8.5/10La Canaille nous offre sa nausée

/ Critique - écrit par nazonfly, le 26/09/2014
Notre verdict : 8.5/10 - Vomito ergo sum (Fiche technique)

Tags : canaille album nous groupe nausee chroniques rap

Aujourd'hui une fois n'est pas coutume nous vous proposons un peu de rap sur Krinein. Mais du rap qui ne manque pas d'associer de la bonne musique avec de bons textes.

Une goutte de miel dans un litre de plomb. Par temps de rage. Et maintenant La nausée. La Canaille continue son bout de chemin dans un rap hexagonal qui n'a pas oublié de faire vibrer musique et textes. Et pour l'occasion le groupe de Montreuil se voit aidé par deux artistes connus et reconnus, DJ Pone (Svinkels, Birdy Nam Nam) et Serge Teyssot-Gay (Noir Désir, Interzone, Zone Libre). Du lourd, du très lourd même.

Le noir et le gris d'une période troublée

Sombre et lent, hypnotique et vrombissant, Quelque chose se prépare annonce la couleur de l'album. Une couleur qui n'est évidemment pas le vert de l'espoir mais plutôt le noir et le gris d'une période troublée. Bien sûr, en attendant 2017, La Canaille se fend du passage quasiment obligatoire sur le FN avec Jamais nationale qui se pose quelque part entre La colère de Yannick Noah (« mon identité ne sera jamais nationale » semble renvoyer à « ma colère n'est pas un front, elle n'est pas nationale » de l'ex-tennisman) et Créature ratée de Casey. On ne sait toujours pas si la musique peut faire changer les mentalités mais le titre a le double mérite de proposer une musique entêtante qui fonctionne bien et une dénonciation intelligente, jamais haineuse. Jamais nationale est cependant le seul titre qui attaque frontalement ce qui ne va pas selon La Canaille avec peut-être Pornoland, contre-hymne à la déchéance sexuelle du « streaming aphrodisiaque » et de l'« onanisme de bas d'échelle ».


DR.

Histoires anonymes

Pour le reste, La Canaille semble plutôt illustrer le fond de sa pensée par l'intermédiaire de tranches de vie, de ces histoires anonymes qui dépassent finalement leur sujet. Monsieur Madame décrit ainsi la vie d'un petit couple de bourgeois nouveaux riches, un titre dans un final noisy-jazz s'attaque à la vulgarité d'une classe « sans complexes », « condescendante » et « dégueulasse ». Autre instant de vie, autre morceau envolé, Encore un peu touche au tabou de la mort, à cette pénultième seconde durant laquelle on n'espère qu'avoir « encore un peu » de temps : une chanson touchante qui par bien des aspects n'aurait pas déparé sur un album de Grand Corps Malade. Le propos d'Omar, lui, est plus sombre, plus noir et pour cela fait appel à la guitare saturée de Teyssot-Gay qui soutient avec brio la voix saoule, énervée, ivrogne et habitée de Lazare qui « joue » cet Omar, ce « voisin » qui habite au rez-de-chaussée, dehors, de l'autre côté de la vitre.

Bien sûr, La Canaille n'oublie pas de se raconter sur Redéfinition, une des pièces maîtresses de l'album avec des percus qui martèlent des mots incisifs « C'est La Canaille, eh bien j'en suis ». Ou d'évoquer dans un morceau assez gênant combien le groupe est Décalé par rapport aux autres groupes qu'on imagine plus commerciaux. Mouais. Pour le coup ce n'est pas ce qu'on retiendra principalement de l'album. Heureusement.

S'il fallait explorer les textes de La Canaille, il faudrait bien plus qu'une simple chronique. Et le simple fait de ne pas avoir cité la massive et symbolique Le silence, la tellement réaliste Desséchée et l'excellente Briller dans le noir et son rythme electro-dub, est sans doute un grave manque dans cette chronique. Toujours est-il qu'avec La nausée, La Canaille réussit un grand et bel album dont les méandres ne peuvent être explorées qu'à force d'écoutes.

Point fort : terminer un album par la célèbre citation de Brel sur la bêtise est forcément un point fort

Point faible : on regrettera les morceaux un peu trop auto-centrés

La critique en 140 caractères : Quoi de mieux pour résumer l'état du monde que La nausée de La Canaille ? Porno, FN, oubli et mort. La nausée on vous dit.

En écoute : Redéfinition

La Canaille – La nausée

01. Quelque chose se prépare
02. Redéfinition
03. Jamais nationale
04. Monsieur Madame
05. Encore un peu
06. Pornoland
07. Omar
08. Le silence
09. Décalé
10. Desséchée
11. La sueur des ombres
12. Briller dans le noir