8/10Milosh - iii

/ Critique - écrit par Dat', le 04/11/2008
Notre verdict : 8/10 - Couldn't Sleep (Fiche technique)

Tags : milosh commandes collection album musique electronique rhye

Milosh accouche d'un excellent troisième album, parfait mélange entre pop sereine et electronica, proposant des morceaux parfois mirifiques.

Le boulot, la famille, l'envie de s'aérer, d'explorer, d'exploser, d'exister. Il y a une ribambelle de raisons qui poussent quelqu'un à tout plaquer, à aller vivre un temps sous d'autres horizons. On s'occupe, on fait le tour du monde, on se construit une vie d'intérim dans une ville nouvelle. On trouve un taff de barman même si on n'a rien compris pendant l'entretien d'embauche, on erre pendant des mois dans des rues crades, on rogne sur ses économies amassées à la sueur de son front. On prend des photos en mode compulsif. On mange, découvre, baise, déprime. On écrit pas mal de cartes, on se retrouve dans des coupe-gorges en souriant d'une manière candide. A force de tourner en rond, des projets se dessinent. Les voyages forcent l'inspiration. Certains ont la plume qui démange. D'autres dégainent leurs caméras numériques. Et quelques uns, assez fous pour avoir pris sous le bras laptop et machines, se plongent dans la composition pour pondre un disque.

Milosh, exilé pour un an en Thaïlande, écrasé par le dépaysement et la solitude à Samui, a trouvé le temps de façonner son album entre deux Kuai tiao haeng. Cela aurait pu être simple, voir banal, si Milosh se cantonnait à une gratte sèche et un feu de camp. Manque de pot, le Canadien pose sa voix, depuis deux disques, sur des instrus électronica ciselés à l'or fin, flirtant même avec l'idm sur certains morceaux. Par contre, on apprend aussi qu'en Thaïlande, il doit y avoir des drogues ultra-violentes, abolissant toute notion de censure mentale, vu la gueule de l'artwork choisi pour ce nouveau disque.

Her Space Holiday (in thailande) 

Milosh
Milosh
Il suffit de se pencher sur le premier titre, Awful Game, pour piger le concept de iii. Beats acérés, mélodies naïves, nappes de synthés. On a tout les ingrédients pour une pop-electro-experimentalo-r'n'b-slowmotionnée bien mitonnée, avec pour cerise la voix apaisée de Milosh, constamment plongée dans un faible effet de reverb, donnant une touche très vaporeuse au tout. Le titre avance en claudiquant, prenant peu à peu de l'ampleur, conviant l'angélisme synthétique à sa table. Même combat pour le très beau Another Day, qui, après une intro un peu secouée, va se laisser ensevelir par la grâce, avec piano limpide, simili-harpe cristalline et violon à chiffonner la colonne vertébrale. La voix est parfaitement placée, pas geignarde pour un sous, soutenant parfaitement cette construction un peu éclatée, qui partira sur un trip instrumental proche du recueillement, les cordes se perdant peu à peu dans un écrin d'échos glacés. C'est vraiment beau, on se sent enveloppé, irradié, rassuré par le musicien.

Tout le contraire de Gentle Samui, qui va nous larguer dans un univers dépouillé, presque apathique, avec pour seul décors une pulsation métronomique, une mélodie rachitique et un Milosh qui minaude un peu. Seule la guitare acoustique du dernier tiers permettra de réveiller les troupes. Ce titre expose le seul petit travers de iii. On sent l'album constamment sur le fil, fragile, et mélancolique, proche du gouffre de l'anesthésie, toujours retenu par des compositions escarpées et aventureuses. Manque de pot², Milosh touche un peu moins quand il s'enfonce dans le minimalisme, et pourra en gonfler certains, malgré des paroles touchantes. A ce titre, Warm Waters, souffre du même mal, en tentant plus de cajoler gratuitement que de surprendre. Attention, le tout reste beau, et loin d'être désagréable. Mais il vaut mieux éviter de l'écouter après une nuit morcelée, sous peine de plonger ses oreilles dans un simulateur de prozac.

My anxiety

Et pour le coup, c'est clairement la deuxième moitié du disque qui se trouve être laMilosh²
Milosh²
plus réussie, en proposant des morceaux plus longs, plus entreprenants et audacieux. D'ailleurs Hold My Breath accroche instantanément, commençant comme un tube r'n'b qui aurait décidé de se mouvoir au fond d'un océan, avec ce pied sourd, dansant, étiré par la voix de Milosh, superbe, perdue dans des chœurs fantomatico-celestes. Rupture en son milieu, on degage le rythme, le morceau va se la jouer bambous mélodiques, avec une guitare électrique qui va tonner petit à petit, sans jamais exploser, façon tourbillon musical qui file petit à petit entre nos doigts. Wrapped Round My Way débutera lui d'une façon quasi-christique, conflit entre ce claquement âpre et le flou électronique, le tout surplombé de la voix en cristal de sieur Milosh. Ce dernier te balance des montées à arracher le cœur, en hululant à la lune, jetant littéralement sa voix dans l'espace. Et quand tout se calme, c'est pour mieux entamer une marche militaire renversante, s'amplifiant graduellement, avec de nouveau une gratte électrique au rapport, balisant, assombrissant cette ascension. Absolument mortel.

Pour tout dire, c'est ce genre de morceau qui annihile le mini coup d'arret à l'écoute des deux morceaux un peu plan-plan soulevés précédemment. La seule véritable déception qui pourrait perler à l'écoute de iii, c'est l'absence du morceau Then It Happened, absolument sublime, présent sur la compile gratuite Ghostly Swim, sorti quelques mois avant.

 

Quand à The World, dernier morceau de l'album, on frôle l'absolument mirifique sur sept minutes. Cette pop éthérée est gorgée de petits effets de voix, de rythmes qui déraillent, de chœurs factices renversants. La guitare caresse l'aorte, le chant suce les tympans, les beats câlinent l'âme. Le refrain est à crever. Et quand le morceau plonge dans le quasi-mutisme, on retient son souffle, en se persuadant que non, il ne peut se terminer maintenant, que c'est trop beau. Les sons s'engraissent de nouveau, reprennent de l'ampleur, et repartent dans une danse affolante, à tomber, aussi soyeuse que plus belle des nuits d'amour. On pense à la personne qui vous dit au revoir quand le train démarre, à nos partie de foot étant petit, à nos promenades en forêt, aux frôlements candides dans un champ de blé, à une peau douce, à des potes perdus de vue, à la première fois que l'on débarque dans une mégalopole inconnue, la peur au ventre et l'excitation perlant dans nos mirettes. Cette chanson te donne envie d'arracher les ailes d'un putain d'ange pour voler au dessus d'îles paradisiaques, enneigées s'il vous plait.

T'as plus de cheveux ? C'est tout à fait normal, ils se sont tous barrés, fatigués de se dresser à chaque frisson.

 

Milosh- iii
01. Awful Game
02. Another Day
03. Gentle Samui
04. Remember The Good Things
05. Warm Waters
06. Hold My Breath
07. Wrapped Round My Ways
08. Leaving Samui
09. The World