Ashcroft (Richard) - Human Conditions
Musique / Critique - écrit par Filipe, le 26/11/2004 (
Au début des années 90, Richard Ashcroft se fait connaître en tant que leader incontestable de la formation, dite pop rock, The Verve. Après avoir largement contribué à l'élaboration de leurs deux premiers albums, A Storm in Heaven et A Northern Soul, il se libère une première fois de ses obligations vis-à-vis du groupe. Il le réintègrera finalement pour finir de mettre au point ses Urban Hymns, qui paraîtront en 1997. Cet album, qui comprend les titres Bitter Sweet Symphony, The Drugs Don't Work, Lucky Man et Sonnet, érige alors ses interprètes au statut de pop star, ce qui ne les empêche pas de se séparer à nouveau deux ans plus tard. Richard Ashcroft ne s'en montre nullement affecté, bien au contraire. Sous l'égide de Chris Potter, son producteur, il achève l'enregistrement de son premier album solo, Alone With Everybody, et le présente à son public en juin 2000. Très vite, il opte pour la co-production d'un second album, qui paraît en octobre 2002. Il l'affuble du titre Human Conditions, en référence au chef d'oeuvre d'André Malraux, gratifié du Prix Goncourt en l'an 1933. Selon Ashcroft, ce titre à facettes renverrait aux émotions et sentiments divers que l'on retrouve à l'intérieur de l'album.
Richard Ashcroft a le sens de la mélodie. Il sait multiplier les arrangements sonores sans que ses titres ne tiennent de la cacophonie. Rien ne lui échappe, puisqu'il maîtrise à présent l'ensemble du processus de composition de ses oeuvres, de l'expression de ses besoins à la commercialisation de ses albums, en passant par les phases de conception, de réalisation, de test et de validation de ses produits. Les refrains qu'il dresse sur le papier se retiennent sans effort. Il y est surtout question de religions, de la Nature et de celle des Hommes. Il ne lésine pas sur la variété et la quantité d'instruments pour ses accompagnements. Il valorise le moindre détail sonore, qui échappera certainement à la perception du plus grand nombre. Il enregistre lui-même ses arrangements de guitare. A cette occasion, il compte sur le soutien de Will Malone, la roue de secours du groupe Massive Attack. Richard Ashcroft prévoit aussi les interventions des autres instruments, lorsqu'il est incapable d'en jouer : Si je veux mettre du cor, j'écris la partie du cor et quelqu'un qui sait en jouer la pose sur le morceau. C'est ainsi qu'il personnalise totalement ses albums.
Cependant, à mesure que l'on s'approprie celui-ci, on prend conscience des disparités entre chacun des titres qui le composent. Ainsi, God in the Numbers, Nature is the Law et Man on a Mission méritent d'être archivés en tant que tels, tant ils se rapprochent de ce dont Ashcroft est capable de mieux. Il se serait inspiré de la théorie que défend Darren Aronofsky dans son film Pi pour écrire le premier. Brian Wilson, la voix des Beach Boys, a accepté son invitation pour l'exécution du second. Le troisième est un classique du genre, idéalement taillé en vue d'une exploitation commerciale. Mais au-delà de ces quelques ingéniosités musicales, la voix d'Ashcroft tend souvent à disparaître, face à la prédominance d'un corps instrumental, dont la production musicale n'est guère enrichissante. Les cordes de Check the meaning, le single introduisant l'album, ne cessent leurs incantations qu'au bout de huit longues minutes. Human Conditions est, à maints égards, l'album de la démesure. Dans son ensemble, il manque d'inspiration et d'originalité. Ses insertions de chants de gospel ne me contrediront pas. Si bien qu'au fond, la condition humaine selon Richard Ashcroft n'a rien de très engageant.
Foncièrement, les titres qui n'ont pas encore été évoqués sont assez classiques, ce qui ne sied guère aux aspirations de leur formidable auteur. Richard Ashcroft n'avait qu'à pas faire mieux avant.