Détroit - Concert au Théâtre Antique de Vienne - 13/06/2014

/ Critique - écrit par nazonfly, le 21/06/2014

Tags : vienne jazz note personne lecture premier festival

Pour ceux qui n'ont jamais vu Noir Désir en concert, Détroit sonne comme une ultime chance de découvrir les morceaux chantés par Bertrand Cantat en vrai. Chronique d'un instant inoubliable.

Il y a des salles de concerts qui se ressemblent toutes. Il y a des festivals au milieu des arbres. Et puis il y a les Arènes de Nîmes et le Théâtre Antique de Vienne. Le Théâtre Antique est un théâtre, c'est-à-dire un demi-cercle aux gradins de pierre, demi-cercle dont le centre est occupé par la fosse et la scène. Des conditions idéales pour un concert surtout lorsque l'orage vient de rafraîchir juste ce qu'il faut la chaleur de ce mois de juin. C'est donc dans cette atmosphère incroyable que l'on allait découvrir Détroit en live avec, il faut bien le dire, une certaine attente.

Pour patienter justement, Bertrand Cantat himself (attention la suite de cette critique contient des éléments de Cantat-philie qui peuvent déranger) introduit la première partie, Willis Drummond, un groupe basque qui chante en basque. Du rock, vaguement punk-rock sur quelques titres. Classique et efficace, de quoi chauffer gentiment le public composé, comme on peut le deviner, à majeure partie de trentenaires/quarantenaires voire pire. Le set de Willis Drummond est précis, il tape juste et est plutôt communicatif mais il manque le titre qui accroche durablement l'oreille pour être autre chose qu'une première partie qui fait bouger la tête. Dire qu'on avait vu dans ce même Théâtre Antique les Têtes Raides en première partie de Dionysos ou Massive Attack et Archive dans la même soirée, on ne tape pas au même niveau !

Après le traditionnel changement de scène, Détroit peut enfin commencer à jouer et c'est avec Ma muse, l'une des belles réussites de Horizons, que débute le concert. Parfait mélange de douceur et d'aspérités, le titre passe évidemment très bien en live devant un public évidemment acquis à la cause de Détroit qui se présente avec un batteur, un clavier, un guitariste, plus Humbert et Cantat. La suite est dans la même veine que Ma muse avec un magnifique Horizon qui fonctionne parfaitement dans ce genre de concert où les notes s'envolent dans le ciel d'un bleu azuré. Pour rajouter encore à l'atmosphère si spéciale, deux écrans diffusent des vidéos, très géométriques sur ce titre. Une entrée en matière qui sonne comme une évidence et montre le meilleur de Détroit.

Cette très bonne entame ne sera pas gâchée par Des visages des figures qui va permettre d'emblée de clarifier les choses : Détroit ne fera pas que du Détroit et ira souvent rendre visite à Noir Désir, comme si ce groupe n'était qu'une extension du précédent ou comme si les deux n'étaient que les créatures de Cantat. On peut certes le regretter mais pour ceux qui n'ont jamais vu le groupe bordelais, comme votre serviteur par exemple, c'est quand même plus qu'agréable.

Côté Noir Désir donc, on est dans la foulée du mythique En public avec des titres qui diffèrent grandement des versions enregistrées, pour le meilleur comme pour le pire. Dans le meilleur on aura évidemment le magistral et puissant Le fleuve, dont les multiples méandres n'ont de cesse de montrer qu'Héraclite avait raison. Dans les déceptions, Lolita nie en bloc, peut-être ma chanson préférée de Noir Désir, voit disparaître le génial riff de son refrain. Quelle tristesse, quel dommage !

Côté Détroit, on ressent la même chose qu'à l'écoute de l'album, à savoir du bon et du moins bon. Et le bon sur scène devient tout simplement prodigieux comme Ange de désolation (même si les paroles… hum) sur lequel les éléments extérieurs ajoutent encore à la magie : ah ce petit vent frais qui se met à souffler juste pour apporter ce surplus d'âme à un morceau qui n'en manque pourtant pas. Le moins bon reste moins bon mais parvient à être écoutable, comme Sa majesté à l'ambiance rouge digne du quartier d'Amsterdam de la même couleur.

Que dire du public sinon qu'il était franchement mou. Tout le monde ne s'est levé qu'à partir d'Un jour en France, pourtant pas le meilleur morceau du groupe. D'ailleurs pour l'enchaînement, Un jour en France sera suivi de Fin de siècle et Tostaky, histoire de mettre le feu. Là, enfin, le public répond présent et l'on n'a qu'une envie : retrouver Détroit dans un endroit plus chaud pour profiter pleinement des morceaux les plus bourrins de Noir Désir (genre aux Eurockéennes par exemple).

Il restera quand même quelques souvenirs mémorables de cette soirée à l'instar de ce Comme elle vient repris encore et encore a cappela par la foule pendant de longues minutes. Ou comme ce Des armes final, déchirant et exaltant. Peut-être le meilleur morceau de toute la discographie de Noir Désir (bon il y a aussi Tostaky, et Lolita nie en bloc, et Ce n'est pas moi qui clame, et tant d'autres finalement). Et puis il y a Cantat, Cantat le phare qui illumine la nuit de son charisme, Cantat le prêtre donnant sa bénédiction à ses ouailles ou Cantat le héraut haranguant la foule. Mais aussi Cantat ultra-heureux, sautillant ici et là, traversant la scène de long en large, de plus en plus souriant. On dirait un gamin de huit ans, ç'en est presque gênant.

Détroit au Théâtre Antique de Vienne, c'était tout simplement magique. De ces concerts qu'on ne peut que se rappeler. Et avec quelques petits défauts qui donnent envie de les voir de nouveau en espérant que ceux-ci soient gommés au fil des sets.