8.5/10Thy Catafalque - Rengeteg

/ Critique - écrit par Draly, le 23/02/2012
Notre verdict : 8.5/10 - Original et classieux (Fiche technique)

Tags : thy catafalque album metal chant eso tamas

Si j’associe Hongrie et Metal, soit vous me faites gentiment remarquer qu’il n’est pas décemment possible de cumuler à ce point les tares, soit vous exultez, serrant le poing, à mesure qu’un nom se grave en lettres de feu dans votre esprit : Sear Bliss (et vous auriez raison !). Mais aujourd’hui je préfère clamer fièrement celui de Thy Catafalque car ce dernier nous a dernièrement gratifié d’un très, très bel album.

Alors Thy Catafalque quoi qu’est-ce ? Et bien c’est un groupe de Metal atypique (que d’aucuns qualifieraient d’avant-gardiste) formé en 1998 par Tamás Kátai et János Juhász. Nos deux comparses évoluent alors dans un registre black metal assez poussif dont ils vont progressivement s’émanciper sans toutefois jamais le renier. Le groupe a ça de particulier qu’il n’a trouvé sa voie que très récemment. Au fil des albums, il a expérimenté, s’est cherché à la manière d’un adolescent un peu paumé, s’améliorant sans cesse… jusqu’à Roka Hasa Radio, l’album de la consécration. Album qui les a fait connaître et les a propulsé sur le devant de la scène (underground ?) comme leader d’un sous-sous-genre dont il est le seul réel représentant. Autant vous dire que Rengeteg (« vaste forêt ») était particulièrement attendu (ou tout du moins par moi).

Vaste forêt

Le « groupe », nouvellement projet solo de Tamás Kátai, reprend globalement
Promenons dans les Rengeteg
pour cet album la recette mise au point avec Roka Hasa Radio, c’est-à-dire un savant cocktail d’influences au service d’un travail colossal sur les ambiances (souvent plus importantes que la mélodie elle-même). Recette que le sieur s’efforce (encore une fois) d’affiner de façon à rendre le tout plus accessible sans pour autant en simplifier son œuvre.

On se trouve ici en présence d’une musique extrêmement riche qui parvient à éviter les boursouflures et garder une totale cohérence, ce malgré la juxtaposition d’éléments disparates. La force de Thy Catafalque est ici de maintenir un équilibre quasi parfait entre onirisme et réalité, entre ciel et terre, entre ombre et lumière… Tamás joue vraiment avec nos sentiments (et parfois avec nos nerfs) en proposant aussi bien une musique enivrante de par les accents folks de vocaux suaves qu’un black metal aux rythmiques dronisantes carrément oppressant. La construction des morceaux diffère de l’un à l’autre mais la progression est volontairement lente pour faire passer au mieux le ressenti de l’auteur : suite de breaks complexes ou répétitions de motifs alambiqués avec de légères variations portant une mélodie qui se lit sur plusieurs plans.

Méandres d'un esprit torturé

Passé la première pièce aux allures de mise en garde (on pourrait l’assimiler au
Méandres de cheveux surtout
panneau « danger » que l’on peut trouver à l’entrée de forêts particulièrement denses) avec son riff principal étonnamment lourd, il nous attire dans son monde grâce au miel de ses synthés aériens et nous entraine à travers les méandres de son esprit (torturé ?). On y trouve des morceaux électroniques calmes et introspectifs à l’ambiance renforcée par l’adjonction d’effets bruitistes, d’agréables chansons folks et rocks… et on finit vraiment par s’y attacher, à ces bois. Ce monde devient peu à peu le nôtre. Pourtant on ne peut s’empêcher de noter une, certes belle, mais profonde mélancolie qui parcourt cet album, et qui parfois éclate, se transforme en rage laissant apparaître les racines du groupe, comme pour nous rappeler à l’ordre. Il nous invite dans son univers, se confie à nous, on le contemple avec respect mais on ne touche pas !

Cet album peut se voir comme la rencontre entre deux solitudes : celle de l’auditeur et celle de l’auteur qui se met à nu devant lui (mais réagit dès qu’on tente de s’approprier son monde, d’abuser de lui… la dernière pièce est d’ailleurs très bien choisie car elle réveille par la violence de l’instru et le côté plaintif des vocaux, accentuant l’impression d’accomplissement). C’est en ça que l’on peut qualifier l’album de sombre mais certainement pas de froid, on nous sert là une œuvre expressive (plus que communicative) d’une rare beauté.

Qu’on soit réfractaire ou non au métal noir, tout auditeur en mal d’émotions fortes ou d’originalité se doit de sillonner au moins une fois les chemins tortueux des bois de Rengeteg. Il y trouvera une œuvre éminemment personnelle aussi profonde que touchante. Un excellent choix pour commencer l’aventure Thy Catafalque !

 

morceau « défense d’entrer » : Fekete Mezok

morceau « découverte » : Vashegyek

morceau « balade en forêt » : Ko Koppan

morceau « dégage de là » : Minden Test Fu

Thy Catafalque - Rengeteg

01. Fekete mezők
02. Kel keleti szél
03. Trilobita
04. Kő koppan
05. Vashegyek
06. Holdkomp
07. Kék ingem lobogó
08. Az eső, az eső, az eső
09. Tar gallyak végül
10. Minden test fű

En écoute, Fekete mezők.