No One is Innocent - Interview

/ Interview - écrit par Loic, le 19/10/2004

Tags : one innocent groupe kemar rock album musique

Interview de No one is innocent

Nous avons rencontré Kemar, chanteur de No One is Innocent, dans les loges de la Coopérative de Mai à Clermont-Ferrand. Seul membre rescapé du line up originel, et en véritable front man charismatique, il se livre seul au jeu de l'interview :

Krinein : Comment s'est déroulée la composition de Révolution.com ?
Kemar : Je l'ai composé avec K-Mille, on a bossé pendant un an, dans son salon, et au bout de trois-quatre mois, on a senti qu'on était en train de faire le troisième album de No One.

Comment l'avez-vous senti ?
Entre les textes et la direction musicale qu'on avait prise, c'était hyper cohérent. On mettait cote à cote les anciens titres et les nouveaux, et c'était cohérent.

Et si vous n'aviez pas pu avoir le droit d'utiliser le nom de No One, cet album serait sorti tel quel, sous un nom de groupe différent ?
J'en sais rien, j'ai pu gardé le nom de No One, et c'était du No One, pas des chansons d'amour !

Quelles différences y a-t-il entre No One versions 2004 et No One version 1994 ?
Kemar : Ca joue mieux, il y a plus de patate, les morceaux sont mieux interprétés, il y a plus de complicité. Il y a une humeur différente. C'est ça, c'est l'humeur qui a changée. Par exemple, quand on joue Ne reste-t-il que la guerre pour tuer le silence, à la fin, on ne tire pas la gueule. C'est ça qui change. Hier soir, on a joué à la Cigale à Paris, on était tous heureux sur scène, et pareil dans la salle. On n'est pas forcément pris au premier degré. On n'a pas toujours des thèmes super légers, mais l'ambiance sur scène et dans la salle est quand même positive.

Quel effet ça vous fait de rejouer des anciens morceaux sur scène ?
Toujours le même, voir mieux même, car on les a réadaptés un peu, mais c'est normal, on n'est pas les mêmes personnes, donc chacun les adapte à sa sauce.

Comment s'est passé l'enregistrement, avec pleins de musiciens différents ?
Ca s'est fait complètement au feeling. Tres Manos d'Urban Dance Squad est venu faire des guitares, il écoutait les titres, disait « celui là me plait bien », donc il enregistrait ceux là. -M- aussi est venu, il a fait des choeurs sur un titre, et des guitares sur un autre. Avec le nouveau groupe, on a tous fait un morceau ensemble. Il y a aussi eu Boris d'Indochine pour des grattes. En fait c'était très simple, très « familiale » comme approche.

En studio, vous saviez déjà qui allait faire partie du nouveau No One ?
Non, pas vraiment. Il y avait déjà une base, à savoir Greg pour la batterie. Julien et François sont venus après. En fait, on les a rencontrés à la fin du disque, sinon on aurait fait le disque ensemble. Quand on a commencé à jouer ensemble, à faire des répétitions, on a fait un morceau ensemble, hyper spontané, donc on l'a enregistré après tout le gros bloc d'enregistrement qu'on avait déjà fait, et on a décidé de le mettre sur l'album, c'est Tout laisse croire...

Les thèmes des chansons sont toujours aussi engagés, il y a dix ans vous chantiez déjà La jeunesse emmerde le front national, et maintenant vous chantez Où étions nous...
C'est vrai, d'album en album on fait les mêmes albums (rires) ! Non, mais je vois ce que tu veux dire ! Ce qu'il se passe dans le monde, c'est de pire en pire, mais attention, un album de No One, ce n'est pas douze titres avec une sorte de rébellion derrière, il y a quand même des titres comme Où veux-tu que je t'aime , No one hears you anymore , la reprise de Personnal Jesus de Depeche Mode, ce n'est donc pas que ça. Mais en même temps, c'est vrai que l'écriture avec No One c'est particulier, tu sais dans quel groupe tu es, donc on ne va pas non plus tout changer radicalement. C'est comme si tu demandais aux Wampas de faire Où étions nous , ce n'est pas leur trip, chacun a une image. Après, il y en a certains qui nous disent « vous parlez de certains trucs, mais vous en oubliez d'autres... » On n'est pas un dictionnaire non plus ! On n'est pas un quotidien, ni un hebdo révolutionnaire, on fait de la musique. Et ces paroles sont associées à une musique.

Que Pensez vous de la reprise de Personal Jesus par Marilyn Manson ?
C'est un mec doué Marilyn, je l'aime bien, mais je trouve que sa version est assez classique, elle se rapproche un peu trop de l'originale.

Ca ne vous a pas fait rire la première fois que vous l'avez entendu ?
En fait, on était en train de l'enregistrer quand on en a entendu parler, et ça nous a fait plutôt marrer, on s'est dit qu'on pourrait comparer nos versions.

Que pensez vous du piratage et du discours ambigu des majors à ce sujet ?
Je me demande si toute l'énergie qu'ils donnent dans la répression contre le piratage est efficace, et j'en doute. Ils devraient plus se concentrer sur la possibilité d'acheter des titres. A mon avis, toute l'énergie qu'ils mettent dans la répression, ils devraient la mettre là dedans. Mais en France, ils se calquent beaucoup sur le modèle américain. Les américains avaient commencé par de la répression, avant de développer tout ce qui est achat de morceau sur le net. Après, ce que j'en pense personnellement, c'est que quand tu t'appelles Madonna, U2, Manu Chao, et que tu vends des millions d'albums, le piratage ça ne te dérange pas. Par contre, le mec qui est dans une major, qui vend 2000 disques et qui s'en fait pirater 4000, et se fait rompre son contrat, là il y a un truc grave. Il faut faire la part des choses, j'en connais des mecs qui se sont fait rompre leur contrat et qui se sont fait pirater à fond. Après, nous qui avons un esprit assez libertaire on doit dire que le piratage c'est cool, je ne pense pas.

Révolution.com bénéficie du système open disc, ça peut être une solution à ce problème ? 
Je n'en suis pas persuadé. Un des trucs super important par contre, c'est la pochette. Je pense qu'il faut faire une super belle pochette.

D'ailleurs, parlez nous un peu du visuel de Révolution.com ?
C'est notre pote Laurent Seroussi, qui fait les pochettes de No One depuis 10 ans, qui a construit l'image de No One en fait. Je le connais depuis la seconde au lycée, on a grandi ensemble, chacun dans notre domaine. A chaque fois, on essaye de se remettre en question par rapport à la nouvelle idée de pochette. Pour le premier disque, la pochette était très sombre. Pour Utopia, on a donc fait un truc totalement différent, avec des couleurs flashys. Pour celle là, au départ, il avait eu l'idée de mettre des soldats dans un univers blanc. Je trouvais ça assez intéressant, inhabituel, et en même temps je ne trouvais pas l'idée assez forte. Et après, on s'est fait rattraper par l'actualité, avec ce qui se passe en Irak. Et c'est la première fois qu'on a fait une pochette qui collait à l'actualité. Et cette pochette, on peu l'expliquer en quelques mots seulement. Et cela fait aussi référence au premier titre de l'album, US festival.

Et au niveau pratique, comment se sont déroulées les séances photos ?
Laurent a choisi 2 gars, les a habillés et on les a peinturlurés d'un mélange qui donnait cet aspect pétrole. C'était vraiment sympa, cette séance photo n'était pas du tout glamour, on était tous morts de rire au vu de la situation dans laquelle on était. Et après, Laurent s'est dit : Je veux le groupe dans la même situation que le GI, et on ne s'y attendait pas, et je trouve ça bien que le groupe se mouille, au sens propre comme au figuré.

Qu'avez-vous envie de répondre à ceux qui pensent que No One est devenu pop ?
(l'air dépité) Pfff... Je ne sais pas, s'il a envie de dire qu'on fait de la pop, qu'il vienne nous voir en concert, et on verra si on fait de la pop. Les gens comme ça, t'as envie de leur répondre « écoute tel titre, tel titre et tel titre, et si c'est de la pop c'est que t'as rien compris à la musique ». Mais on n'a rien contre la pop, il y a des supers trucs en pop. Mais qu'ils viennent nous voir concert pour mieux nous juger.

D'ailleurs, que pensez vous de cette mode dans le rock et le metal, qui consiste à surproduire les morceaux, du fait que l'on puisse vraiment juger les morceaux qu'en live ?
Moi je considère que pour nous c'est un peu l'inverse, on ne s'est pas branlé avec les sons de guitare, de machin, de ceci... On n'a pas essayé de faire une surenchère sonore. C'est ce que j'avais vécu pour le deuxième album de No One, Utopia. A force de te branler sur le meilleur son de guitare, le meilleur son de batterie, le meilleur son de ce que tu veux, t'en oublies la chanson en elle-même. Ca m'a fait flipper pendant Utopia. A un moment donné, on a perdu l'essence même de ce que c'est que d'écrire une bonne chanson.

Maintenant, un nom de producteur peu suffire à vendre un disque...
Kemar : Oui, tout à fait. Et maintenant, j'en suis sortie de ça. Ce qui est important maintenant, c'est d'écrire une chanson. Une vraie bonne chanson, tu prends une guitare, et ta voix, ou un piano et ta voix, et ça marche quand même, même si elle est interprétée différemment. Et cet album, je l'ai voulu dans le style Stooges, raw power, quelque chose qui transpire, qui soit sale même des fois. J'ai toujours rêvé de faire un album de No One comme ça.

Vous ne pensez pas que vous revenez au bon moment, maintenant que le rock est revenu à la mode, que la star academy fait du rock...
C'est flippant je trouve. Ce genre de truc, ça peut annoncer la mort d'un style, ou du moins, le déclin. On va arriver au déclin du revival ! Mais je vais te dire, si moi à un moment j'ai décidé d'arrêter No One, c'est que je considérais qu'avec les anciens, on n'allais plus faire un bon album de No One, et que si jamais je ne peux pas défendre à 100% un album de No One, je préfère ne pas le faire. C'est pour ça que j'ai décidé d'arrêter, je suis allé ailleurs. Et je me suis rendu compte que la musique c'est une histoire de rencontre. J'ai rencontré K-Mille 4 ans après, et puis voilà, tout d'un coup « boom » il y a le feux. Sinon, tu vois, t'es assis sur une petite notoriété, tu vends quelques disques, tu peux tout te permettre, demain tu pètes dans un violon, t'en fais un album et tu va en vendre 20, 30 ou 40 000 mais l'album est pourrave, ça m'intéresse pas, et pour No One, je ne voulais pas.

Et que pensent les anciens membres de Révolution.com, si vous avez encore des contacts avec eux ?
Si, j'ai encore des contacts avec un, Matthieu, qui a été guitariste à un moment, c'est toujours un super pote, on se parle souvent, et il a bien aimé l'album.

Et vous le voyez comment actuellement le futur de No One, vous allez encore faire un album, vous arrêter pendant 5 ans, revenir...
Oui, on va prendre 5 ans de vacances ! Non, j'en sais rien du tout, je sais juste qu'avec K-Mille on avait commencé un projet pendant 3 mois, on avait pleins de morceaux, finalement ça a été le nouveau No One. Mais des fois, on est pris dans le tourbillon sortie de l'album, promo, tournée, et il y a des moments, il faut prendre des plages pour faire autre chose, c'est l'expérience qui me fait dire ça. A un moment donné, il faut savoir s'arrêter, pour reprendre du plaisir à faire de la zik, pour retourner sur scène. Moi si je fais de la zik, c'est pour aller sur scène, un album, c'est un prétexte pour aller sur scène. Mais à un moment donné, c'est fatiguant, No One sur scène, c'est physique. Ce que je veux éviter, c'est de finir sur les genoux. A un moment, quand t'arrives au bout de la tournée, t'es raide, physiquement, et surtout mentalement, t'as besoin de récupérer, 2 mois, peut être même 3. C'est ça, faut éviter de tomber dans le piège des tournées à rallonge.

Et vous l'avez planifiée comme ça cette tournée ?
Oui, on essaye de se donner des plages de repos.

Vous vous êtes investi dans la réalisation du clip de Révolution.com, qui passe actuellement sur toutes les chaines musicales ?
En fait, j'ai eu un contact avec ces mecs, ils s'appellent les no brain, c'est un collectif de mecs qui font des clips. Le premier truc qu'ils nous ont envoyé, je n'ai pas du tout aimé, en terme de synopsis. Après, on s'est rencontré et on a pu discuté. Le premier truc qu'ils ont proposé était très premier degré, du genre No One c'est les gentils, et ceux qui sont devant l'ordinateur c'est les méchants. Mais après, ils ont accepté de retravailler le truc avec ce que je leur disais, avec les pistes que je donnais, et en communiquant, on est arrivé à ce super truc.


Nous tenons à remercier Kemar et les autres membres du groupe, ainsi que Bertrand d'Open Bar.