Dossier : Noir Désir - Partie 3

/ Dossier - écrit par nazonfly, le 04/12/2013

Tags : cantat bertrand noir desir groupe album marie

Troisième et dernière partie du Dossier Krinein consacré à Noir Désir. Il s'agit surtout ici de terminer l'histoire de Noir Dez. Et d'ouvrir de nouveaux Horizons.

Pour relire les deux premières parties, c'est ici :

Dossier : Noir Désir - Partie 1

Dossier : Noir Désir - Partie 2

Dans cette partie, nous avions laissé Noir Désir plutôt serein après un album presque parfait, apprécié à la fois par la critique et par le public. La suite, on la connaît mais on vous la raconte quand même.

2003 à 2007 : Et pourrir à l'ombre

La suite, c'est le drame de Vilnius, l'histoire trop banale d'une violence conjugale qui se termine mal. Une histoire qui plongera les fans dans une étrange phase : comment soutenir le héraut Cantat quand il se révèle être un tueur même si dans ces circonstances particulières. Rien que de l'écrire c'est toujours aussi déstabilisant. Ce qui est sûr c'est qu'on ne verra plus jamais Bertrand Cantat de la même façon. Et qu'on ne le verra plus d'un moment dans le paysage musical français.

Quand le chat n'est pas là, les souris dansent, dit-on. Mais, avant de danser, les souris mettent la main à la pâte pour terminer le projet d'un album live sur les 56 dates de la dernière tournée. Dès les premières écoutes, cet album, répondant au nom de Noir Désir En Public, se révèle tout simplement magistral avec les plus grands tubes du groupe revisités dans des versions plus ou moins étonnantes. Deux seules nouveautés sur ce live, la reprise de 21st century schizoid man de King Crimson et l'adaptation d'un poème du Hongrois Attila József, Ce n'est pas moi qui clame, qui grâce à la voix de Cantat et à la musique déroutante du reste du groupe est le moment de grâce de Noir Désir En Public dont vous pouvez relire la critique de Emeric.

Pendant le long intermède de l'emprisonnement de Cantat, le groupe ne pouvait rester les mains dans les poches, et surtout pas Serge Teyssot-Gay. Il apparaît sur Paris nous nourrit, Paris nous affame issu de Regain de tension du groupe de rap La rumeur, on verra que cette participation aura de l'importance par la suite. Puis en 2005 il se lance dans une nouvelle aventure, Interzone, soit la rencontre entre un guitariste (Serge Teyssot-Gay bien sûr) et un joueur de oud syrien (Khaled AlJaramani). Pour la petite histoire la curiosité de voir le guitariste de Noir Désir en live dans un concert à Bourg-en-Bresse dans l'Ain m'avait conduit à découvrir cet étonnant duo. Khaled Almachin ? Inconnu au bataillon et à vrai dire complètement secondaire pour moi. Seulement voilà un thé vert, quelques gâteaux et un concert exceptionnel plus tard, j'étais sous le charme. Interzone est la rencontre incroyable entre la magie de ce joueur d'oud et la virtuosité charnelle du guitariste et, que ce soit en live ou sur CD, c'est un instant hors du temps qui se dévoile à nos oreilles. Un deuxième album Interzone – Deuxième jour sortira en 2007 : par rapport au premier, la claque est largement moins grande mais il n'en reste pas moins que le duo sait faire passer des émotions rien qu'avec leurs cordes et quelques mugissements inspirés.

2007 toujours, Teyssot-Gay participe de nouveau à Du cœur à l'outrage le nouvel album de La Rumeur et fonde son deuxième projet majeur, Zone libre, avec Marc Sens et Cyril Bilbeaud, ex-Sloy (Sloy qui, rappelons-le, avait repris un titre de Noir Désir sur One trip/one noise). Là encore la rencontre entre ce batteur et ces deux guitaristes procure un plaisir immense, de ce plaisir sans paroles qui touche directement nos sens (enfin surtout l'ouïe). Les mots seraient sans doute de trop pour décrire ce que l'on peut ressentir à l'écoute des 50 minutes de Faites vibrer la chair qui joue avec nous comme l'océan joue avec un bateau. C'est beau, c'est violent, c'est triste, c'est joyeux, c'est de la musique tout simplement.

Et le reste du groupe ? Pas grand chose à dire de ce côté sinon que Denis Barthe et Jean-Paul Roy fondent le aujourd'hui défunt festival Les rendez-vous de Terres Neuves et qu'ils participent à la bande originale de Enfermés dehors, le film d'Albert Dupontel. C'est peu, on sent que le batteur et le bassiste ont quelques appréhensions à se jeter dans un autre bain que celui de Noir Désir.

2007 à 2010 : Pyramides jetables

Bertrand est en liberté conditionnelle dès 2007 et quitte donc la prison. Le groupe se remet donc au travail, il en sortira deux titres mis en téléchargement en novembre 2008 : Gagnants/perdants et Le temps des cerises, reprise de Jean-Baptise Clément. Les deux morceaux sont diversement accueillis : joué à cent à l'heure (surtout par rapport à l'original), Le temps des cerises est sympathique mais ne casse pas trois pattes à un canard. Quant à Gagnants/perdants, elle est loin de ce que nous avait offert Noir Désir que ce soit en terme de musique ou en terme de paroles. Les fans espèrent cependant un nouvel album puisqu'on peut voir un « Noir Désir est au travail » sur leur site. Puis fin 2010, Noir Désir enregistre une nouvelle reprise pour l'album-hommage Tels Alain Bashung, un superbe morceau qui sera finalement le dernier enregistré par Noir Désir.

Dans cette courte période d'incertitudes, Serge Teyssot-Gay ne chôme pas (étonnant n'est-ce pas?). Avec Zone Libre, il enregistre L'angle mort en collaboration avec Casey et Hamé de La Rumeur, un album à la lisière du rock et du rap rappelant par certains aspects Rage Against The Machine. Un putain d'album tout simplement énorme. Et si vous voulez en savoir plus, vous pouvez aller voir la critique sur Krinein. Ou relire cette review de concert en 2009 au Fil de Saint-Étienne.

En 2009, paraît le livre-disque de la mise en musique des poèmes d'Attila József par Serge Teyssot-Gay et déclamés par Denis Lavant, un concert enregistré au festival des Vieilles Charrues en 2006. Rappelons pour situer les choses qu'Attila József étant l'auteur derrière Ce n'est pas moi qui clame. C'est aussi à cette période que le groupe formé pour Enfermés dehors (c'est-à-dire Denis Barthe, Jean-Paul Roy et deux acolytes) décide de prendre un nom et de sortir un premier album éponyme The hyènes apparemment inécoutable de façon légale et dont nous ne dirons malheureusement rien ici.

2010 à 2013 : Pour de nouveaux faisceaux, pour de nouveaux soleils

Quelques jours après l'enregistrement de Aucun express et quelques mois après la fin de la peine de Cantat, Serge Teyssot-gay fait part de sa volonté de ne pas reprendre avec Noir Désir. Un jour, plus tard, le 30 novembre, Denis Barthe, éternel rouage dans le groupe, annonce que les autres membres cessent leur activité ensemble. Noir Désir c'est donc terminé.

Chacun des membres continue donc ses activités parallèles : The hyènes sort un nouvel album en 2012, Peace and loud ; Serge Teyssot-Gay enregistre Les contes du chaos avec Zone Libre, Casey et B. James (critique sur ce lien et review de concert à l'Épicerie Moderne de Lyon) ainsi qu'un nouvel Interzone, Waiting for spring en relation avec le printemps arabe. On notera que Serge Teyssot-Gay n'est jamais rassasié puisqu'il lui arrive même de faire des ciné-concerts, c'est-à-dire jouer de la musique en même temps qu'un film passe sur l'écran (comme sur Nosferatu au Cinéma Le Fellini de Villefontaine).

Cantat de son côté multiplie les apparitions ici et là, plus ou moins étonnantes : avec Eiffel sur le titre Lust for love (il avait déjà enregistré À tout moment la rue avec le groupe bordelais qui tient le plus la corde pour être le nouveau Noir Désir), avec Brigitte Fontaine sur Les vergers, avec Shaka Ponk sur Palabra mi amor (extrait de l'album The geeks and the jerkin' socks), avec Amadou et Mariam sur l'album Folila (oui oui, Amadou et Mariam). Il fera aussi scandale au théâtre où il écrit la musique (avec Pascal Humbert, Bernard Falaise et Alexander MacSween) du spectacle de Wajdi Mouawad Le Cycle des femmes : trois histoires de Sophocle, spectacle auquel il doit participer à Avignon. Cantat devait jouer dans ces pièces parlant de la violence faite aux femmes dans un festival où devait participer Jean-Louis Trintignant.... Et finalement il sort, toujours avec Pascal Humbert (qui a fait partie de Passion Fodder, le groupe de Theo Hakola, producteur d'Où veux-tu qu'je r'garde ?), ce fameux Horizons sous le nom de Détroit, un album dans les bacs le 18 novembre dernier ou, plus exactement, avancé au 18 novembre, la date initialement choisie, celle du 25 novembre, correspondant à la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes... Cantat semble décidément enchaîner les maladresses depuis son retour sur le devant de la scène.

Et c'est ainsi que prend fin notre dossier reprenant la trentaine d'années de Noir Désir, depuis Où veux-tu qu'je r'garde ? jusqu'à Horizons. L'avenir est maintenant devant les 4 membres de Noir Désir... mais séparément. En espérant ne pas entendre parler d'une reformation dans dix ou vingt ans.

PS : ce dossier s'appuie en partie sur le formidable Hors-série des Inrockuptibles sorti en 2006 à l'occasion de la sortie de Noir Désir En Public, le dernier témoignage du groupe.