7/10MLCD, et elle l'écoute en entier

/ Critique - écrit par athanagor, le 24/01/2011
Notre verdict : 7/10 - My little theatre (Fiche technique)

Tags : cheap little dictaphone album rock tale tragic

Après Small town boy, qui mettait en avant un rock solide aux accents larmoyants, MLCD revient avec The tragic tale of a genius au son plus velouté et plus en accord avec le style de Music Drama. Très bien accueilli en Belgique, s’il faut en croire l’épaisseur du dossier de presse, cet album d’une bonne facture musicale, laisse pourtant une impression de regret quant à son écrin.

Avec des ritournelles entêtantes, développées dès les premières minutes de jeu (Piano Waltz) et une orchestration ample, appuyée, avec une certaine retenue, sur des apparitions philarmoniques, MLCD propose un album charmant et éclectique, qui s’amuse à fouiner dans de nombreuses influences. Pourtant, celles-ci ne se feront véritablement sentir qu’à l’approche de la fin du disque. Les cinq premiers titres réussissent à conserver un semblant d’identité musicale, dans les sonorités et les accents, parfois proches de ce que Coldplay a réussi à nous laisser dans les oreilles. On a même l’impression qu’il s’agit bien de Chris Martin qui officie sur Holy Grail. Mais on a beau éplucher les différents featurings (dont Jonathan Donahue de Mercury Rev sur What are you waiting for), on n’en trouve pas trace. Passé ce moment d’hésitation, la bonne conduite musicale de l’album reprend le dessus, et c’est assez rapidement qu’on finit par accrocher à cet ensemble très plaisant.

Enivrant, séduisant, bardé de lancinants refrains confondus dans le flot musical qui accompagne un réel esprit poétique, on est rapidement marqué par le son de ce quatuor, dont les empreintes ressurgissent dès la deuxième
DR. Seb Cuvelier
écoute. On appréciera plus particulièrement ce qu’on pourra désigner comme une seconde partie de l’album, qui, à partir de In my head, démontre une vraie capacité d’exploitation des influences musicales du groupe : un son blues-rock un tantinet roadhouse pour What the devil says, un slow à la limite du Chris Isaac qui se transforme en thème d’un film de James Bond pour No self esteem, une rengaine de fête foraine endiablée, proche d’un délire mystique de Tom Waits pour The tragic tale of a genius, une complainte de marin pour la très touchante A man with no soul. Bref, un ensemble riche et diversifié, mené avec une certaine maîtrise, offert aux oreilles du plus grand nombre.

Pourtant un aspect central suscite un véritable doute : cet album est présenté comme la partie musicale d’un opéra-rock monté par le groupe. Mais si on ne nous l’avait pas dit, on ne s’en serait jamais rendu compte. On ne s’en serait jamais inquiété d’ailleurs... Seulement voilà, la communication appuie bien fort sur ce point, tant est si bien que l’écoute y est inévitablement assujettie. Et qu’en est-il alors ? Tout d’abord, on sera surpris qu’aucune des 32 photos distribuées par le service presse ne montre jamais le décor grandiose qu’on nous assure être un des éléments centraux qui font que le groupe « se joue de frontières de la musique, de la littérature et du théâtre ».On est pourtant tout disposé à le croire formidable, vu la profusion d’articles de la presse belge qui en font mention dans un spectacle qu’on nous assure être époustouflant. Donc ça, on peut s’en arranger. Mais on aura beaucoup plus de mal avec le fait que le corps musical de l’album ne donne à aucun moment confirmation de l’existence dudit opéra-rock. Hormis la théâtralité qui existe un peu dans chaque titre, régulièrement servie par une rythmique ample, damasquinée d’instruments symphoniques, on n’entend jamais l’unité d’une histoire, cette fameuse tragic tale. La volonté en est pourtant manifeste, comme en témoigne le premier titre en guise d’ouverture et le dernier qui fait assez bien office de final. Mais à l’oreille rien de tout cela n’est confirmé, et à bien y écouter, trois ou quatre morceaux auraient tout aussi bien fait l’affaire en guise de conclusion. Les thèmes des chansons (assez difficiles à percer du fait de l’anglais mâchonné de Redboy) ne donnent a priori pas non plus d’indication cohérente en ce sens, et le cours des chansons ne dégage pas de trame particulière. Certes une unité existe bien, c’est celle que procure l’ensemble ingénieux du piano et de la batterie,
DR. Kmeron
qui sont tous deux, par leurs interventions, une des composantes essentielles du style très particulier de MLCD. Mais il n’y a là que l’unité sonore d’un groupe qui parvient à rester lui-même en passant de la valse à la country, et certainement pas assez pour donner une âme à un opéra.

Bien sûr, on ne leur en tiendra pas rigueur, car en tant que simple album, déshabillé de ce concept ronflant d’opéra-rock, celui-ci séduit par sa patte et l’ingéniosité de ses compositions. Malheureusement quoi qu’on fasse, on cherche un spectacle qu’on nous a chèrement vendu mais qu’on ne parvient pas à voir du seul fait de la musique, et auquel aucune image ne donne corps. Peut-être alors suffira-t-il de se déplacer pour aller voir par soi-même ce que réserve la mise en scène. Mais s’il s’agit là d’une condition sine qua non pour bien intégrer l’album, on peut d’ores et déjà conclure à un demi-succès, ou à un verre à moitié vide.

MLCD - The tragic tale of a genius
01. Overture
02. Piano waltz
03. He's not there
04. What are you waiting for
05. My holy grail
06. Shine on
07. Slow me down
08. In my head
09. What the devil says
10. No self esteem
11. The tragic tale of a genius
12. A man with no soul
13. Face to face