Sunn O))) - Concert à l'Épicerie Moderne - 06/03/2019

/ Compte-rendu de concert - écrit par nazonfly, le 12/03/2019

Plus qu'un concert, la venue de Sunn O))) est une véritable expérience. La preuve avec leur présence à l'Épicerie Moderne.

S’il y a bien un groupe que je rêvais de voir sur scène depuis plusieurs années, c’est Sunn O))). Sunn O))) joue du drone metal, à savoir des guitares et des basses dont les notes bourdonnent (traduction littérale de drone) sur de longues plages sans rythme pour une véritable expérience musicale. Si l’on ajoute au tableau que les musiciens jouent très fort, au milieu de la fumée et habillés de capes à capuche, on comprend rapidement pourquoi il était essentiel que je parvienne un jour à les voir. Comme le hasard fait bien les choses, ils passaient ce mercredi 6 mars à l’Épicerie Moderne à Oullins.

Pour ouvrir cette soirée qui s’annonçait sous d’exceptionnels auspices, Golem Mécanique habitait la scène. La première partie de Sunn O))) ne pouvant décemment pas être classique, Golem Mécanique est le groupe d’une seule femme, toute de noir vêtue, les cheveux couleur ailes de corbeau, debout devant ce qui semble être une vielle à roue. Mais dès la première note, on comprend que la vielle a été quelque peu modifiée car c’est une longue note qui envahit la scène, une longue note qui ne semble jamais s’arrêter à moins qu’une autre longue note étirée à l’infini ne prenne sa place. De temps à autre, la musicienne chante d’étranges mélopées aux paroles incompréhensibles, à la limite de l’audible, dans une approche férocement gothique. Les mots manquent sans doute pour expliquer réellement ce qui se passe sur scène si ce n’est que c’est plutôt expérimental, novateur et, à vrai dire, franchement déstabilisant. Il se dégage cependant une atmosphère idéale pour se plonger dans cette soirée à des années-lumière d’une approche classique de la musique.


Golem Mécanique

Les boîtes à fumée fonctionnent à plein tandis qu’on attend Sunn O))), créant une ambiance étonnante sur la scène où trônent une vingtaine d’amplis. Et c’est dans cette atmosphère embrumée, illuminée en bleu et rouge, où l’on ne voit pas à un mètre, que débarque sans crier gare le groupe, vêtu comme il se doit de ses capes à capuche qui leur donnent un côté mystique. La guitare se met à bourdonner alors sévèrement et, il faut le dire, de façon extrêmement forte. Là encore, le petit chroniqueur devant son écran et son clavier aura bien de la peine à faire passer exactement ce qu’il se passe sur scène et dans ses tripes. En réalité, tout bourdonne, tout vibre. Les guitares et les basses vibrent. La scène vibre. Les tympans vibrent. Les vêtements vibrent. Les organes vibrent. La musique est tellement forte que ce n’est pas un simple concert auquel j’assiste mais à une véritable expérience, musicale certes mais surtout sensorielle, physique. Une expérience qui me fera dresser plusieurs fois les poils des bras (et des jambes!) dans une sorte de vénération pileuse au quintette de Seattle. Les fantômatiques présences sur scène semblent vouer leurs instruments à un dieu de la musique vers lequel ils pointent régulièrement les doigts et les instruments dans un geste éminemment religieux. Car, bien sûr, cette expérience est complètement mystique, digne peut-être, des transes chamaniques. Dans ce voyage extatique de près de deux heures, les seules aspérités notables sont la petite pause rituelle destinée au rappel (un rappel d’un morceau entier, soit une bonne vingtaine de minutes) et la présence étonnante d’un saxophone.


Sunn O)))

 

Après le concert et malgré les bouchons, les oreilles résonneront longtemps des sombres vibrations de Sunn O))) avant de laisser place à un effrayant coton ouateux étouffant un peu trop de sons. Sunn O))) (et Golem Mécanique) ont été, le temps d’une soirée, une expérience qui dépasse un peu tout ce que j’ai pu voir auparavant. En réalité, le terme même de dépasser est mensonger : c’est une expérience à part qui n’a finalement pas grand-chose à voir avec la musique ou le spectacle vivant.