8.5/10Amos (Tori) - Under The Pink

/ Critique - écrit par Danorah, le 11/08/2005
Notre verdict : 8.5/10 - "Too many stars and not enough sky" (Fiche technique)

Un album éminemment cohérent, aux atmosphères en demi-teinte, calmes en apparences mais pénétrées d'embardées émotionnelles aussi fugitives qu'indélébiles.

Second album de Tori Amos, Under The Pink s'inscrit dans la continuité de Little Earthquakes. Si l'artiste ne change pas les ingrédients de base de sa musique, elle parvient à lui insuffler ce petit plus qui la fera paraître plus mûre et aboutie que dans le précédent album. Plus homogène et musicalement plus engagé que son prédécesseur, Under The Pink constitue indubitablement l'un des meilleurs albums de Tori Amos.

De fait, l'album s'ouvre sur Pretty Good Year, titre en apparence dans la veine d'un Silent All These Years ou de Winter, avec son piano mélancolique et sa douce mélodie, et pourtant l'artifice ne tient pas longtemps : soudain les cordes font irruption, suivies de près par des percussions et... une guitare électrique ! Apparition certes furtive (quelques secondes à peine), mais qui se renouvellera fréquemment par la suite. Voilà le premier élément qui distingue Under The Pink de Little Earthquakes : alors que ce dernier misait sur le minimalisme des instrumentations, Under The Pink s'étoffe, permets aux cordes et aux guitares de prendre de l'ampleur, tout en laissant le piano conserver sa place prépondérante. Non seulement les instruments « traditionnels » sont de la partie, mais on découvre çà et là des bruits non identifiés (comme par exemple au début de l'étrange God), qui provoquent presque un sentiment de malaise, vite dissipé par les accords rassurants de l'omniprésent piano. On citera parmi les chansons les plus fournies instrumentalement le romantique Past The Mission, chanté en duo avec Trent Reznor (chanteur de Nine Inch Nails), et son magnifique refrain aux paroles sans queue ni tête, le menaçant et tourmenté The Waitress, traversé de fulgurances mélodico-émotionnelles, ou encore le très abordable et entêtant Cornflake Girl, qui représente sans doute le morceau le plus inspiré de l'album.

Tori Amos ne délaisse cependant pas ses chansons piano/voix, et nous offre dans Under The Pink quelques unes de ses plus belles compositions, parfois agrémentées de quelques cordes éparses : Baker Baker, avec ses paroles mélancoliques, est d'une beauté propre à tirer des larmes d'un bloc de granit ; The Wrong Band, au tempo un peu plus enlevé, se fait mélodiquement très agréable ; quant à Icicle et Cloud On My Tongue, ces deux titres représentent le sommet de l'album. Icicle repose sur un ostinato absolument imparable longuement exposé en intro, et Cloud On My Tongue vous prend aux tripes dès les premières secondes grâce à un chant plus habité que jamais. N'oublions pas non plus l'excellent Bells For Her et son chant accompagné par un clavier aux étranges sonorités de carillon... Autant dire qu'avec une telle richesse musicale, l'évidente inintelligibilité des paroles est aisément reléguée au second plan.

Under The Pink constitue un ensemble éminemment cohérent, aux atmosphères en demi-teinte, calmes en apparences mais pénétrées d'embardées émotionnelles aussi fugitives qu'indélébiles. D'un bout à l'autre de l'album, Tori Amos tient sont auditeur en haleine, et celui-ci se surprend à se placer à l'affût de ces étincelles de rage contenues dans un écrin de douceur et de sensualité. C'est à cet exercice plus qu'à tout autre que Tori excelle dans cet album, pour le plus grand bonheur de nos oreilles. Et à l'issue des neuf longues minutes de Yes, Anastasia, on serait bien capable d'en demander encore...


Tori Amos - Under The Pink
01. Pretty Good Year
02. God
03. Bells For Her
04. Past The Mission
05. Baker Baker
06. The Wrong Band
07. The Waitress
08. Cornflake Girl
09. Icicle
10. Cloud On My Tongue
11. Space Dog
12. Yes, Anastasia