Un jour en enfer au Hellfest 2019 - Samedi
Musique / Compte-rendu de concert - écrit par nazonfly, le 02/07/2019Tags : hellfest festival metal france edition paris concert
Si la journée du vendredi du Hellfest était traversée d’une multitude de sentiments divers et variés, la journée du samedi est clairement à mettre sous le signe de l’amour, de l’amour dans tous les sens, de l’amour de toutes les formes mais de l’amour à tous les coins de rue, ou de scène plus précisément.
En ouverture, nous décidons, mais est-ce réellement un mystère ?, de nous rendre à la Valley pour découvrir Coilguns, un groupe de mathcore suisse et, du coup, on s’attend à un show explosif, brutal et chaotique. Il commence pourtant de la plus exceptionnelle et la plus conviviale des manières : en ce début de matinée (il est 10h30), le groupe distribue, en effet, à la foule… des croissants. Car, derrière des abords violents et intenables, le chanteur, véritable showman surexcité, montre un amour certain pour son public en étant prêt à toutes les extrémités et en donnant tout pour lui. L’amour est réciproque et le chanteur finit par se jeter dans la foule, assez clairsemée certes, qui le touche, l’embrasse, lui donne l’accolade. Il ne nous en fallait pas plus pour être sous le charme des Suisses. De la Valley à la Temple, de la Suisse à la France, il n’y a qu’un pas mais du mathcore de Coilguns au punk indus de Shaârghot, c’est plutôt un grand écart. Il est évident de dresser un parallèle entre Shaârghot et les exceptionnels Punish yourself, programmés plus tard dans la journée : même approche mélangeant punk, indus, metal, même grand spectacle sur scène. À la différence près que les gars de Punish sont bariolés de couleurs fluos tandis que les Shaârghot sont grimés de noir et proposent une imagerie résolument steampunk. Musicalement c’est peut-être un peu moins percutant mais Break your body reste un hymne idéal dans ce concert apocalyptique ! La suite se déroule sur la Main Stage 02 où Skindred fait son show. Et quand je dis qu’il fait son show, il faut vraiment voir son chanteur, Benji, qu’on aurait plus vu sur un concert reggae avec ses dreadlocks, faire chanter la foule à tue-tête, la faire sauter, la faire lever et frapper les mains en cadence. En réalité, Skindred semble faire le mix parfait entre l’electro, le reggae et le metal dans une même énergie amoureuse qui passe furieusement entre lui et son public. Quand on vous disait que c’était une journée sous le signe de l’amour !
Coilguns en plein effort
Une fois n’est pas coutume, nous investissons la Warzone pour le concert de The creepshow, groupe résolument rock, voire rockabilly ou country. Étonnamment ce sera aussi la première fois du week-end, avec la bassiste du Shaârghot, que nous découvrons cet étrange être qu’est une femme sur scène. Oui car, quoiqu’on dise de l’ouverture du metal, la musique reste très majoritairement un truc de bonhommes. Pourtant l’énergie développée par KENDA, aux faux airs de Shakira, est impressionnante : survoltée elle court d’un bout à l’autre de la scène quand elle ne se pose pas avec une guitare pour prêter main forte au contrebassiste. Là encore, il est indéniable que c’est de l’amour qui coule par tous les pores de The creepshow, de l’amour qui submerge le public de la Warzone comme autant de vagues chaleureuses. Pour nous refaire de ce concert, nous entamons une longue pause, le temps de prendre une photo d’un type brandissant un poireau ou d’un Jack Sparrow buvant une bière, avant de rendre visite à Mantar à la Valley. Mantar est un duo allemand composé d’un guitariste et d’un batteur. La batterie est d’ailleurs étrangement orientée non pas vers le public mais côté jardin, ce qui permet au guitariste d’être assez souvent en face de lui dans une alchimie metallique instrumentale qui percute vivement l’auditeur. Mantar n’est pas vraiment une expérience visuelle mais une belle expérience auditive, une véritable ode sensorielle et amoureuse au metal dans toute son expression la plus brute.
La furie The creepshow
Sur la Main Stage 01 nous attendent d’autres Allemands, des Allemands qui font du metal indus et chantent principalement dans la langue de Goethe. Évidemment, en parlant de metal indus allemand, il est impossible de ne pas évoquer le spectre de Rammstein. Et malheureusement, Eisbrecher a tendance à ressembler un peu à du sous-Rammstein, du Rammstein en moins bien. Leur scénographie est bien sûr beaucoup moins accomplie, leur musique moins percutante mais ils sont beaucoup plus empathiques que leurs collègues berlinois. De l’empathie, il y en a un peu moins sur la scène Altar où se pointe Archspire. Archspire aurait pu n’être qu’un autre groupe de death metal comme les autres mais le débit de Oliver Rae Aleron, son flow s’il était rappeur, est tout bonnement impressionnant : jamais l’expression « parler comme une mitraillette » n’avait été aussi pertinente. Les syllabes s’enchaînent à une vitesse monstre et percutent à un rythme effréné, bien appuyées par des musiciens qui varient sans cesse les attaques, les contre-feux, les passages calmes et les accélérations brusques pour un amour de la technique pure. Archspire est sans aucune contestation un des groupes les plus impressionnants sur scène ! Vous l’avez sans doute remarqué depuis le début de ce papier, mais nous avons tenté de mettre de l’amour comme fil conducteur de cette modeste chronique. Vient un moment où il faut donc parler de Carach Angren et là il est plus difficile d’aborder leur set à la mode amoureuse. Déjà parce que leur nom vient de l’oeuvre de Tolkien et est le défilé qui permet de rentrer en Mordor. Ensuite parce qu’ils sont maquillés de blanc et qu’ils ont des têtes à faire peur… Et finalement parce que des mecs qui sont capables de mimer un égorgement pour boire le sang d’un mannequin, on ne sait pas trop où se situe la qualité de leur amour. Par contre, niveau musique comme niveau présence sur scène, ils assurent grave, le clavier et le guitariste se voyant même montés en haut de la scène sur de grandes colonnes. Leur black à tendance symphonique est intense et emporte rapidement le public et les cornes du diable envahissent la foule. Encore un bien beau concert.
Carach Angren, la joie de vivre
Retour à la Temple pour cette journée marathon. Si The Descendents me rappelaient les compils Rock Sound, pour Moonspell, ce sont plutôt les compils Rock Hard ou Metallian. Et c’est bien la première fois que j’avais la chance d’assister à un des leurs concerts ! Un chapeau mou sur la tête, un long manteau de pluie, une lanterne dans une main gantée de cuir, Fernando Ribeiro soigne son entrée. En bon showman il relancera plusieurs fois le public qui s’exclame principalement sur Opium. La voix puissamment grave, les grattes ciselées, le clavier délicat, tout concourt à donner à ce concert une atmosphère particulière pour un groupe apparemment content de revenir au Hellfest. Changement de scène, changement d’ambiance. Exit le metal sombre à base folk de Moonspell. Bienvenue à l’electro indus bodybuildée de Combichrist. Il y a des musiques que l’on peut écouter religieusement, Moonspell par exemple en fait partie, et il y a des musiques sur lesquelles il est quasiment impossible de ne pas remuer du popotin et Combichrist en fait partie. Évidemment on n’attend pas de finesse de la part des Norvégiens et le public n’est pas en reste. La batterie martèle le rythme, le chanteur hurle à qui mieux-mieux. Les pogos se forment, les slammeurs commencent leur mouvement et, un peu malgré nous, on se retrouve embarqués dans une bousculade endiablée.Au bout des 52 minutes de concert, avec à peine le temps de se poser entre deux chansons, on est conquis et, à vrai dire, un peu fatigués. Vraiment Combichrist aura été l’un des beaux moments défouloir du week-end.
Moonspell, gris voyageur
Après la pause syndicale, nous allons voir une invitée de dernière minute sur la Temple : Myrkur ayant annulé pour cause de maternité, c’est une certaine Jo Quail qui prend leur place. Et autant dire qu’il faut un sacré courage pour venir, au dernier moment, sans être préparée, sur une scène du Hellfest simplement accompagnée d’un violoncelle ! Car Jo Quail sait manier à merveille les boucles pour construire une œuvre unique, expérimentale et plutôt déstabilisante, j’imagine, pour le public. Et même si elle confie qu’elle met quelques pains, qu’elle n’a pas été préparée, c’est un véritable torrent d’amour qui se déverse du public comme pour la soutenir. Il n’est jamais aussi beau que de voir l’amour d’un public pour un artiste dont le show est imparfait à cause de l’émotion ou de l’impréparation. Pour ceux qui étaient au concert, Jo Quail restera, je pense, un moment particulier de cette édition 2019. Mais c’est sur la Valley que se tient LE concert du Hellfest, celui qui nous mettra à genoux : envy. Comment expliquer le choc envy ? Envy est un groupe japonais qui officie dans un post-rock hurlé. Ce qui veut dire qu’ils savent ménager de sublimes plages tranquilles, agrémentées parfois du chant brisé, cassé du chanteur (qui chante en japonais!) pour exploser d’un coup avec des guitares saturées en un véritable mur de son. Évidemment ce ne pouvait que nous plaire. Sauf qu’envy parvient en plus, par la grâce notamment de son chanteur habité, à déverser un torrent d’amour qui vient par vagues nous percuter. Certes on ne comprend rien aux paroles, peut-être ont-elles une toute autre signification que l'amour mais la gestuelle, la scansion du chanteur nous laissent pantelants comme après une épuisante nuit d’amour. Dieu que c’était bon !
envy d'amour
Les papes du black Cradle of filth, souvent moqués par le public extrême qui les trouve sans doute trop commerciaux donnent leur messe à la Temple. Pour une fois, on est placés un peu loin, on est arrivés un peu tard vu qu’on avait coché plutôt ZZ Top dont les horaires ont été décalés à la dernière minute. Mais le show de Cradle est résolument de bonne facture et plutôt classieux. Rien à voir cependant avec Cult of Luna qui, dans une atmosphère complètement embrumée, assène son post-rock-core-metal, on ne sait plus, on se perd avec ces termes. Toujours est-il que le concert est impressionnant de maîtrise, de puissance. On se perd dans leur musique, les sens mis à mal par le déluge de notes et l’on croirait presque finir par se détacher complètement de son corps pour se perdre à jamais dans les méandres de la musique de Cult of Luna. Il y a des groupes comme cela : on serait bien incapable de reconnaître quel titre a été joué, quel titre a été le meilleur mais on sait pertinemment qu’on a affaire à un grand show, de ceux qui peuvent ouvrir à un tout autre monde. Il est, de fait, difficile de passer après Cult of Luna et le match Le bal des enragés/Sister of mercy voit la victoire des derniers, groupe culte oblige. Symboles de la mouvance gothique et cold wave, les Sisters of mercy tentent de nous plonger dans les méandres d’une musique malaisante mais il faut admettre qu’après les deux claques envy et Cult of Luna, on trouve leur concert un peu mou du genou en ne sachant pas très bien si c’est à cause du groupe pas en forme, à cause d’une musique inadaptée ou juste par l’enchaînement choisi des concerts. C’est donc sur l’une des rares déceptions du week-end que se termine ce samedi en enfer. Et en amour.