Xutos & Pontapés - O Mundo ao Contrario
Musique / Critique - écrit par Filipe, le 09/03/2005 (
Xutos e Pontapés, la légende du rock portugais.
En janvier 1979, le groupe apparaît pour la première fois sur scène, à l'occasion de la commémoration des vingt cinq ans du Rock and Roll. Le jour suivant, l'émission de radio Os Caminhos do Rock évoque la prestation d'un nouveau « groupe de punk », qui chante et danse en portugais. Celui-ci comprend à l'époque : Zé Pedro le guitariste, Kalú le batteur, Tim le bassiste et Zé Lionel le chanteur. Très vite, on apprend que les quatre fantastiques se sont tout bonnement rencontrés à travers de simples petites annonces.
Courant 1980, le groupe se charge des premières parties de UHF, puis de Wilko Johnson Solid Senders, à l'occasion de leur passage à Belenenses (Portugal). En mars 1981, Zé Lionel quitte le groupe. Tim, le bassiste, le remplace au micro (cet intérim se poursuit encore aujourd'hui). En août, le groupe est invité pour la première fois sur un plateau télé. En novembre, il enregistre ses deux premiers singles : Sémen / Quero Mais et Toca e Foge / Papá Deixa Lá. Ils sont suivis de près par un premier LP : Xutos e Pontapés 78 - 82. Leurs chansons abordent sans détour des thèmes qui dérangent, ce qui leur vaut d'être rayés de certaines playlists, en particulier celle de la prestigieuse Radio Renascenca. Cela n'empêche pas le groupe de multiplier les apparitions télévisées et les interviews pour la presse écrite.
En novembre 1983, le guitariste João Cabeleira rejoint le trio. Un an plus tard, c'est au tour du saxophoniste Gui d'intégrer le groupe. Il le quittera en 1990. En 1984, ils franchissent ensemble les frontières de leur pays pour la toute première fois, pour se rendre à Mérida en Espagne. Ils y présenter leurs derniers titres sur scène. Leurs albums Cerco, Circo de Feras et 88 sont respectivement mis en vente en 1985, 1987 et 1988. La même année, ils organisent soixante concerts en l'espace de quatre mois, la sortie de leur triple album Xutos ao Vivo venant clôturer et immortaliser cette tournée de tous les records. En 1989, ils se rendent en France, en Suisse, au Luxembourg et à Macao. En France, les Xutos e Pontapés et Mano Negra se partagent la scène. Commercialisé en France deux ans après avoir été présenté aux portugais, l'album 88 est rebaptisé 90.
Les Xutos e Pontapés enregistrent ensuite l'album Gritos Mudos au Brésil, puis Dizer Não de Vez, Direito ao Deserto, Xutos e Pontapés na Antena 3 et Dados Viciosos, avant de s'atteler à la composition de la bande originale du film intimiste de Joaquim Leitão, Tentação. Entre temps, le groupe s'engage avec le label EMI -Valentim de Carvalho, ce qui n'empêchera pas par la suite leur ancien éditeur, Polygram, de mettre en vente le disque Vida Malvada, qui rassemble l'intégralité des titres qui firent la gloire du groupe. Parmi eux, on retrouve en particulier les titres Não sou o único, Homen do Leme et Chuva dissolvente. L'année suivante, Rui Veloso, Paulo Gonzo, GNR, Radio Macau et bien d'autres artistes nationaux de tout premier rang rendent hommage à leurs vingt ans de carrière, en reprenant leurs principaux titres sur l'album XX Anos, XX Bandas. Après une courte période de repos, le groupe entreprend une nouvelle tournée et enregistre Sei Onde tu estás - Ao Vivo 2001, puis un album acoustique, Nesta Cidade, avant de s'offrir une énième album pour leurs vingt-cinq ans de carrière : O Mundo ao Contrário.
Au sein d'un univers tel que celui de la musique, le succès se révèle souvent éphémère. Tout au long de ces vingt cinq dernières années, les Xutos e Pontapés n'ont cessé de renouveler leur répertoire, tout en conservant cet esprit désinvolte pour la composition de leurs titres, et en déployant « encore et toujours » la même énergie sur scène. Le nombre d'aficionados n'a cessé de croître au cours de ces dernières années. Et malgré le renouvellement des générations, cette tendance ne s'est jamais inversée. En outre, ils ont également le mérite d'avoir su rester entièrement fidèles à leur langue natale.
Qu'en est-il aujourd'hui du phénomène Xutos e Pontapés ? Leur album O Mundo ao Contrário, entendez Le Monde à l'Envers, s'apparente à un nouveau défi. Ses auteurs n'ont absolument plus rien à prouver, si ce n'est qu'ils sont encore capables du meilleur. Et pour le coup, ils se sont permis d'enregistrer un album particulièrement novateur, dont le rythme, volontairement plus faible, valorise davantage la texture de voix du chanteur et le contenu « parolistique » de leurs dix chansons. Cela n'empêche pas le guitariste João Cabeleira de nous livrer de fort belles démonstrations, en particulier sur les titres Desejo, Pequeno Pormenor, Zona Limita et Ai Se Ele Cai, le titre promotionnel de l'album. Cela n'empêche pas non plus Gui d'insérer quelques airs endiablés de saxophone entre deux couplets.
Lorsqu'on prête une oreille attentive aux paroles de Tim et Zé Pedro, éternels co-leaders du groupe, on s'aperçoit de l'engagement particulièrement explicite des titres Diz-me, Aquilo que Falta et Zona Limite, autrement dit Dis-moi, Ce qui manque et Zone Limite. Le premier dénonce plusieurs formes de discrimination sociale et incite à une prise de conscience collective de moult dysfonctionnements institutionnels. La Justice et la Santé sont ouvertement critiquées dans le second. Quant au troisième titre, il peut se prévaloir de tout commentaire : Quando alguém pensa que é Deus, E tem poder para fazer o que faz, Cria mentiras já com intenção, Fazer a guerra em nome da paz, Então vivemos na zona limite (Quand quelqu'un pense qu'il est Dieu, et qu'il a le pouvoir de faire ce qu'il fait, qu'il crée des mensonges intentionnellement, qu'il fait la guerre au nom de la paix, alors c'est que l'on vit en zone limite)... Enquanto houver pais orgulhosos, A ver filhos marchar para lá, Sem perguntarem em nome de quem, Se perdem vidas entre um vai e um vem, Então vivemos na zona limite (Tant qu'il y aura des parents orgueilleux, à l'idée de voir des fils marcher vers là-bas, sans qu'ils demandent au nom de qui, qu'ils perdent des vies dans un va-et-vient, alors c'est que l'on vit en zone limite)... Cet engagement n'est pas sans rappeler toues ces initiatives qui furent menées par une poignée de groupes américains, mais qui n'ont suffi à empêcher une certaine réélection.
Certains reprocheront au groupe sa relative accalmie, son évolution vers un registre musical bien moins agressif. D'autres se plaindront de la durée de l'album, qui n'excède guère les quarante minutes. L'expérience de son écoute n'en demeure pas moins bienfaisante. O Mundo ao Contrário se veut à la fois solide et consistant. Et de manière générale, la discographie du groupe offre un excellent aperçu de la culture et des traditions portugaises, de la façon dont le pays s'est récemment affranchi du fascisme pour permettre son occidentalisation, ainsi que des nombreuses difficultés politiques, économiques ou sociales que le pays affronte sans relâche depuis ce temps-là.
O mundo está mesmo ao contrário?
Infelizmente está. Ligas a televisão e parece que os políticos estão completamente à parte da realidade. Em vez de resolverem os reais problemas do país preocupam-se com a sua ascensão na carreira. Isto é a política que se vive no nosso país, mas acredito que também se passe lá fora. E teres o Bush como um dos maiores líderes mundiais é uma coisa um bocado atroz. Quando vês os documentários do Michael Moore [Bowling for Columbine, Fahrenheit 9/ 11] e vez toda a manipulação que existe, sentes-te diminuído (entrevista com Zé Pedro, frente a Raquel Louçã Silva).
01 - Desejo
02 - Diz-me
03 - Ai Se Ele Cai
04 - Pequeno Pormenor
05 - Zona Limite
06 - Fim de semana
07 - Gota a Gota
08 - Teimosia
09 - O Mundo ao Contrário
10 - Sombra Colorida