Tinariwen - Concert au Radiant Bellevue - 24/10/2019

/ Critique - écrit par nazonfly, le 25/10/2019

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Dans leur tournée pour défendre leur nouvel album, Amadjar, Tinariwen a posé ses valises à Lyon ou, plus exactement au Radiant Bellevue à Caluire. Chronique d'un concert magnifique.

Les discussions d’avant concert sont toujours instructives. Pour ce concert de Tinariwen, je me suis retrouvé entouré de deux personnes : la première connaissait Tinariwen depuis longtemps mais n’avait jamais eu l’occasion de les voir en concert, la deuxième venait d'entendre le groupe dans une jeep lors d’un trip au Maroc. Moi ? Je les avais découverts il y a dix ans lors d’un concert mémorable sur la plage des Eurockéennes. En dix ans, j’ai suivi le groupe de loin, écoutant les albums quand ils sortaient, bien incapable de faire la critique de morceaux magnifiques mais tellement difficiles à décrire. C’est donc dans le même état d’esprit que lorsqu’on retrouve un vieux pote perdu depuis dix ans que je retrouvais Tinariwen au Radiant Bellevue.


 Al Maari DR.

Mais comme il est d’usage, débutons par le début et par la première partie, Al Maari. Al Maari est de toute évidence un artiste, seul sur scène, syrien d’origine nous dira-t-il. Armé de claviers, d’une guitare ou d’un saz selon les morceaux, il plonge sa musique dans un bain oriental donnant une coloration particulière à son subtil mélange de hip-hop, de rock et d’electro. Il y a tout de suite un courant de sympathie qui passe entre le musicien et le public, pourtant évidemment venu en masse pour Tinariwen. Après cinq ou six morceaux franchement emballants, Al Maari quitte la scène, non sans nous rappeler que son album devrait sortir prochainement. Promis, on essaiera d’y jeter une oreille !


Abdallah de Tinariwen DR.

Les Tinariwen sont six à investir la scène sous la ferveur du public et, dès les premières notes, quelque chose se passe comme si brusquement la scène, les murs de la salle, la fraîcheur de l’automne s’évanouissaient devant la présence des musiciens qui dégagent une aura et un charisme prégnants. Abdallah, notamment, tout de bleu vêtu, se pose avec sa guitare et nous emmène au cœur du désert par la seule grâce de sa guitare et de sa voix mais ce serait, bien évidemment, faire injure aux autres membres du groupe que de se concentrer sur l’un des leaders de Tinariwen : les deux percussionnistes, même s’ils sont relégués à l’arrière comme souvent, sont très présents et donnent le rythme, le bassiste, mystérieux et intense dans son habit couleur sable, joue magnifiquement de ses doigts, le guitariste est peut-être le seul à être plus en retrait. Mais que dire d’Alhassane qui délaisse les chœurs et son micro pour se laisser aller subitement, dès le troisième morceau, dans une danse endiablée, à la limite de la transe ? Il n’en fallait pas plus pour que le public relâche ses dernières entraves et se laisse complètement dériver au son de la musique.


Alhassane de Tinariwen DR.

Ibrahim, lui, n’est pas présent sur toutes les chansons mais quand il est là, il semble apporter une gravité triste et solennelle, rappelant que même si la foule a la banane, la musique du groupe prend sa source dans la nostalgie, dans la solitude du désert, dans le combat pour une terre. Le spectateur est pris alors dans un étrange sentiment : il ne peut qu’apprécier la musique, que suivre de ses mains le rythme, que balancer de la tête, qu’afficher un sourire idiot sur son visage sans ne rien comprendre à la profondeur et au sens même des paroles, comme un bête occidental. Mais cette sensation est rapidement effacée par l’alchimie qui se tisse entre les musiciens et les auditeurs, une alchimie qui atteint une sorte de sommet avec Wartilla où Abdallah est seul sur scène avec sa guitare et où le public suit la musique de ses mains, créant, selon les moments, un rythme doux et étouffé ou bruyant et claquant. Dans un concert qui nous auront emporté pendant près de deux heures, cet instant en suspens est un petit miracle, une pause magnifique qui prend fin avec l’arrivée du reste du groupe et l’envol de la musique.

Tinariwen, figure de proue du blues touareg, est évidemment un des monuments incontournables à voir sur scène.