7.5/10Eurockéennes 2011 - Troisième jour

/ Critique - écrit par nazonfly, le 04/07/2011
Notre verdict : 7.5/10 - De feu et glace (Fiche technique)

Tags : festival eurockeennes belfort paris concert concerts musique

Arctic Monkeys enflamme la Grande Scène, Moriarty met un peu de chaleur à la Green Room, le public de Mona grille sur la plage. Les Eurocks le dimanche, c'est caliente.

Toutes les bonnes choses ayant une fin (sauf le saucisson qui en a deux), ce troisième jour des Eurockéennes est donc le dernier. La programmation plutôt pop-rock (Arcade Fire, The Dø, Arctic Monkeys) de la journée est une belle manière de clore un week-end placé résolument sous le signe de la bonne zic. Mais surtout pour nous, c'est l'occasion de découvrir le festival d'une autre façon, comme un Vis ma vie de journaliste de presse.

Pressman in the place

Le précieux bracelet estampillé « press » nous permet ainsi d'éviter la longue queue d'entrée sur le site ainsi que d'accéder à l'espace presse : un lieu tranquille, sous les arbres, au bord de l'étang de Malsaucy et garni, messieurs mesdames ouvrez bien vos oreilles, de toilettes disponibles sans faire aucunement la queue. Un confort, voire un luxe appréciable dans un festival où les dames et demoiselles sont nombreux à baisser culotte dans un coin, vaguement cachée par leur copine/mec pour assouvir leur besoin naturel. On a aussi surtout l'impression que la presse vit dans un monde clôt, à l'écart des festivaliers, d'autant plus que les conférences de presse se déroule en partie pendant d'autres concerts.

C'est ainsi que nous assistons en ouverture à l'interview de Philippe Katerine par, excusez du peu, l'ancien batteur d'Explosion de caca, groupe potache, suisse et hilarant (on vous en parlera sans doute un de ces jours dans les Reprises de poids). Katerine nous dit quelques mots sur son concert de fin de journée avec Francis, les peintres et le cabaret New Burlesque, un spectacle composé essentiellement de reprises comme Ce matin un lapin de Chantal Goya. Ce qui l'amène à parler du choix comme liberté ou contrainte. Le sujet n'est jamais aussi vrai qu'en festival ! Nous le verrons par la suite.

Barbecue de Nashville

Une fois la conférence de presse terminée, pas de temps à perdre, nous nous rendons directement à la Loggia pour suivre les Binary Audio Misfits, un groupe « pas très loin de Zone Libre ». Mouais, sur scène, il semble justement qu'on en est un peu loin : pas forcément très différent, c'est juste largement moins percutant et moins enthousiasmant. Nous quittons donc rapidement ce concert pour nous rendre à la Plage pour voir Mona de Nashville, Tennessee. Il est toujours difficile de passer en début d'aprem le dimanche. Les festivaliers fin saoûls de la veille errent en général hagards sur le camping, l'alcool du jour n'a pas encore commencé de couler et les nouveaux venus de la journée découvrent tranquillement le site. Si on ajoute que le soleil tape fort et que la plage nous renvoie gentiment ses rayons à la face, on comprend pourquoi le public est si peu réceptif devant les premières notes de Mona. Pourtant leur musique, du bon gros rock qui sait aussi bien caresser tendrement que frapper durement, est d'une efficacité évidente. Grâce à un chanteur enjôleur, un batteur impressionnant et guitariste et bassiste loin d'être en reste, Mona parvient quand même à faire réagir la foule, à la faire chanter, à la faire se bouger sur le grill de la Plage. Ce qui n'était pas forcément gagné au départ. À revoir sans doute dans de meilleures conditions.

Scène française en glaise

La suite pour nous se fera sur l'Esplanade Green Room avec l'un des groupes découverts aux Eurocks il y a 3 ans de cela. Moriarty nous avait alors charmé par leur univers chaleureux tendance far-west, leur relatif bordel scénique et la voix de Rosemary. Ils sont désormais plus connus mais n'ont rien perdu de leurs qualités. Le public rentre vite dans le concert et le concentré de tubes Isabella/Private Lily/Jimmy achève de consacrer Moriarty à Belfort comme une nouvelle réussite ! Même si on regrettera que l'heure de passage ainsi que la disposition de la Green Room fassent perdre un peu de la magie qu'on avait pu ressentir lors de leur premier concert.

L'enchaînement avec The Dø sur la Grande Scène est parfait pour le chroniqueur car les deux groupes se ressemblent sur un point : tous deux composés de membres français et étrangers, ils font une belle carrière dans notre beau pays en chantant en anglais. La comparaison s'arrête là puisque le show de The Dø est largement plus tourné vers l'énergie que celui de Moriarty, même si, sur scène, ils sont presque aussi nombreux et tout aussi multi-instrumentistes : le duo The Dø est ainsi accompagné par un clavier, un batteur, une trompettiste et une saxophoniste sous la bannière de Both ways open jaws ! En concert, la musique prend une autre direction que sur album : on découvre Over my shoulders en tempo lent chanté par Olivia et sa guitare, on est sur les genoux devant les percus impressionnantes de Slippery slope ainsi que par les parties finales des titres, souvent énervées et noisy (Too insistent). Vraiment une des très bonnes surprises du week-end !

Liam Gallagher, coincé entre deux conférences de presse

C'est un véritable déchirement que de devoir choisir entre le live de Katerine et la conférence de presse de Moriarty, tous deux programmés en même temps. Nous choisissons Moriarty tout en donnant sa chance à Katerine sur quelques titres : accompagné de katerinettes (à l'image des clodettes), Philippe est d'une classe kitsch aboutie mais musicalement le début est un peu mou. Difficile toutefois de tirer une conclusion sur deux titres... Loin de la scène, les Moriarty font preuve d'un humour décalé qui respire franchement la bonne humeur. Pour leur nouvel album, The missing room, le groupe a décidé de faire une série de concerts avant d'enregistrer dans le but avoué de faire évoluer les chansons comme elles évoluent au cours d'une tournée. Une mise en danger qui résume exactement ce qu'on peut tirer de cette interview : Moriarty prend des risques, cherche sans cesse à se renouveler allant jusqu'à acheter sur une plage de Madras des instruments dont ils ne savent pas jouer ou encore en faisant une mini-tournée lors du Festival Generiq (sorte de spin-off des Eurocks, l'une des raisons qui a poussé les Moriarty à revenir à Belfort), une tournée qui les amènera dans une maison d'arrêt, dans une chapelle... Accessibles, sympathiques, créatifs, que demander de plus ?

Évidemment, passer d'un groupe accessible à Beady Eye est d'une ironie amusante. Beady Eye, né des cendres d'Oasis, fait en effet un tour par la Grande Scène. Et nous ne pouvons bien sûr éviter de nous intéresser à Liam Gallagher. Il est semblable à ce que nous pouvions imaginer, que ce soit quand il jette dédaigneusement un regard sur un drapeau anglais qu'on a lancé sur la scène, quand il toise le public les mains dans les poches de sa veste ou quand il demande à un cameraman de cadrer sur une pancarte « Liam, you fuckin' rock, guy ! ». Ça fait partie du personnage. Au niveau de la musique, par contre, c'est du tout bon, de la britpop envoyée avec maîtrise et conviction, malgré un public plutôt clairsemé. On imagine la même scène avec Oasis : ceci nous rappelle le public tout aussi absent de Cavalera Conspiracy. Toujours est-il qu'il n'y a rien à redire sur le concert : les mecs font le boulot, enchaînent les titres avec brio, assènent un très bon Roller. Du classique, de l'efficace.

Pour la suite, nous sommes de retour à l'Espace Presse pour le Bilan des Eurockéennes dressés notamment par Kem Lalot, Christian Olivier et Jean-Paul Roland. Une interview des plus intéressantes pour qui s'intéresse aux offs du festival. On apprend ainsi que le week-end devrait se clore autour des 93000-95000 entrées, un succès surtout à comparer de l'année noire 2010 où seuls 800000 festivaliers s'étaient retrouvés au Malsaucy. Un succès reproductible au camping qui bat son record avec 15000 entrées. L'organisation est donc contente que les gens aient adhéré à ces nouvelles Eurockéennes redéfinies après le bilan un peu catastrophique de 2010. L'une des réussites du festival est l'accès aux handicapés : plus de 500 ont pu assister aux concerts, un exploit sur le site. Sans oublier, bien entendu, la Scène de la Plage qu'ont adorée les festivaliers et les artistes qui ont pu jouer dessus (on peut les comprendre!). Et de façon toute aussi évidente, le gros point noir est la Loggia, reléguée dans un coin, pratiquement inaccessible. Il y aura des choses à repenser pour l'année prochaine ! Un autre point que l'on retiendra de cette conférence de presse est que le semblant de thématique qui peut être vue dans le programme (le gros son le samedi, le pop-rock le dimanche) est fortuite puisque dépendant surtout des plannings des artistes. C'est pourtant incontestablement un point fort. La conférence se termine par la partie Repérages des Eurockéennes. Même si la majeure partie des journalistes a filé, on peut tout de même apprendre que Honey for Petzi et Hit by Moscow (si nous ne nous trompons pas) ont gagné les deux prix Repérages mis en place par le festival.

Du feu, de la glace et du cristal

Si les journalistes sont partis, c'est sans doute pour assister qui à la Carte Blanche Katerine et le Cabaret New Burlesque, qui à Arcade Fire. Notre choix se portera vers les deuxièmes qui enflammeront les cœurs de la Grande Scène. L'un des concerts les plus attendus du week-end sera à la hauteur des espoirs. Mélodies parfaites, son idéal pour faire danser la foule. Un concert très pro qui aura sûrement ravi les fans et le public en général. Mais un concert qui a paru bien gentillet face au show puissant des Arctic Monkeys qui a su réchauffer la Grande Scène des Eurocks. Définitivement la préférence de votre serviteur ira toujours vers un peu plus de décibels surtout quand il connaît mal la discographie des groupes (oui, jetez-le aux basses fosses, il a loupé le train Arcade Fire/Arctic Monkeys!).

Entre les deux groupes phare du dimanche, Crystal Castles a investi la Green Room avec son electropunk. Electropunk, c'est en tout cas comme ça qu'était défini le groupe sur le planning. Parce que de l'electro, il y en a, c'est indéniable. Et elle est franchement dansante, efficace comme une musique de club. Par contre, nous avons bien passé 45 minutes à dénicher où se cachait le punk dedans, mis à part dans les Doc de la chanteuse. Certes le groupe n'a pas été aidé par des problèmes de son, mais mettre dans la même catégorie (electropunk donc) Atari Teenage Riot et Crystal Castles, fait partie des interrogations de ce festival.

C'est donc la tête pleine de son, de découvertes et de retrouvailles que nous entamons le chemin du retour, le long de la célèbre voie ferrée conduisant du site de Malsaucy au camping et parking. La foule qui n'a pas choisi d'attendre les navettes bondées chante sur les traverses comme un ultime hommage à ces trois jours passés une fois de plus comme un éclair. Trois jours avec des concerts mémorables : le show tout fou de True Live et Les Savy Fav, les tueries And so I watch you from afar, Mötörhead, Atari Teenage Riot, Queens of the stone age, les lives un peu trop parfaits de Anna Calvi, Wu Lyf ou Arcade Fire. Retour désormais à une vie normale et bien fade en rapport (mais ça fera quand même du bien aux oreilles et aux jambes, pas vraiment ménagées ce week-end).