Neurosis - Given to the Rising
Musique / Critique - écrit par Aenem', le 31/12/2007 (Tags : neurosis album rising given groupe chronique post
20 ans. 9 albums. Une influence plus que notable sur la vague de tous ces groupes en post hardcore, ce metal lent, lourd et massif capable de déplacer des montagnes avec des riffs qui vous font patienter pendant de longues minutes avant de s'exploser en tonalités bruitistes à souhait.
Un abandon progressif et rapide d'un hardcore primaire à la haine hurlée vers une colère des deux premiers disques pour une musique à la haine sourde, explosant dans des gerbes de colères brutales qui vous plaquent au sol.
Et cette obsession s'est toujours marquée par l'épuration de plus en plus marquée de leur musique jusqu'à en retenir que la substance la plus essentielle qui soit, celle qui vous fait vibrer, celle qui nous interroge, celle qui désire être continuellement en avance sur son temps.
Et depuis Souls At Zero en 1992 jamais la qualité de ce groupe n'a failli.
De Enemy of the Sun et l'extrême malaise qu'on ressent à son écoute, Trough Silver of Blood et sa violence rampante, du rèche et difficile Times of Grace au A Sun That Never Sets et de son gouffre qui semble sans fin jusqu'à arriver à leur dernier disque, The Eye of Every Storm dont les critiques élogieuses étant à la mesure de sa qualité, gigantesque.
Neurosis aidé de Steve Albini, producteur entre autres d'un certain In Utero de Nirvana et de ce son cru, reviennent en 2007 avec une nouvelle oeuvre à nouveau crépusculaire et précisant, si besoin était, les contours du métal des années à venir.
Given To The Rising le titre éponyme, débute directement dans le vif du sujet: guitares acérées, saignantes, remplissant l'espace et dégageant une odeur de souffre. Les guitares frappent de manière la plus lourde possible, la batterie cogne à s'en faire saigner les baguettes, entrecoupé de parties aériennes et d'ambiances aériennes sombres au possible... On se sent tour à tour accablé, oppressé, tétanisé par une telle déferlante dès le départ. Et ces spirales, ces montagnes russes, c'est du pur Neurosis sans en être, les éléments ayant toujours un sens particulier dans l'agencement des morceaux et ne se dévoilant qu'après un nombre assez conséquent d'écoutes.
Et ce schéma d'attente, gros riffs lourds explosant dans une rage démente, se retrouve sur la première partie de l'album dans des titres comme Fear and Sickness, rugueux, âpre, épaulé de guitares se projetant dans des abysses de noirceur où se nichent de tribales et abrasives montées qui n'attendent que de se tordre dans des déflagrations de blocs tombant littéralement du ciel assombri de cette pesanteur musicale. Le même procédé est également appliqué pour un titre comme To The Wind, avec ses accélérations et ce vent coupant et froid, à la rythmique imposante.
Mais Neurosis ne fait pas qu'étouffer l'auditeur dans ce marasme de sons lourds, sachant pertinemment que des interludes bien placés comme Shadow et Nine, simples morceaux courts libérant un peu d'espace son, et permettant de relâcher quelque peu la pression accumulée par ces montages de riffs gras et lourds. Simples morceaux parlés, à s'écouter les yeux fermés, ils collent parfaitement à l'ambiance oppressante et noire de l'album tout en faisant le pont sur la deuxième partie de l'album.
Deuxième partie, qui se poursuit d'ailleurs avec un titre énorme comme Hidden Faces, métronome à retardement, monstre de guitares saturées et qui traîne sa carcasse dans un marécage de sons difformes occupant la structure du titre, amène une base de titres à la cadence plus lente, mais agissant encore plus sur le remous des tripes, une lente et indigeste nature humaine.
Water is Not Enough, jeté en pâture comme single, parait classique: voix écorchée vive, rythmique martiale, spectres de guitares mourant comme lancées d'un ravin et s'explosant en contrebas. A ce niveau là, les hauteurs prises par les morceaux sont faits de tensions permanentes, de volcans en colère, de tornades, de maelstroms qui s'étaleront jusqu'à la fin pour aboutir sur Origin, sans doute le meilleur moment de l'album :
12 minutes à passer à travers les errances de sables noirs, d'une éclipse qui n'a pas disparu, dans une ambiance mi orientale au parfum de déchéance finale.
A sun that never sets
Une fois de plus, cet album est une expérience totale, brutale et unique dans son genre que Neurosis offre à tout un chacun s'il le souhaite. Certains n'y ressentiront rien là dedans, trop brutal, trop mou, trop long, trop sombre, trop différent, nécessitant trop d'efforts, et ce n'est que de manière totalement privilégiée dans un contact à sens unique avec chacun que ce Given to the Rising se fait le meilleur.
Comme les précédents il n'est clairement pas destiné à être écouté en fond sonore, ou en groupe, pour tenter de découvrir ce que l'autre ressent. L'expérience ici sera totalement unique lors de chaque exploration. Une pièce d'art de plus dans le parcours sans faute d'un groupe qui nous étonne devant une telle constance.
Toutefois c'est un de ces disques exigeants comme peut l'être un Frances the Mute de The Mars Volta, abscons par moments, psychédélique, et toujours autant frappant, jouissif, implacable, impressionnant de la première à la 50ème écoute mais ayant besoin de temps pour être digéré, compris, avec du recul sans aucune impatience de tout saisir de suite. L'effort n'en sera que plus grandement ressenti par la suite. Se tourner autant dans cette musique de manière de manière purement brutale, autant dans une démarche intellectuelle, artistique, physique, psychique, bref tenter de l'aborder sous le plus d'angles possible quitte à y perdre sa raison d'être, ses journées, ses soirées, ses heures pour laisser défiler la captivité qu'ensuite provoque Given to the Rising.
Et s'il est possible d'en extraire une quelconque intensité de la musique, autant rugueuse, sombre qui ose explorer de manière totalement intègre les fondements même de la nature humaine c'est bien ce groupe.
Plus que des dieux vivants, ces mecs là sont des extraterrestres de la musique.
Dès lors quand on a touché au Saint Graal comment vouloir chercher ailleurs?
Ne pas s'étonner donc si peu de gens comprendront leur démarche au fond, les Neurosis font plus que tout ça, ils font de l'art à l'état brut.
Neurosis - Given to the Rising
01. Given to the Rising
02. Fear and Sickness
03. To The Wind
04. At the End of the Road
05. Shadow
06. Hidden Faces
07. Water is Not Enough
08. Distill
09. Nine
10. Origin