9/10Devil & Crossroads de Scarecrow, à la croisée du blues et du hip-hop

/ Critique - écrit par nazonfly, le 10/07/2013
Notre verdict : 9/10 - Tout simplement bon (Fiche technique)

Le soleil est couché depuis plusieurs dizaines de minutes. Mais la chaleur a du mal à tomber. Au plafond du bar, un ventilateur tente vainement de brasser le peu d'air chaud pour rafraîchir la peau moite des consommateurs. Seuls le chuintement des verres qu'essuie le barman, le grincement du rocking-chair du vieux Joe dehors et le bourdonnement des mouches s'aventurent à percer la chaleur qui étouffe le moindre bruit. Et puis une guitare endiablée surgit, poussée par une voix légèrement éraillée qui embaume le whisky et le cigare, une voix qui chante la tristesse et la misère.

The original blues hip-hop

C'est en tout cas ce à quoi on peut s'attendre quand on lance le mot blues. Et c'est du reste ce que l'on ressent et entend dès les premières
Oui ce sont des originaux
secondes, une sensation vite transcendée par l'arrivée impromptue d'une deuxième voix, une voix en mode rap. À vrai dire, impromptue n'est sûrement pas le mot idéal puisque Scarecrow se présente d'emblée comme « The original blues hip-hop ». On en a connu des associations musicales, plus ou moins cohérentes mais, à notre connaissance, c'est la première fois que le blues et le hip-hop se rencontrent de façon aussi frontale. Pourtant ce croisement résonne a posteriori comme une évidence : le blues, dérivé des chants de travail des populations afro-américaines (comme un vulgaire Jean-Paul Ollivier, je pompe moi aussi sur Wikipedia), et le hip-hop, originaire des ghettos noirs, partagent de fortes racines communes et le deuxième peut être vu comme un des multiples descendants du premier.

L'Avis du Critique Éclairé

Oui mais voilà cet accouplement est-il viable ? C'est ici qu'intervient l'Avis du Critique Éclairé, la voix de la raison qui nie toute subjectivité
Pas besoin de les prendre de haut !
pour asséner la vérité dans une explosion d'objectivité. Et la réponse que vous attendez tant réside dans ces trois lettres : O-U-I. Oui l'accouplement est réussi et le bébé est costaud et pourra faire son chemin dans la vie, même si on ne le qualifiera jamais de mignon mais plutôt d'inspiré, d'habité.  Les scratches répondent à la guitare, le blues de Slim Paul donne le la et le rap d'Antibiotik se met au diapason. Il serait assez vain de décrire titre par titre cet album mais on ne serait trop vous le conseiller, si vous avez l'esprit un tant soit peu ouvert bien sûr. On y trouve l'essence du blues, parfois enragé, parfois doux comme un agneau mais toujours habité, avec ce son de guitare tellement typique, tellement organique, tellement.... ah on en perdrait ses mots. Mais on y trouve aussi l'essence du rap, agressif et/ou poétique, loin, tellement loin des productions commerciales qui nous inondent habituellement.

Oh et pour terminer, rappelons ici la légende de Robert Johnson, légendaire guitariste bluesman, qui aurait rencontré le diable à un croisement de route et lui aurait vendu son âme (ouais Devil & crossroads, le diable et les croisements, tu vois l'truc). On ne sait pas quel membre du groupe a vendu son âme au diable mais Dieu et les bonnes fées se sont tout aussi certainement penchés sur le berceau de Scarecrow.

Point fort : l'originalité d'une rencontre qui tombe pourtant sous le sens

Point faible : ne pas avoir connu le groupe auparavant

En écoute, All now

Scarecrow – Devil & crossroads

01. All now
02. BMF
03. Kind of sign
04. My lowd
05. Evil & crossroads
06. Morning rooster
07. Dans mes poches
08. Break the doors
09. Boy
10. Néant
11. Ain't got no choice

Retrouvez Scarecrow en concert cet été aux Nocturnes de Saint-Brieux (12/07), au Cahors Blues Festival (15/07), au Sziget Festival (08/08)