Thiéfaine (Hubert Félix) - Scandale mélancolique
Musique / Critique - écrit par juro, le 14/11/2005 (
Comment voulez-vous faire ? Réunir toute une pléiade d'artistes d'horizons divers de la chanson française (Cali, JP Nataf, Elista, Mickey 3D, Raphaël ou Mathieu Chedid pour n'en citer qu'une partie) sans dénaturer l'oeuvre discographique complexe de HFT. Hubert Félix Thiéfaine, tout un univers. De ses débuts délirants sur ses trois premiers albums (notamment La cancoillotte et le très beau La fille du coupeur de joints) à son dernier album aux sonorités électro en passant par ses pérégrinations américaines et son album phare Soleil cherche futur, l'homme a influencé son époque et continue encore aujourd'hui avec un retour aux sources sur Scandale mélancolique. Héros discret aux textes difficilement abordable, la poésie de Hubert Félix Thiéfaine prend une tournure malsaine, mélancolique, folle, parfois déprimante mais toujours intense, lié à sa vie personnelle. Quoiqu'il en soit, personne, pas mêmes les musiciens en vogue, ne parviendront à changer l'écriture de l'homme, son cri de rébellion contre la vie et son intégrité. Un artiste, un vrai, pour qui chaque album est une expérience unique.
Un profond air nostalgique et mélancolique emplie la voix de Thiéfaine sur cet album comme si quelque chose était mort en lui, comme une fin s'approchant à grande vitesse sans pour autant qu'il soit possible d'en déterminer les causes. Morbide (Libido moriendi), lugubre (la nuit de la Samain), proche de la folie (Scandale mélancolique), le moral de l'interprète semble profondément atteint pensant de plus en plus à la « fin du voyage », un côté sombre ressortant inexorablement, proche du cynisme. A l'instar de tous ces albums, les titres de HTF sont une poésie à eux tous seuls remplis d'un vocabulaire précis remplis d'espoir malgré les apparences auxquels s'ajoute une instrumentation sobre à dominante de cordes. Bonne entrée en matière mais difficilement abordable... Si le magnifique Gynécées d'où ressort l'influence certaine de Cali constitue une sorte de bulle d'air dans cette atmosphère sentant l'usure, Confessions d'un never been met une grande baffe à qui douterait encore que l'album est une réussite. Hubert Félix Thiéfaine et sa voix éreintée livrent des envies autodestructrices, cyniques, insolentes.
Les titres s'enchaînent alors comme une descente grinçante vers les ténèbres (Le jeu de la fole, Last exit to paradise) entre mélange de guitares puissantes, touches électro et paradoxalement univers plus « thiéfainien » ponctué des influences sensibles de jeunes auteurs dont la présence se fait plus ou moins sentir. Le champ lexical du cynisme est employé sous toutes ses coutures, les sujets abordés (clin d'oeil à Bertrand Cantat, l'âge qui avance...). A retenir le somptueux Les jardins sauvages, pur moment d'interprétation intense a contrario total de l'ambiance générale de l'album.
La longévité exceptionnelle de HFT se perpétue encore un peu plus sur ce nouvel album. Dans la lignée de ces très bons albums comme Soleil cherche futur ou La tentation du bonheur, Thiéfaine semble s'enfoncer dans une irrésistible obscurité crépusculaire. A fleur de peau, il ressort de Scandale mélancolique un incroyable désir de se libérer des contraintes quotidiennes comme le laisse supposer la pochette de l'album où l'interprète se retrouve enfermé dans une prison de fils barbelés, signe contestataire fort. Toujours d'actualité et définitivement inclassable, un point c'est tout.
Hubert Félix Thiéfaine - Scandale mélancolique
01. Libido moriendi
02. Scandale mélancolique
03. Gynécées (avec Cali)
04. Confessions d'un never been
05. Le jeu de la folie
06. Last exit to paradise (avec Angèle David Guillou)
07. L'étranger dans la glace
08. Les jardins sauvages
09. Télégramme 2003
10. Loin des temples en marbre de lune
11. La nuit de la Samain
12. When Maurice meets Alice
13. That angry man on the pier