8/10McKeown (Erin) - Grand

/ Critique - écrit par camite, le 14/05/2004
Notre verdict : 8/10 - Grande classe (Fiche technique)

(article réalisé à partir de la biographie officielle de la chanteuse et de l'écoute intensive de son disque)

« Il n'y a pas d'invité vedette sur ce disque, pas de grand nom pour grimper au hit parade. En fin de compte, je devais vivre ou mourir selon mes propres règles ». Question de vie ou de mort, donc. Les mots sonnent sans doute un rien grandiloquent pour un simple disque. Sauf qu'Erin McKeown cultive la passion musicale depuis sa proverbiale plus tendre enfance. La jeune native de Virginie, aux Etats-Unis, commence avec le piano à l'âge de trois ans. Suivront la basse, la batterie et plus particulièrement la guitare. L'instrument des leaders par excellence. Aussi, lorsqu'elle pousse ses premiers tours de chant dans un groupe de lycéens, Erin déchante (hahaha) assez vite : « Jouer dans un groupe avec de jeunes garçons n'est pas si drôle lorsque tu es une fille de quinze ans » révèle-t-elle allusivement. Une seule solution : écrire ses chansons et voler de ses propres ailes.

Jouer à droite à gauche

Fraîchement sortie du lycée avec mention « comédie musicale » sur son diplôme, Erin s'inscrit à l'université, prévoit des études de biologie mais prend rapidement la tangente artistique. « J'ai réalisé que je ne voulais pas du tout devenir scientifique, alors j'ai commencé à courir les salles du coin pour jouer les scènes ouvertes. Après ma première année post-lycée, j'ai sauté dans un bus et je suis allée jouer à droite à gauche ». A peine un an plus tard, la chanteuse itinérante sort un CD regroupant ses enregistrements. La compilation attire alors l'attention du label américain Signature Sounds qui donne carte blanche à Erin et son complice David Chalfant. Le résultat, Distillation, s'écoule tranquillement à 30 000 exemplaires et reçoit un certain enthousiasme critique outre-Atlantique.

« Peu après la sortie du disque, j'ai eu l'impression de ne plus pouvoir jamais écrire une chanson. Je n'arrêtais pas d'y penser. J'ai donc décidé de m'enfermer chez moi et de ne pas en sortir tant que je n'aurais pas écrit une chanson. Après trois heures perdues devant le piano, j'ai pris ma guitare et joué une grotesque imitation de musique country pour en finir et sortir ». Cette reprise forcée se retrouve aujourd'hui sur Grand, son deuxième album, et s'appelle How to be a lady, attendrissante pièce échappée d'une comédie musicale imaginaire. Des traces de son éducation musicale également présentes sur Vera, superbe piano-voix écrite pour l'opéra bizarroïde de Shawn Wallace, Dylan Thomas in America.

A côté des musical à l'américaine (voir Notre Dame de Paris après Cats ou Chicago, ça reste quand même un coup à vous filer la honte d'être Français), Erin McKeown avoue des goûts pour Radiohead, un CD de Missy Elliot dans sa platine et une admiration pour Patsy Cline ou Edith Piaf. « J'aime tous les styles de musique, et je pense que beaucoup de gens sont comme ça aussi. J'aime être surprise par la musique, découvrir des choses, et je voulais que Grand soit toutes ces choses à la fois. C'est un peu mon rêve de la manière dont peut sonner un disque, de ce qui m'intéresse en tant qu'auteur, de la contribution que je pense apporter en tant qu'artiste. Tu ne peux pas en demander plus pour ton dernier projet en date ».

Célébrité et féminité

L'influence mère spirituelle d'Erin reste toutefois Judy Garland, dont une reprise apaisante de Lucky Day figure sur le disque. « Elle a été un thème évident sur cet album, débordant sur les titres, les histoires, la longueur des chansons... J'ai pensé utiliser une de ses chansons pour matérialiser sa présence ». L'influence biographique de Garland transparaît plus particulièrement dans l'électrique Cinematic, qui ouvre véritablement l'album après la très Beatles-style Slung-lo. « Cette chanson prépare le terrain, musicalement, émotionnellement et textuellement. Ce n'est pas forcément la meilleure, mais elle explique bien le sujet de Grand : l'expérience simultanée de la célébrité et de la féminité ». Erin prévient toutefois : « Ce n'est pas un disque sur ma vie. Il y a d'autres personnes dont les histoires me fascinent ».

A l'écouter aujourd'hui, la jeune songwriter semble satisfaite de son dernier effort : « Par rapport à Distillation, Grand est plus proche de ce que je pourrais mettre dans mon lecteur CD. Ce que j'entendais dans ma tête était un peu plus compliqué et ambitieux que ce que j'avais fait avant ». L'écoute de l'oeuvre lui donne raison. Entre ballades doucement torturées et popsong feutrées, Erin développe un univers très singulier fait d'arbres en fleurs et de soucoupes volantes, de matins ensoleillés et de jazz-club éclairés avec style. La voix, charmante, magnifie le tout. L'effet est agréable, les fans de plus en plus nombreux mais Erin a conscience de la simplicité affichée qui tient l'édifice acoustique. « J'espère juste que les gens qui aiment la bonne musique, quelles que soient leurs préférences, apprécieront ce disque ». Avec un minimum de goût, ils devraient.