Astonvilla - Interview
Musique / Interview - écrit par juro, le 22/10/2005Tags : album rires astonvilla musique chanson groupe fred
Interview de Astonvilla
Armé d'un nouveau dictaphone qui allait faire sensation auprès des membres du groupe et abordant le T-shirt Krinein, nous nous rendons au siège de Naïve pour rencontrer Astonvilla qui enchaîne les interviews. En compagnie de Greg, Fred et Manu, un interview de trente minutes dans la bonne humeur...
K : Bonjour Astonvilla, est-ce qu'on a encore besoin de vous présenter avec la sortie de ce nouvel album et une victoire de la musique ?
Fred : Un peu (rires). On a besoin de faire parler de nous, oui. Il y a un nouvel album qui vient de sortir, de nouveaux "anges" qui sont arrivés dans le groupe depuis bientôt trois ans avec Greg à la batterie et Manu à la guitare donc en ça c'est encore important de nous présenter aujourd'hui. C'est l'évolution d'un groupe avec tous les changements qu'il peut y avoir donc c'est bien de le rappeler mais merci à vous d'être là pour la rappeler (rires).
Vos influences sont évoquées dans Rock music, on peut constater un certain éclectisme dans les noms évoqués (Radiohead, Velvet Underground, Serge Gainsbourg...) mais tous sont des grands noms du rock, peut-on dire que ces influences ont orienté le reste de l'album, peut-être plus rock que les précédents ?
Greg : Ce sont plus des influences qui nous ont donné envie de faire de la musique mais pas spécialement de faire cet album-ci. Cet album, c'est une volonté générale de faire quelque chose qui se rapprochait plus du premier album des origines d'Aston avec le côté immergé du live.
Manu : En même temps, je ne sais pas pour les autres, mais c'est une chanson par son côté léger mais quand même rentre dedans nous a aussi décomplexé pour les autres morceaux...
C'est un fer de lance en fait...
M : Non, pas vraiment fer de lance car je pense qu'il y a des chansons qui sont peut-être plus abouties ou plus personnelles au niveau des textes car c'est de très loin la chanson la plus légère mais au niveau de la dimension que doit prendre cet album, le fait de ne pas hésiter à faire les choses en grand et de s'amuser...
F : Oui et puis c'est une partie de notre culture musicale, ce n'est pas un résumé de notre culture musicale...
C'est quelques influences...
M : C'est quelques influences ! (rires) On ne peut pas tout mettre en 3-4 minutes.
On sent la guitare plus présente que dans le dernier album, c'est un retour aux sources...
F : Ouais, il y avait une envie d'être plus brut, plus spontané, authentique, sans noyer des chansons dans des habillages qu'on a pu connaître dans les albums précédents, quelque chose de plus épuré donc il n'y a qu'une guitare... mais quelle guitare (rires). Merci Jean-Baptiste, de même Emmanuel (rires).
L'engagement dont vous faisiez preuve sur les albums précédents n'a pas perdu son mordant, au contraire on sent un regain d'intensité dans la manière de déclamer les paroles un peu plus acides qu'auparavant, non ?
F : Oui, tu fais allusion à des chansons comme A vendre, Italie, Soldier... Tu ne peux pas écrire ou composer un album en fermant les yeux sur ce qui se passe autour de toi et mettre que des musiciens concentrés sur leurs nombrils et : « Oh ! On va faire de la bonne musique, on va enregistrer notre album, tout le monde nous attend au tournant »... Non, non, on n'est pas si égoïstes que ça.
Donc pour vous c'est important d'en faire prendre conscience par le biais de la musique ?
M : Faire prendre conscience, c'est un peu prétentieux je trouve, c'est plus prendre conscience soi-même mais sans donner de leçon surtout. Tout le monde s'est retrouvé dans les écrits de Fred qui sont juste contemplatifs sans être revendicatifs, c'est simplement un point de vue...
F : Mettre le doigt sur, juste rappeler et profiter de la tribune qui est l'album, ce n'est pas rien et faire passer un petit message ou deux comme ça, « en lousdé »... Je vends une mobylette au passage (rires), je cherche un solex... Mais ça rentrait pas dans les textes. Autant faire passer des choses qui te tiennent à coeur, par exemple la référence à « W » est super évidente, tous les artistes le font et c'est tant mieux. C'est quand même le plus grand *bip* de la planète. Blague à part. C'est quand même sérieux sur ce sujet car à cause de ce connard, on n'est dans une période vachement trouble, on n'a jamais été destabilisé toutes générations confondues, on flippe un peu, il a déclenché quelque chose de grave ce mec. Tu ne peux pas rater une tribune comme ça et raconter juste des histoires d'amour.
M : D'une certaine façon, le monter du doigt ça peut paraître commun parce que beaucoup d'artistes le font mais en même temps le montrer à ce point là parce qu'il est le « président du monde », tu peux avoir peut-être un peu plus de... C'est un symbole.
G : Ce n'est pas parce que les autres se sont déjà exprimés dessus que toi tu ne peux pas le faire.
M : Oui, bien sûr...
Par exemple, vous intervenez sur les intermittents du spectacle et pas seulement sur George W. Bush, c'est une vision globale de l'actualité...
F : Non, non, bien sûr. Je faisais référence à « W » mais oui, bien sûr...
A contrario, des balades comme Champagne font écho à ces morceaux rythmés et développent des thèmes plus légers...
G : Ouais, c'est plus terre à terre... C'est notre vie à nous au quotidien Champagne, c'est plus proche de nous...
F : Mais ce n'est pas si terre à terre et si léger que ça. Quel message tu as quand tu écoutes cette chanson ?
Non, mais j'entends par rapport au message politique...
F : D'accord, mais celui qui a 25 ans et qui va écouter Champagne, il s'en bat les couilles. Celui qui en a 40, il va faire : « ah ! Putain » (Fred se prend la tête, rires).
G : Oui, oui, le temps qui passe...
F : « Je lève mon verre au nouvelles rides qu'on laisse s'incruster » (paroles de Champagne).
M : Pendant l'enregistrement de l'album, au début, ça allait (rires). Et au bout de quelques semaines, je me lève et je me vois tout fripé mais du matin donc ça va. Et il y en a une qui est resté et je descends pour prendre le petit dej' vers « quatre heures » (rires) et Fred me fait : « et il a essayé de s'incruster » (rires). Il y en a une qui a réussit à s'incruster donc il ne m'a pas loupé
F : « Charpé boy »... Mais voila, une chanson comme Champagne, je comprends que tu puisses l'interpréter comme une chanson légère.
Je voulais dire "plus" légère... (rires)
F : "Plus" légère, c'est vrai que tu as fait un comparatif... Mais pour certaines personnes, elle va les toucher beaucoup plus violemment.
Donc chacun l'interprète à sa façon... Question toute bête, le morceau caché reprend Champagne en version instrumentale, pourquoi ?
G : A la base, Champagne est une chanson assez courte et lorsqu'on l'a enregistré, on était en forme et on a eu envie que ça continue donc la version enregistrée dure 6 minutes avec un trou et une reprise. Alors plutôt que d'avoir cette immense chanson de 6 minutes au milieu de l'album, comme on avait fait une vraie fin avant de la reprendre et la redémarrer, on a préféré couper en plein milieu et mettre la fin de Champagne à la fin de l'album
M : Et c'est un morceau qu'on a enregistré « live » donc cette deuxième partie n'était pas du tout prévue.
G : C'est du buff.
M : C'est le premier truc qu'on a enregistré en arrivant en studio.
F : Impro totale. Et on s'est dit qu'on allait laissé comme ça parce qu'il se passe quelque chose, ça raconte, ça parle et Daniel Presley est arrive et il a dit :
« Ah mais si, ne touchez à rien !
_ On joue un peu comme des patates... c'est le premier morceau
_ Non, non, non (rires) »
Et on s'est dit que c'était bien parti...
K : Pourquoi avoir intitulé votre album De jour comme de nuit ?
G : On a commencé à composer au Costa Rica via l'alliance française. A cinq heures de l'après-midi, il pleuvait à torrent.
F : Oui et parce qu'aussi on se réveillait la nuit et on avait une idée, je me souviens qu'avec Franck, un soir, on se dit : « les mecs, au lieu de se réveiller la nuit, on décroche nos téléphones ». Comme ça, personne pour nous réveiller le matin et on passe de bonnes nuits, on récupère un petit peu de la teuf. Et moi j'oublie d'éteindre mon téléphone et Franck m'appelle à 4h et me dit : « tu dors ? » (rires). En fait, c'était même l'idée qu'il faut avoir les oreilles ouvertes tout le temps car lorsqu'une idée surgit, peu importe le jour, la nuit, l'heure, l'idée arrive et il faut pouvoir la capturer et la mettre sur un bloc, un support numérique et peut-être que a deviendra une chanson. Et cette nuit là, c'est devenu une chanson.
G : De jour comme de nuit d'ailleurs (rires).
La pochette de De jour comme de nuit est beaucoup plus sobre que celle de Strange ou celle de votre premier album, comment l'expliquez-vous ?
F : Les têtes de chiens... Oui (dubitatif). C'était marquant (rires). C'est un bon souvenir. On a fait un petit peu dans la zoologie avec nos albums : le premier c'est un homme déguisé en poulet, le deuxième pourrait ressembler à un chimpanzé mais rien à voir et le troisième les têtes de chiens. On s'est dit qu'on allait arrêter les animaux et on voulait quelque chose qui corresponde à l'ambiance de l'album, qui fasse affiche de film.
M : Quand on a enregistré l'album, quand on l'a mixé, il y a eu l'idée de faire un truc qui soit un peu... classique, c'est-à-dire que tu peux réécouter dans cinq ans, dans dix ans, sans trop s'inscrire dans une période ou une époque et du coup la pochette est venue avec.
G : On avait déjà pensé à avoir un effet cinémascope sur la photo, ces deux bandes avec ce paysage un peu désertique et on voulait être dessus aussi.
F : On voulait apparaître dessus car peut-être à l'époque des chiens, on avait des têtes de cons.
Ah non, je n'ai pas voulu dire ça en tout cas (rires). Ah... Question qui nous intéresse puisque site Internet oblige... Votre site Internet est très intuitif, complet et simple d'utilisation. Vous rendre accessible le plus possible aux fans, c'était une volonté d'être plus proche, de vouloir communiquer ?
F : Oui, être en interaction. Sur la route, je sais qu'on va pouvoir envoyer sur le site des infos, des photos, un petit morceau de musique, un petit message audio, une petite vidéo de n'importe où, à n'importe quel moment et comme aujourd'hui la technologie permet de le faire, c'est une façon pour nous de dire : « regardez, on est là dans notre chambre, notre loge ». Et même se donner rendez-vous par chat une fois par semaine et de se rapprocher un peu plus...
Donc il sera régulièrement mis à jour...
F : Oui, beaucoup plus qu'avant. On a un vrai beau site, on en est fier, la boîte Ideal Site a super bien bossé...
G : C'est un peu toute la question d'un site Internet, c'est de se rendre plus accessible, pas de compliquer les accès afin que tout le monde puisse prendre contact et éventuellement laisser un petit message.
Au niveau de la composition, j'avais bien aimé votre collaboration avec Jean Fauque et j'étais étonné de ne pas en trouver une deuxième car elle avait bien marché sur l'ancien...
F : Prière. Pourtant, on s'est croisé, on est potes maintenant... On voulait le faire entre nous l'album. On s'est posé la question pour voir si on le fait avec des featuring, tout ça...
G : On avait aussi un contact avec Bénabar qui nous avait dit qu'il aimerait bien faire un peu de piano sur notre album mais Fred avait déjà fait les morceaux, les textes... On n'avait pas la nécessité d'appeler quelqu'un d'autre.
F : Composer pour faire en sorte que Bénabar ait une partie de piano, on ne l'a pas fait...
M : Ca s'est passé naturellement, faut pas se forcer...
G : C'est toute une organisation. On a enregistré à plein d'endroits différentes : en Angleterre, dans un bled qui s'appelle Bourré dans un studio troglodyte puis une partie à Marseille, il faut aussi que ça corresponde aux disponibilités des gens. On n'était pas du tout branché...
F : People ! (rires)
G : On n'était pas du tout organisés comme ça, on était complètement enfermés...
F : Non, pas people mais on est resté un peu en vase clos. Naturellement, on est resté dans nos coins car on a été un peu partout pour composer. Mais c'était personne... personne, comme ça pendant un an et demi.
G : Et puis on s'est dit, faudra que ça collabore et tout ça mais voila l'album il était fini.
M : Il y a quand même eu une participation c'est Réa pour le texte de Croiser le fer et une fille qui fait le souffle mais chacun a rempli des postes multiples : par exemple Greg pour les choeurs et a même écrit des chansons, ce qui est rare pour un batteur.
F : Un batteur c'est con normalement (rires).
M : On a essayé de se démultiplier un peu pour que ce soit encore plus soudé.
G : On avait besoin aussi de se retrouver entre nous à un moment où « nous », ça ne veut plus dire grand-chose et c'était utile de s'enfermer.
F : Créer un noyau dur car il y a eu des changements.
Et justement ces changements... CDD ? CDI ? (rires)
F : Non, non, CDI.
G : Quoiqu'il arrive la musique c'est du CDI, le prochain album on n'est pas sûr de le faire.
M : Moi, j'ai fini ma période d'essai donc je suis super content.
G : Non, une période d'essai c'est deux ans, c'est le gouvernement qui a dit ça aujourd'hui (rires).
F : Pour qu'il n'y ait pas de période d'essai et que ça dure le plus longtemps possible, on va faire passer le message que les gens achètent le disque car c'est le meilleur album d'Astonvilla. Moi j'ai jamais été aussi fier d'un album comme celui-ci, sincèrement. Je trouve qu'on a très bien travaillé pour continuer à faire d'autres disques. Comme en ce moment c'est un peu dur dans l'industrie du disque, on a besoin de soutien.
G : Mais l'ensemble des artistes, pas que Astonvilla...
F : Ouais mais les autres, je m'en fous (rires).
G : L'ensemble du piratage est néfaste surtout pour les petits groupes et pas pour les maisons de disque en fin de compte qui ont déjà engrangé suffisamment de pognon donc tous les "djeunz" qui veulent combattre les maisons de disque, entre guillemets, ils se plantent complètement car ce sont tous les petits groupes qui prennent les premiers. Pas Astonvilla ou Dionysos...
F : Et encore, nous, on ne vend pas beaucoup. On a l'impression qu'Astonvilla vend des milliers de disques. Tu veux que je te donne les chiffres ? Tu imagines qu'on est riches, milliardaires... Le live acoustique, on en a vendu 65.000 et c'est notre meilleure vente d'album.
Ca va, ça permet de vivre.
F : Oui, ça va. On n'a jamais fait de disque d'or, on n'a jamais vendu 200.000 albums. On ne dirait pas car avec les victoires de la musique, on allait vendre mais non. Et Strange a fait 40.000 albums. Mais je suis content de le dire, j'assume complètement.
G : Ca ne nous empêche pas de remplir les salles...
F : Mais qu'on ne méprenne pas, il n'y a pas de misérabilisme là-dedans, au contraire mais j'ai envie de le dire pour que les gens prennent conscience. Ne piratez pas trop. C'est aussi une industrie qui vient de licencier 50% de ses effectifs.
M : De la même façon, tu ne peux pas aller contre l'avancée technologique, l'ouverture que ça amène, le fait que ta musique soit découverte pas plus de monde encore.
G : C'est juste pour une espèce de prise de conscience de la part des gens. Ce qu'ils achètent quand ils achètent un disque, ce n'est pas seulement une boîte et un CD...
(Le représentant de chez Naïve rentre pour nous presser de finir)
G : On me coupe la parole en plein développement ! (rires)
Lui : C'est pas important, c'est Greg qui parle ! (rires)
G : Ce qu'ils achètent c'est un an, deux ans de boulot qui est sur le CD pour le faire. Et pendant ces un an, deux ans, il faut vivre, payer le loyer, bouffer...
M : Payer de bons studios et de bons ingénieurs du son pour faire un bon disque Pour faire un bon disque, il faut dépenser de l'argent.
Des projets dans un avenir proche ? Nouveau, bientôt engagé, un nouvel album...
G : Il y a déjà la tournée qui arrive. Il y a une vingtaine de dates qui sont annoncées.
F : Julien, tu déconnes là (rires). On ne peut pas encore penser au prochain album.
Des collaborations ? Des duos ?
M : Si tu fais un duo pour que ça t'aide, t'es mal barré...
Mais il y en a qui le font...
G : Nous allons déjà faire une tournée pour nous aider (rires).
Un DVD live peut-être ?
F : Ca c'est sûr. Bravo, ça c'est vrai, c'est sur la liste des priorités et aussi des concerts de par le monde : en Europe de l'Est, au Canada, au Japon, Vietnam, Malaisie, Thaïlande, Liban... Merci la musique de nous faire voyager comme ça.
C'est quoi votre meilleur souvenir sur scène ?
G : Le Triptyque !
F : Non, le dernier concert qu'on a fait au Zèbre.
G : Une petite salle en concert privé parce que celui de la veille s'était super mal passé et celui-ci s'est super bien passé (rires).
F : Il y avait l'émotion de jouer le nouvel album et il s'est passé quelque chose de magique.
G : C'était une salle très sympa.
F : Le groupe aussi était très sympa (rires).
Je remercie les membres du groupe, Jean-Charles Dufeu pour l'organisation du rendez-vous et son intervention éclair, ainsi que Julie, assistante débutante et accessoirement poseuse de bonnes questions.