La Ruda : Odéon 10-14, mieux que du ska
Musique / Critique - écrit par nazonfly, le 04/05/2011 (Tags : ruda salska reel album live pierre lebas
Attention, même pour quelqu'un qui n'apprécie pas le ska, cet album est écoutable.
Que l'on soit clair dès le début de chronique, si je n'avais pas reçu ce disque, je ne l'aurais sans doute jamais écouté. Non pas que La Ruda soit un groupe confidentiel, réservé à une poignée de fans. Au contraire puisque cela fait bientôt 20 ans que le groupe existe et leur premier album est sorti en 1996 ! Non, si l'album de La Ruda avait peu de chances d'atterrir dans nos oreilles, c'est surtout à cause du style revendiqué dans l'ancien nom du groupe (Ruda Salska). Le ska. La musique honnie. Celle que tous les groupes moyens utilisent pour remplir le quota « groupes festifs » des petits festivals. Le ska à côté duquel même Sheila fait de la bonne musique (bon ok faudrait quand même pas exagérer). Bref, le ska est autant dans mon univers qu'un Bienvenue chez les ch'tis au cinéma.
Évidemment, après une telle intro, vous avez déjà deviné la suite de cette chronique : j'ai été agréablement surpris par ce CD dont je n'attendais pas grand chose. Certes on retrouve les sempiternels cuivres, typiques du ska mais ils sont loin d'être envahissants et, au contraire, se marient très bien avec le reste des instruments, guitare, batterie et basse enfiévrées. C'est particulièrement le cas sur l'ouverture à 100 à l'heure : Cabaret voltage ne me laisse pas indifférent grâce à un rythme soutenu. Une mise en bouche sympathique pour un album qui va s'essouffler mais rester largement écoutable. La faute sans doute à une faculté quasi-surnaturelle d'écrire des mélodies qui marchent vraiment bien comme sur Baisers français, Un été en Angleterre, Souviens-toi 2012. En réalité, c'est plutôt chaque titre qu'il aurait fallu citer dans cette liste de mélodies incontournables, chacun avec sa propre personnalité : la triste et mélancolique L'homme aux ailes d'or et ses multiples jeux de mots sur le monde des traders et des businessmen, le titre éponyme étrangement froid et triste pour une histoire de rencontre retardée.
La Ruda sait ainsi aussi bien manier la nostalgie, réelle sur un 1982 qui égraine les madeleines de Proust (les larmes de Séville, les 103 SP, les Bérus), ou fantasmée sur Souviens-toi 2012 où l'amour nait sous le printemps naissant d'une France libérée des 5 ans du « Monsieur » (rassurez-vous, pas vraiment de déférence dans l'utilisation de ce terme par La Ruda). D'ailleurs La Ruda sait évidemment marier leur musique plutôt festive avec des thèmes durs : Baisers français et son refrain en french kiss usent d'une musique joyeuse pour parler non pas de l'amour à la française mais de prostitution. Les cuivres excités et la batterie sautillante de Le prix de la corde cachent la sombre réalité de l'extinction progressive de tous les droits : droit au travail, droit aux indemnités chômage, droit au logement, et finalement droit à la vie.
Certes, Odéon 10-14 n'est pas exempt de moments un peu plus douteux : Encore une fois dont le rythme lent n'accompagne pas aussi bien qu'il faudrait un texte intéressant, Titi « Rose au cœur » où cette fois c'est le thème du titre qui pêche par sa faiblesse. Mais il se laisse bien écouter, et même les passages les plus skas sont largement rattrapés par le reste. Après tout, on n'en demande parfois pas beaucoup plus.
La Ruda Salska – Odéon 10-14
01. Cabaret voltage
02. Baisers français
03. Souviens-toi 2012
04. L'homme aux ailes d'or
05. Un été en Angleterre
06. Odéon 10-14
07. Titi « rose au coeur »
08. Encore une fois
09. 1982
10. Johnny John Wayne
11. Le prix de la corde
12. Candide Charlotte