9/10Liars - Liars

/ Critique - écrit par Aenem', le 11/02/2008
Notre verdict : 9/10 - Jouissif et addictif à souhait (Fiche technique)

Tags : liars little pretty reboot album livraison lovers

Fou, énergique, déluré, ce Liars est un condensé de tout ce qu'un album de rock se doit d'être: un art sans compromis aucun.
Immanquable.

«Les mecs, vous êtes des freaks». C'est sans doute la phrase la plus répandue que le groupe a entendu à la sortie de Drum's Not Dead en 2006.
Drum's Not Dead était une œuvre musicale à l'opacité des plus tordues, expérimentation totale en chute libre ayant ses qualités évidentes mais frustrant ceux qui n'auraient pas fait l'effort de s'y plonger dedans totalement. Trop en avance sur son temps ? Trop décalée ? Trop étrange ? Cet album c'était tout ça en même temps, et sans doute plus encore...
Pourtant les subtilités de celles-ci nous échapperont encore et encore, de longues années.

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Camouflage musical activé.
Aussi, quand le trio composé de Angus Andrew, Aaron Hemphill et Julian Gross ont affirmé qu'ils faisaient un disque moins conceptuel, beaucoup ont pensé que Liars allait devenir plus formaté, plus carré dans leur rock barré.
Pourtant, affirmer que leur rock a fait des concessions pour être plus accessible serait une hérésie totale tant ce nouvel opus sort à nouveau des sentiers battus, loin de toute case musicale possible, ou alors si on veut leur mettre à tout prix une étiquette, on pourrait dire que ça a l'apparence d'un rock polymorphe en constante évolution.

Un peu comme si la théorie de Darwin s'appliquait à un disque, comme s'ils étaient en train de réinventer une forme de rock tordu, étrange, bruitiste, fait d'odeur de mort et des cordes désaccordées. Un disque en liberté totale, une fois de plus.
Prêts à aller où peu vont, Liars font partie de ces formations des plus déconcertantes aux premières écoutes mais au potentiel de plaisir auditif indémodable. La démonstration de leur talent ? Ces 11 titres sur un album au nom éponyme.

Freak show

Pour être sûrs et certains qu'on cerne bien le propos de folie furieuse qui se dégage à plusieurs niveaux dans ce disque totalement braqué, on est mis direct dans le bain avec le très nerveux et tout en urgence Plaster Casts of Everything. Guitares tranchantes de sortie pour une ambiance venant tout droit d'un Lost Highway Lynchien sous acides. Avec ce rock crade, sale, cru, rempli de saturations électroniques, de voix dédoublées et de schizophrénie latente, Liars nous en met plein la vue direct pour une introduction des plus directes. Dérangés ces 3 là ? Sans doute, mais en à peine 3 minutes 56 on est déjà fatalement conquis.

Mais comme pour nous prendre par surprise et nous changer d'ambiance direct, Housecoulds va lui revenir sur des territoires moins hystériques et lancer une sorte de new wave ronronnante au magnétisme enfantin, faite voix rigolotes, et de ce plaisir primaire à prendre son pied en écoutant un morceau qui ne file qu'une envie, se déhancher de manière frénétique aux rythmes baveux de ce synthétiseur dégoulinant de tous les côtés. Plus entêtant que ça, tu meurs.

Mais ces trois là ne sont pas qu'une bande de freaks, ils sont aussi (surtout ?) un groupe d'arty rock et la preuve va venir avec ce Leather Prowler va mettre tout le monde d'accord: bruits de carcasses de guitares desséchées qui se dévoilent peu à peu sous nos pieds, incantations terrifiantes en fond sonore, piano qui déraille en continu, bruits abscons, tout ça pour une ambiance poisseuse et glauque au possible. Impressionnant vraiment.
Ce morceau est d'ailleurs au rock ce que les peintures de Francis Bacon sont à l'art malsain, une ode aux dérangés du bulbe. Mythique, fantastique, phénoménal une fois de plus avec une déconcertante facilité c'en est presque flippant.
Pour peu, si l'on pousse le volume de ce genre de morceau à fond, vos voisins risqueraient de croire que vous faites des choses pas nettes chez vous... c'est vous dire sa portée musicale.

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Dites beeeh ?
Sailing To Byzantium lui va continuer dans ce long onvi musical qu'est ce Liars en nous jetant en pâture un morceau branlant sur ses bases musicales, à la tension étrange, comme s'il était prêt à exploser à tout instant, chose qu'il ne fait jamais, mais qui grâce à cette retenue, confère au titre un caractère brumeux, rappelant sans commune mesure les effets seconds de soirées un peu trop arrosées.
What Would They Know quant à lui, serait la version négative de Leather Prowler avec ses voix nettement mises en avant, son sens de la mélodie involontairement inexistante et propice aux dédoublements d'instruments prêts à vous mordre à tout instant. Expérimentation totale ou renouveau du rock psychédélique ? Sans doute un peu des deux...
Après ces quelques titres expérimentaux, Cycle Time va s'affirmer quant à lui sur des terres moins arides avec d'entrée ses guitares sorties tout droit de solos des années 70, d'une prétention purement rock & roll constituée de guitares arrogantes, caractérielles, qui dans leur folie assurée démontrant la démesure de sa grandiloquence et de ce doigt majeur tendu comme ceux qui oseraient l'approcher.
Un des meilleurs morceaux de l'album sans l'ombre d'un doute.

Pour autant le disque ne s'arrête de loin pas là, Freak Out et sa batterie terrassante va nous décrocher une énorme baffe intégrale alors qu'on croyait pouvoir se reposer un peu.
L'impression que ce titre peut partir en vrille à chaque seconde est des plus palpables. Ce sentiment accouplé à la puissance sonore qui envahit les oreilles et qui prend peu le contrôle de nos oreilles va donner l'excitation de taper comme un maniaque avec son pied en secouant de la tête. Prenant de bout en bout.

La dernière ligne de l'album va embrayer avec un Pure Unevil tout en décomposition, qui voit peu à peu ses mélodies s'affaisser dans les recoins les plus sombres des esprits de ceux qui les ont façonnées.
Une fois de plus, l'ombre de Drum's Not Dead ne semble pas si éloignée mais d'une façon moins radicale, moins...invraisemblable ?
Quoique qu'avec ses guitares crachant ses sons dans des amplis qui n'attendaient pas d'être terrorisées de la sorte, on ne puisse pas vraiment affirmer que le morceau soit très user friendly. liars_4_250
Primitive et animale notre musique ?


Liars s'est calmé a ce qu'on dit ? Liars, moins expérimental ? Cette blague...
Allez, faisons-nous encore un peu mal, puisque c'est si bon avec Clear Island, tout droit sorti du catalogue des Beach Boys mais en y ajoutant une subversion sans aucun détour, avec des changements de tonalités faisant la part belle à un trip sautillant, sorte de grosse fête intérieure se déroulant dans nos crânes toujours plus plus enfoncés dans un cauchemar des plus opaques.


Le premier et unique, morceau un peu plus faible viendra de The Dumb In The Rain, qui reprend le même style que Leather Power sans parvenir à son niveau, mais avec un seul titre raté peut-t-on honnêtement leur reprocher ce détail ?
Et la ligne finale avec Protection que dire ? Avec son orgue messianique et ses voix détachées de nos soucis terrestres, l'exorcisme de nos oreilles formatées avec ces 11 titres a enfin pris effet. Et c'est la gorge quelque peu nouée et l'estomac en vrac, que l'on se laisse glisser dans ce trip final avec pourtant une seule envie, y retourner, s'abreuver de ce rock shamanique à souhait.

Everyone I Know Has Dead Outside.

Moins repoussant dans sa forme que Drum's Not Dead, Liars est une décharge de rock crasseux, fou, jouissif et surtout incontrôlable au possible qui les propulse dans la sphère des groupes très très à côté de la plaque, tout en ayant l'envie de repousser toujours plus les frontières du rock, du son, des musiques bizarres pour des gens bizarres ou...pour tous les gens un peu aventureux.

Car même s'ils sont plus accessibles, ces 11 titres ne sont typiquement pas le genre à pouvoir passer sur les ondes radios étant donné leurs formes effrayantes au possible, et à l'effort nécessaire à consentir pour les saisir qu'elles impliquent.
Et pourtant, quand on découvre cette forme de défrichage de rock qui ose s'adjoindre une forme d'art sans compromis, dénuée de formatage précis, qui va à contre sens total des mouvements musicaux, que pourrait-t-on honnêtement leur reprocher ?
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Personne n'a compris notre disque tu crois ?


A priori gentils sous leur aspect d'étudiants lisses, Liars s'imposent d'emblée comme le groupe le plus étrange de notre période, un Mr. Bungle de nos temps. Furieux, tribal, abrasif, tordu, fou, étonnant, ce Liars contient tout ce qu'un album de rock se doit d'être et plus encore, la dernière frontière d'un art sans compromis. Un putain d'album à acheter en urgence.


 

 

Liars - Liars
01. Plaster Casts of Everything
02. Houseclouds
03. Leather Prowler
04. Sailing to Byzantium
05. What Would They Know
06. Cycle Time
07. Freak Out
08. Pure Unevil
09. Clear Island
10. The Dumb in the Rain
11. Protection