TTC - Interview
Musique / Interview - écrit par Toma, le 06/02/2005Tags : album groupe musique hip teki disque rap
Le rendez-vous est fixé à 18 h à la coopérative de mai à Clermont-Ferrand. Petite attente derrière la porte d'entrée "artiste". Interphone, interphone, toujours personne... "C'est pour quoi ? L'interview de TTC... C'est pas prévu... Ah bon mais si j'ai...". Bref l'interview soigneusement programmée à 18h n'a pas été vraiment programmée. On me propose de revenir 1h plus tard pour "voir ce qu'on pourra faire". Après avoir siroté une petite bière dans un bar miteux, je me retrouve pour la deuxième fois derrière cette petite porte à sonner au même interphone. "C'est pour quoi ?... L'interview... On t'a pas déjà fait rentrer ?... Si mais on m'a dit que... Allez c'est bon rentre. Bon, Teki est fatigué donc tu fais vite". Merci monsieur, je ferai vite.
Teki Latex m'accorde finalement un bon petit moment d'entrevue 2h avant le concert.
Krinein : Bonjour Teki Latex. Pour commencer est-ce que vous pouvez présenter brièvement le groupe TTC ?
Teki Latex : Ouais ben en fait Tido et moi Teki Latex, nous nous sommes rencontré en 95, 96 et on s'est mis à rapper ensemble, on découvrait un peu la musique. Puis on a fait des trucs à droite à gauche, c'était la première fois qu'on avait un groupe sérieux. Et puis plus tard on a été rejoint par Cuizinier, qui est mon cousin et qui s'est mis à rapper quand on prenait les choses plus au sérieux. A partir de là, au fil des rencontres, on a été amené à sortir un maxi autoproduit en 99. Ça nous a amené à signer avec un label qui s'appelle Big Dada sur lequel on a sorti une série de maxis puis notre premier album. Je connaissais déjà DJ Orgasmic depuis un très long moment, c'était déjà un bon ami, donc quand on a eu besoin d'un Dj sur scène, il nous a rejoint naturellement. Donc aujourd'hui le groupe c'est les trois rappers de TTC, Tido, Cuizinier et Teki Latex, Dj Orgasmic le Toxicologue aux platines et puis aussi les 2 compositeurs Para one et Tacteel.
Alors comment se passe la création d'un nouveau titre avec autant de personnes ?
Tous ensemble, c'est un échange perpétuel entre les compositeurs et les rappers. C'est-à-dire que le compositeur amène un squelette de sons sur lequel on va poser des voix plus ou moins témoins. Autour de ces voix le beat va être étoffé, le son va être construit autour de ces voix là. On va rajouter ou enlever des choses par rapport à ce qu'est devenu le son entre temps. Et c'est comme ça que se passe le truc, c'est comme du ping-pong, on se repasse la balle à chaque fois. On rajoute des couches et on en enlève et puis au moment où ça a un sens, on s'arrête. Voilà comment se construit un morceau de TTC « en général ».
Petit à petit vous avez apporté un peu plus d'electro dans votre rap. Ça c'est fait comment, au fil des rencontres ou est-ce que c'était une volonté dès le départ de s'écarter du rap traditionnel ?
De toutes façons on est avant tout une bande de potes qui écoutons la musique ensemble, qui se faisons écouter des choses mutuellement donc y'en à pas un qui a vraiment découvert un truc avant l'autre tu vois. On écoute tous énormément de musique, pas mal d'electro et pas mal de rap. On aime beaucoup sortir aussi et donc du coup on avait envie, surtout sur le deuxième album, de faire une musique qui soit à la fois technologiquement imparable, intéressante et efficace dans un club. Si tu veux on est le groupe qui a envie d'être chroniqué à la fois dans The Wire, Trax, Radikal et aussi dans Muteen, tu vois ce que je veux dire. On a envie de réunir un peu tout le monde tu vois. Et de forcer les gens du rap à aller vers l'électronique et de forcer les gens de l'électronique à aller vers le rap. On a envie de secouer les choses. Et ça c'est fait parce qu'on est des gens curieux, qu'on écoute toutes sortes de musiques, et que pour nous ça n'avait aucun sens de les séparer. Pour nous, que tu prennes Britney Spears ou Snoop Dog, c'est la même chose.
Mais il y a toujours ce mot d'ordre qui est de faire danser les gens...
Ouais surtout sur le dernier album, et de plus en plus en tous cas. On a envie de faire de la bonne musique de club qui n'ait pas été déjà entendue mille fois avant et qui soit intéressante, qui provoque quelque chose.
Et le public qui vient à vos concerts quel est-il ? Quel type de public va venir ce soir à votre concert ? Un public Rap, un public electro ?
J'en sais rien, c'est un petit peu de tout, c'est des gens qui aiment la musique ! Et puis ça dépend des villes aussi. Il y a des villes où c'est plutôt rap, d'autres où c'est plutôt electro, y'a des villes où c'est des rencontres d'un peu de tout. Vu les concerts qu'il y a eu avant nous, je pense que ce soir, ce sera des gens qui connaissent la musique, j'espère en tous cas. C'est pas un très grande salle (Petite Coopérative de Mai NDLR), alors ce serait bien qu'elle soit remplie de gens qui sachent de quoi on parle. En même temps c'est bien aussi d'avoir plein de petites filles qui nous ont découvert dans Muteen qui soient au premier rang.
Je passe un peu du coq à l'âne mais j'aurais...
Comme une partouze à la ferme. Je cite un ami à moi, c'est Fuzati.
J'aurais voulu connaître la signification du titre de votre album : Bâtards sensibles ?
Le titre Bâtards sensibles c'est parce que c'est la vie, parce que c'est la base de la séduction, cet espèce de jeu permanent que tu retrouves dans les relations entre les êtres humains, que ce soit au bureau ou dans les relations amoureuses, ou entre l'artiste et son public. C'est toujours de la séduction. C'est toujours feindre d'ignorer pour mieux revenir et pour pouvoir mieux accueillir. Je sais pas c'est comme quand tu veux qu'une fille s'intéresse à toi ben tu ne la rappelles pas, tu la laisses venir ! C'est ça Bâtards sensibles.
Quand on écoute des titres comme Girlfriend, Dans le club, Sang sur le dance floor, c'est quand même plus bâtard que sensible !
Ouais y'a des titres bâtards, y'a des titres sensibles, y'a des titres bâtards sensibles.
Vous n'avez pas de complexe à écrire des textes aussi crus, voire vulgaires ?
Non, c'est pas vulgaire.
C'est du second degré peut être ?
Non c'est pas du second degré, c'est un autre monde, c'est juste du rap quoi, c'est une façon de dire les choses qui est intrinsèque à une musique, à un univers fantaisiste. C'est du rap, c'est pas la vraie vie. C'est pas ironique non plus, c'est une partie de nous aussi, on aime bien baiser aussi tu vois.
Oui mais pour un public comme les petites qui lisent Muteen vous n'avez pas peur que ça choque ?
Elles adorent ça. Elles comprennent que c'est pour rire, les gamines elles savent ce que c'est que le sexe. Tu lis les magazines pour ado ça parle que de ça. Je suis loin de dire que toutes nos petites soeurs sont en train de devenir des salopes mais on ne va pas leur parler des abeilles et des bourdons. Ça sert à rien. Elles savent ce que c'est que baiser. Quand elles entendent Girlfriend ça les fait rigoler, ça les fait rougir, ça les rend un peu timides mais après elles se lâchent et c'est les premières à monter sur scène et c'est très bien. Si on peut enfin dire les choses qu'on pense tous secrètement, si on peut enfin les crier fort en dansant c'est peut être libérateur. C'est mieux que de se sentir seul. C'est pro sexe Girlfriend, c'est pas du tout un morceau misogyne.
Je sais pas, on peut quand même être un peu choqué d'un premier abord....
Si t'es choqué, je sais pas, il faut que tu sortes, que tu vois ce qu'est la vraie vie ! La vie c'est comme ça, les gens baisent et c'est bien comme ça et c'est pas moche, c'est pas vulgaire. Une chatte, baise, j'aime baiser, la sodomie, ce sont des mots qui existent dans le dictionnaire, pourquoi on les utiliserait pas. Y'a aussi une poésie là dedans !
Tido nous rejoint dans la pièce.
Vous participez également à d'autres projets comme l'Armée des 12 ou l'Atelier. Pour vous c'est quoi : l'occasion de faire quelque chose de totalement différent, ou juste se retrouver entre potes...
Ben y a de ça. C'est un laboratoire pour chacun. Ça permet de faire des choses qu'on peut pas se permettre de faire dans nos groupes respectifs. C'est même pas qu'on ne peut pas se permettre de les faire mais on teste pour après les approfondir dans nos groupes respectifs. On essaye des trucs que d'autres membres font et que nous on ne fait pas encore. On se frotte à d'autres personnalités, à d'autres rappers et ça fait avancer les choses. C'est plus ludique. Parce que dans TTC c'est quand même plus sérieux au sens où on prend notre musique et le processus de création très au sérieux. L'Atelier c'est plus ambiance décontracte, sans contrainte de temps... L'armée des 12 c'était encore un autre délire parce que c'était du studio tous les jours avec un emploi du temps mais bon y'a tellement plein de rappers que c'est quand même à la cool.
Dernière question, un peu récurrente mais toujours d'actualité : Le téléchargement ! Pour vous qui n'êtes pas très présents sur les grandes radios, c'est un outil de travail, un grand moyen de diffusion ou est-ce que ça reste toujours un manque à gagner ?
Ben moi le téléchargement ça me gêne pas tant que les gens ne téléchargent pas des albums avant qu'ils ne sortent. Ça c'est un peu chiant. On avait fait attention qu'il n'y ait pas de fuites avant que ça sorte tu vois...
Tido : Moi je vois pas trop ça comme un manque à gagner, mais les mecs qui téléchargent sans jamais faire la démarche d'aller voir l'objet, à savoir l'album avec la cover et tout ça alors qu'il y a des gars qui ont bossé dessus, je trouve que c'est plus un non-respect.
TL : Oui surtout quand l'objet est bien, qu'on s'est fait chier à faire un truc bien, avec une déco...
Tido : Ouais après c'est vrai que quand ton truc est pas super distribué....
TL : Le débat à deux francs...
Tido : Ouais j'en sais rien si je suis pour...
Non mais pas forcément être pour ou contre, mais je pensais plus que pour un groupe comme vous, sans grande diffusion radio, ça pouvait être finalement plus un avantage !
TL : Non parce que quand tu vois plein de gens qui viennent à ton concert et qui ont téléchargé ton album, t'as envie de leur mettre deux claques et de leur dire d'aller acheter le disque. Quand t'aime un artiste t'achète le disque c'est tout.
Oui mais ceux là font déjà la démarche de venir à vos concerts, c'est pas rien !
TL : C'est de la connerie ça, c'est de la merde ! Achète le disque si tu veux vraiment aider quelqu'un. Tu viens au concert mais va acheter le disque aussi !
Tido : Parce que c'est un moyen de dire aussi à notre maison de disque : ils vendent pas de disque vous n'avez qu'à les virer ! S'ils veulent qu'on continue...
TL : Non mais voilà quoi, si t'aimes vraiment un artiste... Sinon c'est que tu ne l'aimes pas tant que ça ! Y'a plein de gens que j'aime pas tant que ça ben j'achète pas leurs albums. Je télécharge rarement des albums entiers mais des titres. Et si j'aime vraiment quelqu'un ben j'achète son album si j'ai envie de l'aider.
Après de toutes façons ça sert à rien d'en parler parce que tu n'arrêteras jamais les gens de télécharger. Si les gens sont contents... Mais moi ce qui me fait chier c'est quand les gens téléchargent des trucs avant même qu'ils ne sortent : ça c'est vraiment problématique.
Et puis l'autre truc qui est chiant également c'est quand tu te retrouves à faire des radios, des mixtapes, des couplets, des petits trucs où t'en à rien à branler. Soit t'en à rien à branler soit ok c'est cool mais c'est des trucs spontanés, des trucs que t'auras oublié le lendemain, des trucs que t'as fait mais c'était dans le feu de l'action, et c'est pas fait pour être considéré comme un album, comme un morceau d'album. Et il va être diffusé comme si c'était un morceau d'album.
Et je vais pousser le vice encore plus loin, tu as des mecs qui ont mis des morceaux du Klub des loosers sous le nom de TTC, genre « ouais c'était dans l'atelier c'est la même chose », tu vois ce que je veux dire. Pis au concert j'ai des gens qui viennent me dire « ouais c'est mortel, j'adore votre morceau Baise les gens. C'est mortel TTC, je suis fou de TTC, je suis fan de TTC ». Au mec, j'ai envie de lui dire « mais retourne d'où tu viens, m'adresse pas la parole, tu sais pas le temps que je passe à faire cette connerie qu'est la musique, tu sais pas l'énergie que je dépense pour faire ça ! »
Tido : Des fois on te demande tu peux pas jouer tel morceau, le mec te décrit le truc, et en fait c'est quelque chose que t'as fait comme ça y'a 5 ans...
TL : Le mec ne peut l'avoir eu que sur le net ! Si tu aimes un groupe au point d'aller voir le chanteur à la fin du concert et lui dire « j'adore ce que tu fais »... mais non t'adores pas ce que je fais parce que si t'adorais ce que je fais tu saurais que Baise les gens c'est du Klub des loosers, tu saurais que j'ai fait 2 albums et tu les aurais achetés... Donc tu m'aimes pas tant que ça alors arrête de mentir et laisse plutôt venir ceux qui m'aiment vraiment, tu vois ce que je veux dire !
Je comprends, je comprends. On va arrêter là puisqu'il faut se dépêcher. Bonne continuation à vous et encore merci pour l'interview. A ce soir pour le concert.
Tido & TL : Merci à toi.