Eurockéennes de Belfort - Edition 2003
Musique / Critique - écrit par Guest Star, le 22/07/2003 (Tags : eurockeennes festival belfort france edition scene rock
Sur Krinein, nous avons mis en place un système de Guest Star qui permet de donner la parole à des chroniqueurs, ponctuellement. La critique suivante est celle de Damiche, de la team Neosono.
Bonjour à tous les amateurs de musique.
Je suis Damiche, je vais vous conter les Eurockéennes de Belfort 2003.
Vendredi 4 juillet 2003
Arrivé en retard... je loupe le tremplin Metal Z-tribe, dommage. Mon premier concert cette année sera celui de The Datsuns : look rétro, guitares en avant, et de l'énergie à revendre pour un Heavy-Rock rapeux mais agréable... bonne mise en bouche pour mes oreilles.
Je fais honneur aux gloires en devenir en passant voir MXD : le mix machines + guitare métal + voix est sympathique, mais à mon goût le chanteur est... comment dire... sympathétique. Son jeu de scène et son manque de présence m'ont un peu gâché le plaisir. A revoir.
Un détour par la grande scène, juste le temps de s'endormir devant Mickey 3D. Le son est excellent, et les compos superbes de minimalisme, mais le groupe met beaucoup de volonté à sonner très mou. Ayant des envies de puissance en ce premier jour, je bats en retraite (anticipée).
Je suis le chemin d'un ami prolétaire pour aller voir La Vieille Ecole, groupe de Hip-Hop français issu des tremplins. Il s'agit pour moi de la première claque des Eurocks. Le groupe est formé de trois chanteurs, d'un DJ, et de divers invités venus agrémenter le son de percus ou d'instruments traditionnels. Ils dispensent un Rap old-school aux paroles intelligentes et drôles, mais se fendent aussi de morceaux chantés (notamment en arabe) ou de véritables tubes de l'été à la sauce salsa. A suivre !
Il est l'heure de manger... Zenzile dube en fond sonore. Puis Zenzile fusionne. Zenzile rocke carrément par moment. En tout cas Zenzile nous étonne. Citation du jour : "Ouais je me suis explosé le bras dans un pogo pendant Zenzile".
La première grande affiche de la journée est The Roots et aujourd'hui The Roots is on fire ! Blague à part, on se retrouve devant un groupe un peu remanié, et au style différent. On a le droit ici à deux guitaristes qui donnent à The Roots un son Rock, Funk, Soul, ou même Blues. Le concert de 1 heure 30 est entrecoupé de démonstrations techniques splendides du bassiste, d'un guitariste, et des rythmiciens. J'en sors groggy devant tant de maîtrise, mais un peu déçu par certains passages de "remplissage".
Je loupe les deux groupes de rock suivants : Sleepers et Stone Sour. Les deux semblent générer de bons échos (note d'un camarade : Stone sour, side project du chanteur de Slipknot, a été très impressionnant sur scène, délivrant un set d'une énergie communicative et moins lugubre que les masqués).
Je fais un bref passage (2... 3 secondes ?) devant Console, qui est trop Electro pour moi. Je laisse l'honneur de la chronique à des spécialistes. Vient enfin le moment attendu par environ 90.000 personnes en ce vendredi soir : la venue presque exclusive des mythiques Radiohead. Le concert est évidemment énorme. De nombreux titres d'OK Computer sont joués, au grand bonheur d'une majorité des fans. Le son est cristallin, et le public est littéralement écrasé sous une déferlante de beauté pure et vibrante. On entend quelques titres de The Bends, joués sans grand enthousiasme, contrairement à ceux des albums jumeaux KidAmnesiac. Ces plages donnent lieu à des expérimentations peu écoutables (en fait aussi captivantes que la pluie tombant sur un lac pour un poisson). Tout le monde restera néanmoins jusqu'à la fin, conscient d'avoir devant soi un des plus grands groupes des dix dernières années encore en activité.
Je pars me coucher satisfait par tant de grandes et petites choses... Laissant derrière moi, au loin, le chanteur des Wampas hurler d'une voix stridente, son micro dans la bouche. Au réveil, on me confie que leur prestation fut ébouriffante.
Samedi 5 juillet 2003
Souvent, un simple choix, une bête alternative peut changer nos vies. C'est ce qui m'arrive quand je choisis la file de gauche à l'entrée du festival, alors que mon ami Zumba choisit celle de droite. Je loupe donc la fin de Second Rate...
Mais j'arrive à temps pour Aqme. C'est un groupe de jeunes comme moi. Je suis donc forcé d'aimer. Il s'avère que leur concert est assez agréable. Je qualifierais leur musique de "choc entre la vague Grunge et le courant Néo-Métal, le tout rejeté sur les côtes françaises". Les compos sont taillées pour le live, et le groupe est rodé. La classique reprise de Nirvana "Heart Shaped Box" me va droit au coeur. Je déplore quand même un petit manque de recherche dans le jeu. (Ce n'est que mon avis personnel)
Je quitte le lieu des forfaits d'Aqme pour aller voir Hell is for Heroes, tout jeune groupe britannique. La musique de Hell is for Heroes est un rock indé puissant et mélodique, hors-norme et moderne à la fois, qui sait prendre aux tripes. Ce concert est d'ailleurs ma plus grosse claque des Eurockéennes : j'ai assisté, la joue rougie, à une débauche d'énergie communicative.
C'est d'ailleurs la communication, voire même l'interaction que le chanteur instaure avec le public qui fera une bonne part du succès. Le chanteur (au charisme ténébreux) vient chanter dans le public, puis escalade un échafaudage jouxtant la scène pour hurler ses paroles à deux mètres au dessus de nous, pour finir la dernière chanson pendu la tête en bas aux supports-lumières à 5 ou 6 mètres du sol. Des prises de risques non-calculées qui enflamment la plage, et la transforment en piste de pogo géant. Pour finir, je citerais le chanteur (en français dans le texte): "Vous êtes les pionniers de la révolution 'Hell is For Heroes'". A très bientôt les gars !
La fin du concert et le patronyme des Tokyo Ska Paradise Orchestra m'informent qu'ils font du Ska, qu'ils sont japonais, qu'ils sont nombreux et qu'ils sont angéliques... On a donc bien droit à du Ska jap joyeux joué en bande.
Moi je trouve ca un peu insipide... dansant, mais insipide. Pourtant j'adore les Japonais.
Direction le chapiteau pour aller voir Electric 6. Malgré quelques défections dans le groupe, ils sont toujours six, ce qui me rassure un peu (je suis très tatillon). Le groupe délivre une alternance de morceaux Disco-Rock, Heavy-Rock, Juste-Rock toujours très entraînants. On passe du bon temps à leur écoute, et surtout pendant leur grand tube éternel : "Gay Bar".
Je dors un peu pendant le début de Dionysos, et mes rêves sont une file d'attente de naïades anglophiles, avec trois gros marshmallows orange. Vous l'avez compris, mes rêves sont une chanson de Dionysos ! Quoi qu'on puisse penser de leur méthode d'écriture, il faut reconnaître que Dionysos en live, ça bouge, ça saute, ça tape et ça sue. La formation française joue ses compos en version très électrique, et ça marche du tonnerre (C'est noté, Mickey 3D ?)... La fin du concert donne lieu au sempiternel slam aller-retour du chanteur, sauf que dans le cas des Eurockéennes, ca représente une traversée d'une centaine de mètres au moins. Le jeune athlète réalise donc ce véritable exploit, brûlant par là même ses dernières calories disponibles. On ne peut que rester admiratif devant tant de folie.
Petite pause, puis Tricky ! Le concert commence bizarrement : au bout de trois minutes d'une intro éprouvante, Tricky saisit le micro pour chanter, et celui-ci ne produit qu'un immonde signal distordu qui surprend fortement le chanteur (et l'électrocute ?). De rage, l'Anglais jète son instrument de travail à terre et s'engouffre dans les coulisses prestement. Je pense que quelques techniciens intermittents ont changé de vocation à ce moment précis ! Le concert reprend pourtant son cours normalement. Merci Tricky.
Deux questions, cependant : pourquoi tant de basses ? Pourquoi ai-je mangé juste avant ? Certains spectateurs imprudents ont été projetés à plusieurs centaines de mètres pendant une partie de basse slapée (je plaisante là). De plus, le jeu du groupe est très répétitif. On ne pourra cependant pas dormir à moins de 30 kilomètres de cette machine à tremblements de terre qu'est devenue la grande scène.
Je passe rapidement sur Death In Vegas qui nous a proposé une musique électro-rock avec des arrangements superbes, un son planant mais pointu, et des visuels éducatifs sur les drogues amazoniennes.
Il est un peu plus de minuit... l'heure du crime... quand débarque Slayer. Connaissant très peu la musique du groupe, j'ai été surtout touché par la qualité technique des quatre musiciens, en un mot : bluffant. Le son est agressif mais écoutable, il n'a en tout cas pas pris une ride ! On est devant une des manifestations les plus pures du Métal. Si on est un petit peu musicien, on peut rester à les écouter juste pour ressentir leur maîtrise de chaque instant. Mais il faut bien rentrer au camping faire un feu en cette froide nuit d'été, pendant que 2 Many DJ's font danser les plus réchauffés.
Dimanche 6 juillet 2003
Dimanche, on arrive tôt pour voir ce que donne Eiffel en live. Leurs superbes arrangements sont ici très minimisés (et c'est bien normal), et le groupe sonne un peu plus brut. Ca m'a donné l'impression d'entendre du sous Noir Désir période 90's. Pas convaincu. (enfin, du sous Noir Désir c'est déjà pas mal !)
En passant j'assiste au début du concert de The Polyphonic Spree. Il s'agit d'une sorte de Big Band/Chorale habillée de tuniques blanches. Ils sont joyeux et ne cachent pas leur bonheur de vivre... Je les laisse endoctriner les spectateurs présents pour aller vers la Loggia.
A la Loggia se trouve Kerplunk, des petits jeunes issus des tremplins. Leur style se situe entre le Hardcore et Metal. Ca bastonne dur, mais leurs qualités techniques rendent le tout particulièrement appréciable. Même mes potes peu ouverts à la violence musicale y prendront goût. Le chanteur, qui donne l'impression d'avoir 12 ans, pourrait quand même varier un petit peu plus ses vocaux qui sont très monotones. En tout cas, bravo !
Puis viennent Zebda: le son est très bon, et les rythmes entraînants, mais toute ma bande est prise d'une frénésie de sommeil. Il y a donc cinq cadavres au milieu des festivaliers sautillants, ce qui n'enlève rien au talent scénique du groupe toulousain.
Après cette sieste, c'est au tour de Nada Surf de venir enflammer les Eurocks...
Que dire ? Ce groupe est proche de la perfection, ils plaisent à tout le monde, sans jamais se compromettre, en montrant intelligence, retenue, et charisme. Leurs compos sont toutes plus belles les unes que les autres, qu'elles soient taillées pour le live ou pour le slow. La reprise d'Indochine, "L'aventurier", fait rugir le chapiteau en faisant craquer les derniers récalcitrants... On ne peut résister longtemps à la machine Nada Surf !
Pause-repas pendant Dave Gahan. A côté, Jaga Jazzist joue tranquillement...
Quelque chose me perturbe : le son semble très lourd pour quelqu'un s'appellant Jazzist... et en effet, le groupe qui joue en fond sonore n'est autre que The Melvins, les papys du gros son sans concession. Leurs chansons sont tarabiscotées, lourdes, longues, et encore plus larges que longues... en un mot : fascinantes. Il se dégage de ce groupe une impression d'expérience, qui leur autorise toutes les folies : des parties instrumentales au burin de dix minutes, jusqu'aux breaks chuchotés et oppressants. The Melvins, c'est tout un esthétisme !
Toujours dans la série "les coupes de cheveux les plus originales de la scène rock", voici Watcha, le groupe de Métal Français qui impose le respect. Leur réputation de bête de scène est pourtant mise à mal pendant les premiers morceaux. Les nouvelles compos ne sont pas encore carrées, et il faut attendre les gros tubes pour que le public commence à se soulever du sol périodiquement. Le concert me laissera tout de même un bonne impression, ainsi qu'un peu plus de transpiration.
Asian Dub Foundation prend le relais sur la grande scène. Toujours trop de basse, le technicien du son serait-il sourd... ou lourd ? ADF nous délivre tout de même une grosse prestation, démontrant qu'ils sont aussi à l'aise dans le dub le plus planant que dans le brulôt paki-fusion.
Un petit détour par la plage pour aller voir une autre figure marquante du rock des 90's : Mike Patton avec Tomahawk! Miky est équipé des mêmes effets et synthés que pour Fantomas, et il s'en sert comme un grand chef gère sa cuisine : il touche à tout, et tout est orchestré à la seconde près ! Le groupe est comme une comète rock chevauchée par un être doté d'une inspiration visionnaire. On aime ou pas. Moi j'ai aimé.
La soirée touche bientôt à sa fin. Je passe près d'Underworld qui a réussi l'exploit de transformer le chapiteau en boîte de nuit géante, l'ambiance est énorme!
J'attendais avec impatience Stupeflip pour pouvoir les provoquer et les insulter (c'est leur spécialité). Ils n'avaient malheureusement pas trop envie de prendre à parti les spectateurs. Ils nous ont tout de même joué tout leur album... mais en version punk. Ce groupe est décidément très fort niveau marketing. Ce fut aussi le concert le plus drôle des Eurocks, avec des speechs caustiques délirants, ponctués de "VENGEANCE!" déclamés avec le doigt pointé vers un pauvre bougre dans le public. A voir pour le croire.
Le dernier concert des Eurockéennes 2003 est Massive Attack, qui sera un poil plus intéressant que Tricky, avec notamment des visuels de toute beauté. Cela reste néanmoins bien mou, malgré l'apport de la batterie et de la basse. On quitte le festival pendant l'intro de Teardrop, en se disant qu'on a rien perdu, et qu'on dormira mieux près du feu, surtout après cette édition pleine de talents et de surprises... où les bons n'etaient pas forcément ceux qu'on attendait.
Merci.
Damiche, de la NéoSono's Crew