8/10Pontes (Dulce) - Best Of

/ Critique - écrit par Filipe, le 28/02/2005
Notre verdict : 8/10 - Best Of (Fiche technique)

Dulce Pontes, simple héritière d'Amália Rodrigues ?

Dulce Pontes aurait pu devenir une grande danseuse, si seulement on ne lui avait pas fait comprendre qu'à l'âge de quatorze ans, il lui était impossible d'entamer une telle carrière professionnelle.

Née en 1969 à Montijo (Portugal), Dulce Pontes remporte le concours national de l'Eurovision de 1991. Elle gagne son billet pour le Festival de l'Eurovision de la chanson et s'y illustre avec le titre Lusitana Paixão. Sur les scènes de théâtres et les plateaux de télévision, elle chante le fado, ce qui lui vaut d'être considérée comme l'héritière légitime de la légendaire Amália da Piedade Rodrigues, dont elle se dit être une fervente admiratrice. Mais Dulce Pontes ne réinterprète pas seulement le fado ; après s'être présentée sur la scène européenne de l'Eurovision, elle devient une artiste du monde, dont les rencontres enrichissent le répertoire et personnalisent le style. Longtemps, son coeur balance entre les chants « traditionnels » et les balades plus « contemporaines ». En 1992 et 1993, elle enregistre coup sur coup les albums Lusitana et Lágrimas. Ses tournées promotionnelles prévoient alors des passages en Espagne, en France, en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Italie, mais aussi aux Etats-Unis, au Brésil et au Japon. Les concerts sont les moments les plus heureux et les plus intenses de ma vie... J'ai la sensation d'avoir un don. J'ai une raison pour vivre ma vie, dit-elle un jour au sujet de sa nouvelle vie de star. Elle va même conquérir Hollywood avec son titre A Canção do Mar, que le réalisateur Gregory Hoblit souhaite à tout prix voir figurer sur la bande originale de son film Peur Primale. Plus tard, c'est ce même titre qui deviendra Elle, tu l'aimes dans la bouche de la française Hélène Ségara.

Les albums A Brisa do Coração, Caminhos et O Primeiro Canto sont respectivement mis en vente en 1995, 1996 et 2000, Ennio Morricone lui ayant fait don du titre A Brisa do Coração. O Primeiro Canto enregistre les participations du percussionniste indien Trilok Gurtu et du saxophoniste américain Wayne Shorter, qui fut longtemps comparé au célèbre John Coltrane. De plus en plus souvent, elle se charge de ses propres accompagnements au piano et compose même certains de ses titres. Et au-delà de ses quelques réalisations personnelles, Dulce Pontes se distingue aux côtés de nombreux artistes de talent, parmi lesquels José Carreras, Paulo de Carvalho, Andrea Bocelli, Cesária Évora, Caetano Veloso et Daniela Mercury. L'album Focus, qui voit le jour en 2004 sous la tutelle du groupe Universal, est le fruit de sa collaboration avec le compositeur italien Ennio Morricone. Dulce Pontes y interprète ses titres en trois langues. Pour l'heure, elle souhaite se rapprocher davantage du fado, la source de son inspiration, et qui est encore celle de bon nombre de ses concitoyens, pour l'enregistrement de son prochain album, prévu courant 2005.

Paru en 2003, son premier Best Of regroupe les plus grands succès de ses quatre premiers albums. Les trois titres qui en assurent l'ouverture, Cuidei que Tinha Morrido, Canção do Mar, Lágrima et Fado da Sina s'alignent en tout point avec ce qui se pratiquait autrefois à l'abri des « casas do fado », autrement dit les « maisons du fado ». Celui-ci consiste en un chant mélancolique, qui est généralement accompagné de deux guitares, dont une « guitarra portuguesa ». Ses origines resteront semble-t-il à jamais incertaines. Certains vous diront que le fado découle des invocations qu'entonnaient autrefois les marins portugais. D'autres évoqueront l'influence possible de chants brésiliens qui s'exportèrent à Lisbonne courant XVIIIe siècle : le « lundum » et la « modinha ». D'autres encore invoqueront quelque influence arabe ou judaïque... Qu'importe, à vrai dire.

Les instruments de Povo que Lavas no Rio sont plus nombreux et s'agitent davantage. En outre, le titre est truffé de références celtiques. La chaleur qui émane du folklorique Laurindinha est également en parfaite rupture avec ce qui le précède. La nostalgie des bals populaires, des danses régionales et de cet arc-en-ciel de couleurs qui les caractérisent tant, habite ce morceau. La richesse en instruments à cordes de O Infante et de Fado Português, le très calibré Lusitana Paixão et le très artificiel Se Voaras Mais ao Perto sont autant d'indices de l'ouverture d'esprit et de la capacité d'adaptation de leur interprète à d'autres registres sonores que celui auquel on l'associe généralement. Enfin, la qualité apparente de A Brisa do Coração est en grande partie due au talent de composition d'Ennio Morricone, qui a su allier la pureté du timbre de voix de sa chanteuse à un arrangement sonore d'une extrême profondeur.


Au fil des années, la notoriété de Dulce Pontes s'est donc étendue bien au-delà des frontières de son pays natal. A l'instar des illustres Amália Rodrigues, Lucília do Carmo ou bien encore Maria da Fé, elle est parvenue, au travers de ses chansons, à redémontrer que la musique était un langage universel. Pour se faire, elle ne s'est pas simplement inspirée de ses modèles mais elle a bel et bien su trouver de nouvelles formes d'interprétation, qui sont à la fois parvenues à convaincre les anciennes et les nouvelles générations. Au même titre que Teresa Salgueiro, la charmante égérie du groupe Madredeus, Dulce Pontes a su prolonger à sa manière l'existence d'un genre musical historique, qui n'existe nulle part ailleurs. Et ce Best Of est, en ce sens, une aubaine, qui vous donnera aussi bien accès à sa voix qu'à ses disques d'or.

01 - Cuidei que Tinha Morrido
02 - Canção do Mar
03 - Lágrima
04 - Povo que Lavas no Rio
05 - Laurindinha
06 - O Infante
07 - Fado Português
08 - Senhora do Almortão
09 - Brisa do Coração
10 - Lusitana Paixão
11 - Fado da Sina
12 - Se Voaras Mais ao Perto