7.5/10Halexander (Jann) - Halexander Songs

/ Critique - écrit par juro, le 28/03/2005
Notre verdict : 7.5/10 - Halexander le grand (Fiche technique)

L'autoproduction semble désormais être le seul moyen de voir apparaître de nouveaux artistes hors du moule désiré par les maisons de disque. Il est encore plus rare de retrouver un jeune pianiste indépendant, déjà hauteur de deux maxis en 2004, qui persiste dans sa voie, fort d'un succès essentiellement du aux nouvelles technologies. Et s'il est rare parmi les rares, l'angevin Jann Halexander se taille la part du lion avec Halexander Songs. Une originalité qui mérite un plus ample coup d'oeil car l'univers de l'auteur-compositeur-interprète est spécial, tourmenté de thèmes forts et marginaux. Pas très gai mais fichtrement impressionnant !

A seulement 22 ans, Jann Halexander, chanteur afro-européen et étudiant géographe, arrive avec une gravité teintée de sombre attitude et de réflexions terriblement dures pour son âge. Amateurs de paroles faciles et de sujets désuets, passez votre chemin, les thèmes sont remplis de propos difficiles à entendre mais qui se perpétue brillamment à travers tout l'album : race, sexualité, amour, mort, folie... tout y passe pour nous emmener dans un univers particulièrement difficile. Revendiquant une influence auprès de Poulenc et Ravel, la personnalité du chanteur se révèle tout aussi controversé et névrosé. Pour donner une impression plus juste des sentiments à l'écoute de Halexander Songs : la surprise domine la première fois, le désabusement la seconde, les deux se mélangent lors de la troisième... On se demande même si Jann Halexander ne prend pas un malin plaisir à dérouter l'auditeur.

Après un premier titre instrumental, Brown man est le reflet à lui seul de l'album proposant une partie musicale lente, simple, minimaliste sur laquelle viennent se greffer des paroles anglophones portées par la voix austère et maniérée de l'artiste. Les introductions et les refrains laissent penser à des gammes et s'inscrivent à peu près de la même manière dans tous les titres, comme par exemple dans L'ombre mauve et La belle et le vide. Les titres sont écrits comme de véritables poésies, les mots ne riment pas mais sonnent juste. La démarche prend le pas sur la technique où le piano est l'unique accompagnateur de l'interprète (à l'exception d'un titre et de quelques effets sonores).

Brasillach 1945 est sûrement le titre le plus intéressant mais aussi le plus controversé de Jann Halexander. L'interprétation magistrale du titre révèle tout la talent de l'auteur, il y met une telle émotion à nous faire découvrir la vie d'un être peu commun, écrivain d'extrême droite. Le morceau expose la véritable descente aux enfers de cet homme ridiculisant son funeste sort. Alien mother tire aussi son épingle en se révélant comme la relation filiale poignante. Avec L'inconnu dans ma maison, c'est un brutal revirement, le titre marque par la puissance de son piano dont le tempo reste longtemps en tête. Les propos sont graves, bourrés d'une intelligence froide, seule la diction n'est parfois pas aussi performante.

Si les mélodies sont simples, les textes sont difficilement abordables sur la forme et rentrer dans le fond de l'univers de Jann Halexander s'avère être une expérience. En effet, les textes s'étudient, se repassent plusieurs fois, se rejoignent d'un titre à l'autre pour créer une ambiance voulue prenante. Cette voix si particulière nous fait passer un moment délicat car les thèmes couchés sur le papier sont forts. Pas d'envolées lyriques, la partie piano est minimaliste et pourtant Halexander Songs parvient à fixer l'attention. Une incroyable alchimie se dégage de cette combinaison piano/voix à cent lieux des Vincent Delerm et autres Jeanne Cherhal.

A entendre certains titres comme Brasillach 1945, certains pourraient prétendre que le chanteur tombe dans des extrêmes peu recommandables, d'autres le taxer de sombrer dans une provocation facile et d'une prétention dans son interprétation mais Halexander Songs est plus profond, plus pur, porteur d'une symbolique assurément inquiétante mais reflet des craintes d'un jeune homme sur notre monde actuel. Inclassable dans un style dont les autres représentants me sont totalement inconnus, ce premier album possède une esthétique somptueuse, un charme attrayant pour la partie musicale, une sincérité dans les propos qui le rend encore plus fort. Hanté par ses craintes les plus profondes, Jann Halexander se met à nu et nous livre une bonne copie où se mêlent ses sentiments les plus complexes, les plus profonds, des sentiments à fleur de peau...

Jann Halexander - Halexander Songs

01 L'ombre mauve-variations (instrumentale)
02 Brown man
03 L'ombre mauve
04 La belle et le vide
05 La dame blanche
06 Brasillach 1945
07 Alien mother
08 L'inconnu(e) dans ma maison
09 Apoplexia
10 Brasillach la fin de l'Apocalypse