7.5/10Groundation : Reggae-ducation

/ Critique - écrit par athanagor, le 15/03/2011
Notre verdict : 7.5/10 - Faites tourner (Fiche technique)

Tags : groundation reggae groupe album dub roots jazz

Sur une base reggae assez classique et convenue, Groundation, formé d’anciens étudiants en jazz, offre un style riche en variation, grâce à d’excellentes techniques instrumentales et musicales.

Pour tous ceux qui considèrent que le reggae n’est que la suite sempiternelle du même rythme syncopé et qui n’ont pas les oreilles faites pour faire la différence entre Burning Spear et Pierpoljak, voici un conseil : penchez-vous sur cet album, best-of d’un groupe californien qui arrive à sortir le reggae de sa routine.

Faisons alors abstraction, si vous le voulez bien, des thèmes rastafaris, qu’on s’attend de toute façon à trouver dans tout album reggae, chantant la paix, l’unité et le retour à une spiritualité faite d’agriculture et d’artisanat local, et portons notre attention sur les compétences mises en œuvre pour porter le message, à savoir la musique. En effet, c’est bien là que Groundation emporte le morceau et offre au style une dimension intéressante pour les non-initiés. Réunissant ici les interventions des « elders » (soit les anciens du reggae, tels Pablo Moses, Don Carlos ou IJahman Levi) sur leurs précédents albums, ouvrant chaque titre par une déclaration de l’un d’eux, le groupe fait progressivement découvrir un style riche en modulation et en solos inspirés. Faisant ensuite intervenir les « elders » dans les chansons, ils donnent systématiquement aux différents titres des couleurs variées, portées par la succession des invités et du chanteur,
DR.
Harrison Stafford. De plus, grâce à une qualité sonore conférée à l’ensemble par une production très propre, on distingue avec bonheur les qualités de musiciens qu’ils mettent au service de leur style, qu’il s’agisse de la paire rythmique (basse, batterie), ou la paire mélodique (guitare, clavier) qui agrémente l’ensemble d’interventions discrètes mais indispensables, qui donnent vie à l’ensemble.

On approuvera surtout, dans cet album, la disposition des titres, qui permet à l’auditeur de prendre la mesure du travail harmonique et mélodique du groupe. Mighty souls qui ouvre la série, reste très ancré dans un style reggae assez linéaire, développant avec parcimonie les éléments caractéristiques du groupe. Préparant l’oreille, en ne lui servant pas qu’une simple litanie, sans pour autant l’effrayer par ses rares écarts, elle mène à We free again et Blues away, où le travail musical sera le plus notable. Passé ces deux morceaux, les modulations se feront de plus en plus discrètes, jusqu’à l’absence dans les deux derniers titres. Mais qu’importe, à ce moment-là le mal est fait, et on apprécie tout de même ces deux derniers morceaux, malgré une certaine platitude que Undivided parviendra à secouer un peu.

Mélangeant avec tact et discrétion les influences, Groundation met l’accent sur des éléments ou des mélanges particuliers d’un titre à l’autre. Freedom taking over se distingue surtout pour la technique vocale de Stafford et une partie B plus audacieuse qui réveille un intérêt légèrement assoupi. Whish them well s’assoit sur des éléments jazz et une partie de trombone proéminente. Time come jouit d’un rythme soutenu et d’un entrain pop, qui rappellera par certains côtés History will teach us nothing de Sting sur Nothing like the sun. D’une manière générale, les titres bénéficient également d’une construction en deux parties, assez distinctes, entre lesquelles le groupe navigue, octroyant à ces rythmes parfois lénifiant une circulation qui les sort de l’apathie.

Proposant un reggae neuf et inventif, qui se réinvente en restant respectueux des codes qui l’édifièrent, Groundation permet au novice de se repérer et de prendre goût au style, en découvrant en même temps l’adaptabilité du genre, sans oublier les briscards, qui y trouveront sûrement de quoi faire leur bonheur.

 

Groundation - The gathering of the elders

01. Mighty souls (Introduction by and featuring Pablo Moses)
02. We free again (Introduction by Apple Gabriel, featuring Don Carlos and Apple Gabriel) 
03. Blues away (Introduction by and featuring Pablo Moses)
04. Freedom taking over (Introduction by and featuring Cedric “Congos” Myton and Don Carlos) 
05. Wish them well (Introduction by and featuring Don Carlos) 
06. Time come (Introduction by Watty Burnett and Ashanti-Roy Johnson, featuring the Congos) 
07. Use to laugh (Introduction by IJahman Levi, featuring Pablo Moses and IJahman Levi) 
08. Suffer the right (Introduction by Apple Gabriel, featuring Don Carlos and Apple Gabriel) 
09. Sleeping bag-o-wire (Introduction by and featuring IJahman Levi) 
10. Undivided (Introduction by Don Carlos, featuring Cedric "Congos" Myton and Don Carlos)