Sergent Garcia - La semilla escondida
Musique / Critique - écrit par juro, le 11/07/2004 (Tags : garcia sergent musique bruno escondida semilla album
Combiner des genres est souvent considéré comme avant-gardiste et les artistes qui réalisent cette expérience se lancent à corps perdus dans une aventure sans assurance de succès, d'ailleurs plus d'un s'est cassé les dents en essayant d'imposer un style que le public et la critique ont rejeté. En l'occurrence, pour Sergent Garcia, il est question de salsa muffin, donc un mélange de salsa et de reggae muffin où l'instrumentation prend une part considérable sans oublier des textes qui vont toucher des thèmes sensibles et même engagés. Pourtant, le plus important à souligner reste sans doute que le Sergent est un artiste trilingue (espagnol, français, anglais) ne cessant d'innover toujours un peu plus loin musicalement, ajoutant d'autres cordes à son arc avec l'apport de genres musicaux proches, tel que le ska, qui vont venir se greffer sans problème sur des morceaux bien rythmés. Et sur scène, quelle énergie ! Pour avoir vu deux fois "el Sargento" et ses "Locos del Barrio" en concert, mêmes les plus petites salles sont le théâtre d'un déluge de sons dont on ne peut ressortir que comblé et souvent encore avec la musique qui siffle entre les oreilles car la scène est vraiment leur domaine...
Salsa muffin sound systemmm !
Après un premier album intitulé Viva el Sargento, le second album, Un poquito quema'o avec ses dix-sept titres en reprend la plupart. Si tout le monde a entendu Acabar Mal, pamphlet intense sur le ras-le-bol général contre l'injustice, le reste de l'album est beaucoup plus méconnu. A travers des textes prônant souvent les valeurs libertaires et une instrumentation festive et originale, Sergent Garcia parvient à démarquer un certain nombre de titres tels que Amor pa'mi et Hoy me voy qui donnent une rythmique sans pareil à l'album. Pourtant si c'est sous cet aspect qu'il est connu, Sergent Garcia sait aussi pondre quelques petites perles toutes douces mettant plus en scène des textes « friandises » comme Que viene el mani, ode au métier de vendeur de rue sud-américain, ou Mamaye. Troisième corde à son arc, il signe aussi de beaux textes sur le thème amoureux avec Llevale mi canto. Mais nous ne sommes pas encore arrivés au point fort... l'instrumentation. Piano, maracas, trompettes, batterie, basse, flûtes, synthétiseurs, guitare et bien sûr des percussions en tout genre (djembé, congas...) qui constituent l'essentiel de la rythmique. C'est sur cette alchimie que de nombreux choeurs accompagnent la voix claire de Bruno Garcia. Un artiste complet ?
Le groupe surfe sur plusieurs courants musicaux dont le point commun est la zone sud-américaine et caribéenne, outre le reggae, le ragga (Medecine man), la salsa (Jumpi), la rumba (Rumba de los quemaditos) font leur apparition... et même un passage rap avec la participation de Orishas, célèbre groupe de rappeurs cubains. On soulignera aussi deux morceaux uniquement instrumentaux (To' fini bié et Rumba de los quemaditos) qui font la part belle aux percussions et aux maracas, ce qui permet de mettre un rythme insensé dès l'instant où le CD est posé sur la platine. Sergent Garcia cherche à nous faire partager ses racines et avec des percussions maladivement puissantes, une diversité instrumentale intéressante et dansante et des textes intelligents, ce premier album est une réussite !
Latino americano hasta la muerte !
Deux ans plus tard, troisième album intitulé Sin fronteras dont on attend beaucoup. A l'époque, je l'avais pris les yeux fermés m'attendant au même déluge que pour le premier mais la déception a pris un peu le pas car celui-ci est clairement de qualité inférieure dès la première écoute. Si on a l'illusion de retrouver la même instrumentation, il s'avère qu'elle est moins complète malgré l'ajout de platine et de violons. Par ailleurs, les textes font ressentir moins d'émotions et même en les lisant à tête reposée, on ne retrouve pas la magie de Un poquito quema'o. Ceci est certainement dû au fait que le disque est presque exclusivement tourné vers le thème de l'amour (Adelita, Je sais, No me digas, Por ti, Quitate la arena...). Sinon le reste y est avec toujours ce mélange des genres pour obtenir cette salsa muffin. Les meilleurs morceaux restant à mon goût ceux qui sont restés le plus en retrait de l'album comme Resisteme dans lequel le charme latin fait son oeuvre avec une guitare qui ferait plus se rapprocher l'album du flamenco sur certains passages et Los desaparecidos avec un texte faisant référence aux disparus des années sanglantes connues par les sud-américains.
Ce disque marque une césure importante avec le reste de la discographie actuelle car il est beaucoup plus orienté vers une dominante de la langue espagnole, un seul titre et quelques passages en français assez insupportables d'ailleurs, pour un total de treize titres.
Et Zorro est arrivé... sans se presser
Il aura fallu trois longues années pour revoir Sergent Garcia débarquer avec La semilla escondida et directement avec un mambo ! (Que me pongan donde hay). Rapidement, on pense que le Sergent est retombé dans ses travers avec un Long time pas vraiment réjouissant mais heureusement Revolucion oublie vite cet écueil. Son simplisme au chant et le dépouillement du ragga en font un titre agréable. L'équilibre fragile est de la veine des très bons textes montrant que Bruno Garcia est un véritable auteur de textes censés et conscient du monde auquel il appartient et cela s'applique à la plupart des autres titres (El regreso, El asalto, Mi ultima voluntad...). Nada tiene final passe avant Que corra la voz n'enflamme véritablement l'album avec une maîtrise instruments/voix et des changements de rythmes appréciables et cela se poursuit. Seul le dernier titre tombe un peu dans la facilité.
Beaucoup plus posé (mais toujours rythmé !), cet album a le mérite de montrer tout de même une sélection beaucoup plus pointue des titres et une originalité retrouvée qui fait plaisir à entendre. De plus, on nous fait cadeau d'un CD bonus de bonne facture. Sur scène, Sergent Garcia y Los Locos des Barrio sont percutants et mettent toujours une ambiance qui fait remuer la salle.
Sur ces trois albums, Sergent Garcia montre un genre peu présent mais qui mérite son succès. On note aussi les superbes booklets présents pour chacun des albums : délirant pour le premier, photographique pour le second et stylé pour le dernier. Le site internet est aussi une réussite car très divertissant et mérite un coup d'oeil.