6.5/10Faith No More

/ Critique - écrit par Val Lazare, le 25/09/2003
Notre verdict : 6.5/10 - The Real Thing (Fiche technique)

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Il était une fois des disciples sans prophète...

Dans une petite ville de Californie du nom de San Francisco, Mike Bordin, Billy Gould, Mike Morris et Wade Worthington formèrent le groupe Faith No Man. C'était en l'an de grâce 1981. Dans un univers musical plutôt moribond, Faith No Man fit son entrée à pas hésitants. Le groupe auditionna nombre de chanteurs dont Courtney Love et fixa son choix sur Chuck Mosley, le claviériste Worthington fut remplacé par Roddy Buttum et Mike Morris fut également remercié. Désabusé ou non, le groupe prit par la suite le nom de Faith No More.

Les petits gars de Faith No More font leur bonhomme de chemin et sortent un EP en 84, vite suivi par l'album We Care A Lot en 85, sur le label Mordom Records. La roue commence à tourner pour les Apostats en déboulant sur le label Slash Records en 86, enchaînant sur l'album Introduce Yourself en 87. FNM commence à se faire un nom et leur tournée reçoit un accueil positif dans la presse. Mais comme tout grand groupe qui se respecte, FNM doit écrire sa propre légende, pour le meilleur et pour le pire. En l'occurrence, la sauce a du mal à prendre avec Chuck Mosley, ses penchants toxicomaniaques et alcooliques, sa voix limitée créent des tensions au sein du groupe. Mosley, après avoir réussi l'impossible, s'endormir on stage (!!!), se fera virer manu militari.

Le prophète vint... et la Foi fut perdue

Le groupe va alors porter son choix sur le chanteur d'un groupe encore inconnu, Mr Bungle. Jim Martin, guitariste de FNM, aurait remarqué le talent de Michael Patton alors que Bungle faisait encore du deathmetal (ce que Bungle n'a plus fait par la suite). Patton est donc engagé en 1988. Il a à peine 20 ans. Après avoir écrit les paroles en deux semaines, l'album The Real Thing est enregistré en 89. Veni vidi vici. L'album fait un carton et The Real Thing est propulsé dans les charts.

The Real Thing

Faith No More n'est pas là pour rigoler et lance son premier album avec Mike Patton par un From Out Of Nowhere, tube funk et speedé qui montre à peu près tout ce dont est capable le groupe sur cet album. Seul bémol à cette chanson et reproduit sur tout l'album : la voix de Patton. Celle-ci, au regard des futures productions du band, est assez agaçante car particulièrement nasillarde. Le môme avait 20 ans tout de même. Les pistes passent et on reste bluffé par l'aspect fourre-tout de The Real Thing. Ainsi, Falling To Pieces se fait remarquer par sa basse élastique et sa guitare quasi absente. Surprise ! You're dead prend le contre-pied et vous fouette le sang par des riffs de guitare ultra rapides, tranchants à souhait. Si FNM fut alors qualifié de groupe funk-métal, c'est avant tout parce qu'aucune étiquette ne lui allait. Suit un Epic, sorte de rock rappé et grandiloquent, grosse guitare, basse mécanique et efficace, qui prend fin sur une envolée au piano qui en fait un ovni. The Real Thing, d'humeur changeante, part donc dans plusieurs directions. Zombie Eaters nous fait faire une pause dans le funk pour cracher une musique/chant qui donne tout de la love song, touchante, puis le rythme s'accélère, les lyrics se dévoilent, s'entourent de chair (déclaration d'amour malsain d'un bébé à sa mère ?). Comme sur Edge Of The World, Patton livre des lyrics ambiguës, s'attache à ternir le Beau. On pourrait dire que FNM n'a pas de style sur cet album, mais ce qu'ils font, ils le font bien.

Live At The Brixton Academy / You Fat Bastard !

Sur une production au premier abord douteuse, le live est lancé sur Falling To Pieces. La voix nasillarde de Patton est assez tempérée live. Beaucoup moins agaçante. Une tempête souffle-t-elle dans la salle ? A moins que ce soit le clavier de Buttum qui ait des soucis. Jim Martin fait alors mugir sa guitare, Patton lâche un So what !? You're ready to fucking go home ? et c'est parti pour The Real Thing. La pilule passe toute seule, Faith No More rattrape un Falling To Pieces assez moyen, petit échauffement, pour passer aux choses sérieuses. Les instruments délivrent un son compact -typique des lives- et la voix de Patton fait office de phare.
The next song is a song that have 4 letters in the title... beugle Patton avant de scander les premiers vers de Epic. La chanson qui a révélé FNM au grand public mais à laquelle je ne trouve rien d'extraordinaire. C'est au tour de War Pigs d'être expédié, le public suit, on imagine la jubilation des veinards dans la fosse, suivie de leur extase quand Patton lâche un oï oï oï !!! , compte à rebours d'un From out Of Nowhere non moins funk et encore plus boosté que War Pigs. Billy Gould semble vouloir créer une nouvelle appellation rock, le bass hero, Mike Bordin, tout de locks et de muscles vêtus, s'énerve derrière ses fûts, Patton devient épileptique le temps d'une chanson, ses lunettes jaunes délicieusement ridicules volent on ne sait où... saute dans tous les sens comme un écolier. We Care A Lot perd en funk ce qu'il gagne en rage, Patton reprend parfaitement les intonations du regretté Mosely... puis le groupe laisse souffler la salle le temps d'un Zombie Eaters, Buttum a la part belle au clavier, l'intro pourrait faire passer le son FNM pour de la musique de lover façon Bon Jovi, Martin souligne les couches de clavier par quelques accords larmoyants, une intro longue et tendre qui ne rendra la seconde moitié du titre que plus tranchante. Edge Of The World, The Grade et The Cowboy sont respectivement jazzy, country et funk, clôturant le live at Brixton pour un concert mémorable. La vidéo You Fat Bastard ! est néanmoins à préférer, la production son étant un chouia faible et le choix d'un dix pistes sur l'album fait passer à la trappe l'émouvant Crab Song et les élucubrations folles de Patton.

Angel Dust

Après le succès mondial de The Real Thing, Faith No More était attendu au tournant. Tout ne va pas au mieux dans le groupe. Les enregistrements du nouvel album débutent et Jim Martin se fait remarquer par son absence, mécontent de la direction que prend le groupe et de l'influence que lui donne Patton. Il ne participera réellement qu'à l'écriture de Jizzlobber où la guitare est omniprésente. Billy Gould, l'homme de l'ombre de FNM remplace Martin aux enregistrements guitares et l'album Angel Dust sort tout chaud des presses en 1992.
Un album qui surprend. On pourrait croire à l'écoute d'une première moitié d'album que Faith No More a effacé toute trace de funk de ses compositions, au profit d'un son plus agressif, le tout bien plus cohérent que le chaotique The Real Thing. On a donc droit à un 14 pistes dont les deux tiers sont chantés d'une colère froide par Mike Patton. Un album 100% hard-rock ? Sûrement pas ! D'ailleurs Faith No More n'aura pas droit à l'attention de MTV, l'album étant jugé trop mollet. Ainsi, la rythmique d'Angel Dust est lourde, lui donnant un côté agressif/oppressant sur les passages les plus rapides, frôlant régulièrement la ballade sur les plus lents, et la cohérence pour le tout. Enfin, Angel Dust donne l'opportunité à Patton de faire de son chant une expérience. Exit la voix nasillarde. Place à un chant doux et grave, entrecoupé de rushs encore plus graves où Patton crache sous débit rapide un fiel de colère. C'est avec Angel Dust que Patton posera le ton de voix qu'il gardera par la suite.
En l'occurrence, Malpratice fait figure de cas d'école, petite dichotomie en chant énervé (applause, applause, A-PPLAUSE ! ) - chant clair, saupoudré de larsens guitare, de cloches qui tintent, vient alors un chant susurré soutenu par une instrumentale féerique façon boîte à musique, et c'est reparti pour un tour de dirt music, les fûts de Bordin explosent... la construction du chant sur cette piste servira de précurseur au chant néo-métal. Album dont le titre Be Agressive sera quant à lui pillé par Marylin Manson avec son refrain au choeur de majorettes (be agressive, B.E agressive, B.E.A.G.R.E.S.S.I.V.E). La seconde partie de l'album est beaucoup plus énergique, servie par un Crack Hitler au funk sombre (si si c'est possible), au coup de basse démentiel et FNM nous donne le coup de grâce sur les deux dernières pistes. Midnight Cowboy est une ballade d'une douceur étonnante, sans parole, que du rêve (cette chanson me fait toujours autant penser à Final Fantasy 7) et Easy est une reprise de Lionel Ritchie, introduite par un piano que basse et batterie viennent soutenir, accompagnée par un coup de lover guitar sur le refrain. Patton croone comme un dieu, c'est tout simplement beau, le chant est cristallin, si évident qu'il m'est arrivé de la chanter saoul, un soir de l'an, dansant la gigue avec pour tout partenaire une bouteille de champ' vide.
Au final, Poussière D'Ange est un superbe album qui fut occulté par les médias, assez inclassable, ce qui n'empêchera pas pour autant FNM d'assurer les premières parties de Metallica et des Guns N Roses.
C'est à la fin de la tournée Angel Dust que Jim Martin quittera le groupe.

King For A Day / Fool For A Lifetime

Faith No More cherche un guitariste. Leur choix se posera sur Trey Spruance, guitariste de Mr Bungle et ami d'enfance de Patton. Le grunge est en train de mourir, le métal apparaît, les cartes ont changé. Faith No More a déjà livré trois albums funk et un album hard-rock assez bizarre, le cinquième sera le plus agressif du groupe. King For A Day / Fool For A Lifetime sort en 95. La pochette de l'album donne le ton. Sur une teinte rouge et noir, un chien policier aboie à la tronche du fan ravi.
L'album est introduit par Get Out, tout un programme. Finie la basse/batterie lourde. Dorénavant, ce sera rythmique speed et énervée. Les instruments retiennent leur souffle tout du long pour exploser sur le refrain, le fantôme de Surprise ! You're Dead est ressuscité et par sa bouche, Micky, furieux, vous glace le sang. Ce premier constat est vite démenti par un Ricochet beaucoup plus calme, suffisamment hard mais tenu en laisse par un Patton qui semble proposer un compromis. Ces deux chansons métal/rock doux chantées claires seront suivies sur le reste de l'album et peuvent servir de repère à l'auditeur. Ainsi, Evidence, Star A.D, Caralho Voador, Take This Bottle tapent dans du quasi jazz quand The Gentle Art Of Making Enemies (happy birthday... fucker), Cuckoo For Caca, Ugly in The Morning et Digging The Grave vous passent les tympans au hachoir.
Les membres du groupe sont alors individuellement superbes et font des merveilles derrière leurs instruments, voix y compris. Le deux dernières pistes sont 100% cadeaux, de la même trempe que les deux dernières d'Angel Dust. The Last To Know -ou comment Sinatra est un petit joueur- et Just A Man, petit voyage au pays vert et ciel bleu. L'album King For A Day est le plus maîtrisé de FNM, le meilleur à mon goût.

Album Of The Year

La tournée King For A Day débute... et Trey Spruance quitte le groupe, jugeant l'ambiance en son sein exécrable. Il dira plus tard n'avoir pas reconnu le Patton qu'il connaissait et espérer ne jamais revoir cette facette de sa personnalité...
Pendant ce temps, les rumeurs de séparation vont bon train. Chaque membre se lance dans des side projects, Bordin avec Ozzy Osbourne, Patton continue sa route avec Bungle et se permet de sortir deux albums inécoutables, Roddy Buttum lance son groupe Imperial Teen et rencontre un certain succès.
La galette Album Of The Year voit le jour en 97, après recrutement du guitariste John Hudson, 12 pistes pour un baroud d'honneur. Sans doute l'album le plus étrange de FNM, sans conteste rock mais mettant un point d'honneur à servir une ambiance cotonneuse, parfois très agréable mais qui n'empêche pas l'auditeur de se poser des questions : mais où ont-ils voulu aller ?
Ainsi Stripsearch, Last Cup Of Sorrow, Helpless, She Loves Me Not et Path Of Glory (hommage au film de Stanley Kubrick) servent une ambiance légèrement planante quand Collision, Naked In Front Of The Computer, Got That Feeling, -vous avez dit du Tomahawk ?- donnent dans du bon rock sang pur sang alternatif.
Si aucun des titres n'est décevant, l'Album Of The Year laisse un sentiment d'inachevé. Peut-être est-ce tout simplement car c'est l'album de la séparation. Les membres de Faith No More n'ont plus la Foi. Livrant leur dernier set le 7 Avril de l'an 98 au Portugal, Billy Gould annoncera la séparation du groupe quelques jours plus tard.

Faith No More fut un groupe cosmopolite qui fit la somme de ses influences, chaque album fut une expérience nouvelle, ce qui surprit et déçut logiquement nombre de fans et enterra l'intérêt que portaient les médias à ce groupe...

I'm a poor lonesome Cow-Boy !!