8/10Lewis (Juliette) - Terra incognita

/ Critique - écrit par nazonfly, le 12/10/2010
Notre verdict : 8/10 - Roméo à terre (Fiche technique)

Malgré une pochette assez hideuse, Juliette Lewis tient fermement le taureau du rock par les cornes et redécouvre une terre musicale pas si inconnue que cela.

Juliette Lewis est sans doute l'une des actrices les plus barrées d'Hollywood. Durant sa carrière, elle a composé un nombre important de rôles de femmes fortes à moitié folles : on se souvient évidemment d'elle en tant que Mallory Knox dans Natural born killers d'Oliver Stone. Quand elle a décidé de se lancer dans la musique, on pouvait légitimement se demander quelle mouche l'avait piquée. Et surtout si elle allait faire partie de ces nombreuses actrices/chanteuses aux disques en général oubliables : pour ne pas être méchants avec nos contemporaines, nous nous contenterons de citer Isabelle Adjani avec son Pull marine. Mais Juliette Lewis ne pouvait évidemment pas se lancer dans une carrière de chanteuse pop gnan-gnan. Ses premiers albums, ...Like a bolt of lightning, You're speaking my language et Four on the floor, avec son groupe The Licks au nom si chantant, fait de punk-rock détraqué était plus qu'une bonne surprise. 

Road movie musical

Terra incognita est juliette01_250
Entrée dans la lumière
le deuxième album de l'Américaine, désormais séparée de ses Licks et maquée avec ses New Romantiques. Pour compenser, Omar Rodriguez Lopez de The Mars Volta vient participer, et pas qu'un peu, à ce nouvel opus. Et le moins que l'on puisse dire c'est que Juliette Lewis est toujours aussi habitée sur un album qui sent le cambouis, les rodéos à moto sur les longues routes sans fin du Texas et le perfecto usé sur le dos. Direction cette nuit sans fin (Noche sin fin) qu'elle nous chante en entrée en clamant que jamais elle ne mourra. Elle se lance ainsi dans un rock sans fard, grungy et très rentre-dedans, qui n'est pas sans rappeler les plus grands moments de Hole. Terra Incognita, Fantasy bar, All is for God ou Girls and boys chassent sur les terres de ce rock de Seattle qui savait si bien marier mélodies imparables et explosions soudaines de guitares. La voix de la jolie Juliette, douce et cassée, apporte sa puissance indéniable sans se faire bouffer par la musique et habite de part en part cet excellent album.

Abyssal plongeon

Truc 02
Entre ombre et lumière
Mais si une bonne moitié de l'album donne à Terra incognita une couleur franchement rock, les véritables réussites de cet album sont dans les morceaux aqueux, moites et étouffants. Le début de Romeo semble ainsi noyé sous des mètres d'eau, hésitant entre trip-hop, post-rock et toujours ce soupçon grungy. De la même façon, le poisseux Ghosts suinte la chambre d'hôtel miteuse, éclairée par la lueur blafarde d'un réverbère clignotant. L'album prend d'ailleurs à cet instant une teinte vraiment glauque avec Female persecution qui rampe jusqu'à nos oreilles et s'y glisse insidieusement générant un mal-être palpable. Le maelström du néant nous appelle par le biais de la musique de Juliette Lewis, et l'on n'a qu'une envie : se laisser dériver, se laisser submerger, se laisser engloutir. C'est donc avec un certain soulagement que le lumineux Uh huh fait suivre ces ombres d'une pop imparable qui nous ramène sur des territoires enjoués avant que Junkyard heart vienne de nouveau chasser sur les terres du rock de Seattle.

Seul le diable sait où Juliette Lewis a pu aller puiser cette énergie à la fois solaire et chtonienne, lumineuse et sombre, une énergie qu'elle affichait déjà dans ses films mais qu'elle lâche désormais sur album qui ressemble à un condensé de ce qui se fait de mieux outre-Atlantique.

 

Juliette Lewis - Terra incognita

01. Intro
02. Noche sin fin
03. Terra incognita
04. Hard lovin' woman
05. Fantasy bar
06. Romeo
07. Ghosts
08. All is for God
09. Female persecution
10. Uh Huh
11. Junkyard heart
12. Suicide dive bombers