, TAF est un modèle d'efficacité et le public est plus que dans sa poche!
Arrêt de quelques secondes devant Emilie Simon. Sympathique mais franchement après QOTSA, TAF et juste avant Nine Inch Nails (NIN pour continuer avec les acronymes), je ne suis pas d'humeur à écouter la belle Emilie.
Nine Inch Nails est sans doute l'un des groupes les plus attendus de cette première journée. Et NIN ne se dégonfle pas. Le temps semble se mettre en accord avec le metal indus de Trent Reznor, tour à tour sombre, profond, déchaîné. Tout de cuir vêtu, Trent subjugue la foule qui ne demandait pas mieux. Ce n'est pas une surprise mais que c'est bon!!
Après l'avant-goût de l'Apocalypse made in NIN, c'est The Chemical Brothers qui investit la Grande Scène. Avec un seul mot d'ordre : faire danser les Eurockéennes. Et ils y arrivent bougrement bien. Les pieds se mettent à bouger dans tous les sens, les bras se lèvent dans l'air. C'est le double effet Chemical. Comme dans les nuits les plus folles d'une jeunesse perdue, je danse, je danse. Ah que c'est bon! On pourrait danser jusqu'au bout de la nuit.
Mais tout a une fin. Même les Chemical. Heureusement d'autres groupes sont là pour reprendre le flambeau en l'allumant de façon différente. C'est le cas de La Phaze sous le Chapiteau. Ici c'est le punk qui règne en maître avec un chanteur bondissant, une vraie boule d'énergie sur pattes parfois aidée par l'homme des boîtes à rythme rappant sur un rythme effréné. La Phaze c'est tout simplement la deuxième CLAQUE, du combustible nucléaire à l'état pur!
Bref passage devant la techno de T. Raumschmiere avant de s'installer devant Electrelane. 4 filles dans le vent. Mais un vent tantôt calme, simple souffle qui fait bruisser les feuilles et tantôt c'est une tempête qui se lève et qui est près de tout dévaster sur son passage. Les membres du groupe sont par contre étrangement en retrait du public, presque timides. Mais c'est aussi sans doute ce qui fait leur charme.
La première journée est (déjà) terminée et je suis sur la partie charnue de mon individu! C'était tout simplement énorme! Que me réservent les autres jours?

Un tour au camping, un bref temps de sommeil, une démonstration de BMX (une première pour le festival) et la deuxième journée commence par un nouveau tremplin, suisse cette fois, Elkee. Deux guitares, une basse, une batterie, un chanteur habité. Rien de tel pour faire un très bon groupe de rock et assurément Elkee en fait partie!
Quelques pas me mèneront vers Torm dont l'univers de science-fiction est original. Ces types sont barrés!! Mais après une intro indianisante et un mot affreux, horrible prononcé par celui qui semble être le leader du groupe, zouk, je commence à fuir doucement les lieux, presque à regret en entendant ce qui semble être pour le moins original, un mélange zouk-metal!!! Mais je suis déjà loin, devant la scène des metalleux de Mastodon, pour moi le plus mauvais des concerts de cette année. Oh certes ils font du bruit, ils vont vite, ils crient fort. Mais rien ne se dégage de leur musique. Même les plus énervés qui ont tenté de lancer quelques pogos se calmeront vite devant l'inintérêt de cette musique!
Continuons avec le metal par le groupe marseillais ETHS (je sais c'est vachement important de savoir qu'ils sont marseillais!). Bien que pas forcément plus fins au niveau musical que Mastodon, ETHS apporte un petit plus et notamment dans l'énergie et le charisme de sa chanteuse dont la voix rauque ferait pâlir nombre de mecs virils et poilus! En tout cas le public semble aimer ETHS si j'en juge par le nombre de slams. Tiens d'ailleurs c'est marrant, c'est un gamin de 12 ans qui vient de passer. Ohoho de mieux en mieux une fille maintenant. Quoi? Une gamine de 12 ans qui vient de slammer. On aura tout vu! Il semble que les jeunes passent directement de Lorie à ETHS et consorts.
Un peu de calme maintenant avec Ghinzu sur la Grande Scène. Pop-rock efficace, reprises intelligentes, Ghinzu arrive à faire danser le public assez facilement. Le show n'est pas mémorable mais il est efficace! On ne peut vraiment rien reprocher à Ghinzu!
A peine Ghinzu est terminé qu'il faut foncer voir ce qu'on annonce comme l'un des événements de ces Eurocks, la rencontre entre Nosfell et Ez3kiel. Comment expliquer en quelques mots la magie qui s'est dégagée de cette association? Planant, magique justement, envoûtant. On se sent tout simplement transporté quelque part, ailleurs. On voudrait que ça ne s'arrête jamais. Finalement c'est beau. C'est simple mais rien n'est meilleur!
Le prochain groupe devra avoir un sacré niveau pour me faire oublier Nosfell et Ez3kiel... Et le challenger s'avance en la personne de Cali, le chanteur français que même la ménagère de moins de 50 ans connaît! La musique est sympathique, le personne aussi. D'ailleurs il s'avance devant le public, il est vraiment sympa. Et là c'est LE moment à ne pas rater des Eurockéennes. Cali se jette dans la foule et entame un slam gigantesque dont on se demande s'il va s'arrêter un jour! C'est tout simplement énorme, la foule est en folie, elle lui arrache ses pompes et manque de le mettre nu! Tout de suite, son concert prend un autre ton et on se surprend à chanter à tue-tête comme les autres! C'est vraiment extraordinaire! Excellentissime.
Et dire qu'après c'est au tour de Garbage d'investir la scène. Shirley enchaîne les tubes du groupe sans se départir de son énergie et d'un tantinet de poses tout à fait agréables à regarder. Quelques mots de français et le public la suivrait au bout du monde. Du bon, du très bon, du très très bon!
Et enfin pour finir une nouvelle journée bien remplie, Dälek joue sur la Plage avec son hip-hop sombre qui permet au péquin moyen de se rendre compte que le hip-hop est bien plus que ce qu'on veut nous faire croire. Il existe des courants sombres loin des clichés du genre! Merci Dälek.

Et nous voilà repartis pour une troisième journée aux Eurockéennes.
La journée du samedi s'était achevée à la Plage. Quoi de plus évident que de commencer ce dernier jour par la Place où va sévir Toxic Kiss, vainqueur du tremplin alsacien. La formation nous balance un rock éclectique, punk, glam, pop oscillant entre deux voix féminines et un trio féminin-masculin. La journée commence sous de bons auspices!
Direction ensuite le chapiteau où après son show avec Ez3kiel du samedi, Nosfell nous revient seul. Mais le groupe précédent n'a pas encore fini. Marcelo D2 nous vient du Brésil et mélange hip-hop et rythmes reggae. Et franchement je leur pardonne aisément leur bon quart d'heure de retard car leur musique est tout simplement revivifiante, un véritable bonheur musical bien retranscrit sur scène par l'immense sourire du chanteur. Le temps de changer les instruments sur scène et surtout d'arrêter Marcelo D2 qui semblait prêt à chanter toute la nuit, et voici Nosfell.
"Bonsoir, je m'appelle Labyala Fela Dajawidfel, dit Nosfell." C'est ainsi qu'il commence et il nous emmène une fois de plus dans son ailleurs, son pays. Accompagné du contrebassisste Pierre Lebourgeois, Nosfell nous enchante avec pourtant une certaine simplicité dans l'apparence. Car Nosfell n'a quasiment pas besoin d'instruments : il enregistre les rythmes que sa bouche crée et c'est la trame de son morceau. Puis vient se poser une guitare, la contrebasse parfois et surtout la voix de Nosfell, une voix à nulle autre pareille capable de la plus tendre douceur comme des sons les plus graves. Il est debout, sur un pied. Puis se met à danser. Et plus rien n'est important autour du public : Nosfell captive, ensorcelle. C'est tout simplement magnifique.
Même scène, changement de rythmes. C'est Le Tigre qui envahit le Chapiteau. Le trio new yorkais tout de rose vêtu débarque avec son rock électro-punk kitsch. Le public danse, saute avec ferveur. L'hymne Deceptacon met en transe la foule qui ne peut s'empêcher de suivre les rythmes effrénés. 5 ans après le premier concert du Tigre (sans doute un de leurs premiers en France, à Saint Etienne avec entre autre High Tone, Monochrome et Shane Cough!!), ils n'ont rien perdu ni de leur militantisme gay/lesbien, ni de leur formidable énergie scénique.
Il faut désormais quitter l'ombre du Chapiteau et braver le soleil de la Plage pour faire connaissance avec Balkan Beat Box sobrement qualifié d'électro klezmer par le programme. Rien ne pouvait me préparer à recevoir une nième CLAQUE! Les balkans sont une région cosmopolite entre tradition européenne, arabe ou juive. Et cet assemblage disparate qui cause de nombreux problèmes ethniques prend tout son sens en musique. Et notamment chez Balkan Beat Box. Car c'est une tuerie sonore, une formidable machine à danser portée par un frontman exalté se jetant dos à la foule pour un slam du plus bel effet! Les trois saxophonistes ne sont pas de trop pour rendre tout l'univers du groupe. Peut-être le meilleur concert de ces Eurockéennes 2005!
Mais évidemment même les bonnes choses ont une fin. Et je me dirige vers la Loggia qui accueille les metalleux d'Isis. Et rapidement le parallèle se fait avec Mastodon. Quand Mastodon privilégie la puissance, Isis, tour à tour violent et planant, expérimente plus. Et pas besoin de photo finish à l'arrivée : Isis est à la fois original, puissant, sensible... ce que semble-t-il n'ont pas apprécié les nombreuses personnes qui quittent progressivement la Loggia. Tant pis pour eux!
A moins qu'ils ne se dépêchaient de rejoindre la Grande Scène pour les très attendus Sonic Youth. Les rumeurs racontent que Sonic Youth fait deux types de concerts : les concerts rock, plutôt tournés vers des chansons courtes et les concerts typiquement expérimentaux, beaucoup moins abordables. Au final, c'est un concert rock plutôt classique, malgré quelques passages réellement divergents. Concert plutôt classique?? Non ce n'est pas une mauvaise critique, car quand c'est bien fait (et ça a été le cas dimanche soir), il n'y a vraiment rien à redire. Là aussi Sonic Youth c'est du tout bon!!
Autre scène, autres dieux mythiques de la musique : Kraftwerk. Les inventeurs de la techno (ou peu s'en faut) sont sur scène, debout, devant un ordinateur tandis que défilent des images, des mots-choc sur les écrans derrière eux. Tous leurs plus grands tubes y passent : du dernier Tour de France aux Autobahn engendrant un début d'hystérie dans la foule, sans oublier Aerodynamik, Computer Worl, Radioactivity, Trans Europe Express. Aucun de ces tubes n'a vieilli et le public encourage à tout rompre les 4 allemands. Excellente musique, chorégraphie originale (si on peut appeler ça comme ça), il ne manquait plus que la surprise pour couronner le tout. Le concert est presque terminé, le rideau blanc est tombé. La foule demande à cors et à cris de nouvelles chansons. Ouverture du rideau pour la chanson The Robots sur laquelle les membres de Kraftwerk ont été remplacé par des robots!! Tout simplement exceptionnel!! Et pour terminer tous en choeur, Bum tchik bum tchak!!
Subjugué par Kraftwerk, je manque les premières minutes de Louise Attaque pour lesquels le public se masse en nombre. Intelligemment le groupe mélange les titres du nouvel album (à sortir prochainement et apparemment bougrement efficace) avec ceux du premier que tout le monde connaît bien évidemment par coeur. Petite dédicace aux Eurockéennes sur Les Nuits Parisiennes ('Et je veux vivre des soirées eurockéennes'). Le public est enchanté! Si le public de ETHS était composé pour la majeure partie de jeunes ados, ici il est agréablement mélangé, les vieux cotoyant les jeunes. Décidément Louise Attaque fait un bon groupe de clôture!
Mais la clôture pour moi se fera avec Royksopp, un de ces groupes dont on entend souvent parler et qu'on n'entend que rarement. Mes pieds fatigués feront les derniers efforts pour suivre la techno endiablée des deux norvégiens, agrémentée parfois d'une sublime voix féminine portée par un non moins sublime brune.

Et les Eurockéennes sont déjà finies. J'arrive tant bien que mal à récupérer un bout d'affichette 'Rock is not dead' présente un peu partout sur le festival. Et j'ai le sentiment d'avoir assisté à mes meilleures Eurockéennes jusqu'à présent. Entre des poids lourds mondiaux ou français d'une grande qualité (Garbage, Louise Attaque, Kraftwerk, Chemical Brothers), des groupes plus confidentiels qui assurent (Le Tigre, ETHS, Nosfell, Ghinzu) et, comme l'année dernière, des découvertes exceptionnelles (Balkan Beat Box, La Phaze, Toxic Kiss, Elkee), le public a eu le droit à un grand cru et l'a d'ailleurs montré avec forces cris et encouragements. Bref vous avez compris, j'ai a-do-ré!