7.5/10Debmaster - Marvelous Dump

/ Critique - écrit par Dat', le 06/04/2008
Notre verdict : 7.5/10 - Sometimes Gameboys get pimp (Fiche technique)

Tags : debmaster hip album dump disque marvelous electro

Debmaster dépouille son hiphop electro, pour s'axer sur une electro instrumentale sautillante et saturée, inserant une bonne dose de Pimp dans une GameBoy pas si sage.

Debmaster avait marqué les esprits des amateurs d'electro-hiphop bizarroïde en 2006 avec son Monster Zoo. Il faut dire que les tortionnaires hexagonaux excellant dans le genre ne sont pas si courants, même si l'on se doit de mettre sur un podium les incontournables dDamage, Mr Oizo ou Ra, sans évidemment oublier les biens regrettés Abstrackt Keal Agram. Bourré de collaborations, le Monster Zoo du Deb se posait en excellent testeur d'installation sono, cette dernière partant obligatoirement en morceaux après quelques titres. On attendait donc un deuxième album plus clinquant, bourré de feats tentant de suivre les lits de saturations, histoire d'enfoncer le clou sur un style electro hip-hop dompté sans se forcer. Hip Notik Records auraient pu asseoir un peu plus leur position dans le style et Debmaster palper quelque peu une popularité underground méritée. Surprise, ce Marvelous Dump ne va se prévaloir que de deux titres vocaux, préférant s'axer sur une électro cradingue, jouissive et régressive...

Dumb Dump

Debmaster aime bien le Hiphop. Debmaster aime les synthés bien dégueux. Debmaster aime la 8-bit music. Le fantasque Let's go John semble cristalliser ce grand écart. Beats ultra appuyés, à la cadence presque épileptique, claviers stridents partant bien en couilles, sonorités low-budget, on se retrouve dans une cavalcade électro qui en laissera plus d'un sur le carreau. Les chevaux sont lâchés et l'on se demande presque si la ligne mélodique est véritablement domptée, ou éprise de boucles imprévisibles. La question reste posée sur le bien nommé Beat Delight, martelant une litanie chiptune partant en vrille toutes les deux secondes, avant un break final bien jouissif, presque "tubesque" dans son approche. Iron Flower versera dans une veine un peu plus sensible, avec une mélodie plus fragile, toujours à peine contrôlable, et accompagnée d'un erztatz de voix rassurante, donnant un petit côté religieux au tout. La Gameboy se prosterne dans une église.  

On parle de Gameboy, impossible de ne pas tirer du lot l'énormissime Superman, hymne Nintendo-rave à tomber, petite bombe imparable balancée d'un revers de la main, qui rendrait jaloux les Crystal Castles, avec cette mélodie passée à la moulinette 8 bit, le tout surplombé d'un rythme pachydermique à faire frémir les hanches les plus tatillonnes. Megaman est dans votre salon, partouzant avec Yoshi et les Battletoads, le tout sous les stroboscopes d'un Hyrule transformé en Warehouse maculée de drogue. Le coup d'oreille sur ce titre est indispensable.

Debmaster aime ses machines
Debmaster aime ses machines
Mais je parlais de feats en rafales, et la merveilleuse décharge de Debmaster en contient deux pas piqués des hannetons. The Mole tente sur Suicide City de rattraper (avec succès, et ce n'est pas rien vu le côté accidenté de l'affaire) une structure effarante ultra saccadée, qui tabasse à cent à l'heure pour finir lacérée par des scratchs. Le tout n'aurait pas fait pâle figure sur le Shimmy Shimmy Blade des dDamage. On lorgnera aussi sur Cold Crush où Innaspace, Phever et le roi Existereo rognent un os bien chaotique, maelstrom de crissements et autres basses bien sourdes.

Et si Debmaster a abandonné le hiphop dans la forme sur les autres titres, il est clair que ce dernier suinte à chaque seconde de ce Marvellous Dump. Je suis prêt à parier que pas mal de groupes de Hiphop tueraient père et mère pour avoir dans leur galette une instrue de ce gars. On ne peut clairement pas s'empêcher de rêver à une bande de zozos sautant sur les digressions escarpées de cette galette. F.D.P, à la cadence plus lente que ses compagnons, se concentre sur un synthé sourd et hargneux, qui pourrait clairement habiller les flow d'Anglais allumés à tendance Grime. Dans la même veine, Roots Manuva serait sûrement bien content de poser sur le menaçant GS Warriors, headbanger pour clubs-sales-je-danse-en-minijupe-au-milieu-des-détritus-et-des-flaques-de-gerbes.

Le petit problème justement, c'est que certains essais ont le cul entre deux chaises, et, sans réellement choquer, peuvent difficilement nous convaincre pleinement. Pimp Time aurait été parfait accompagné de Mc pour se la jouer Crunk, mais ici il sonne creux, et pas foncièrement intéressant en l'état. Pas assez riche pour plaire en temps que hiphop instrumental, pas assez assumé pour convaincre en temps que piste strictly hiphop. Même combat, même reproche pour l'étouffé et fantomatique BasStaR ou Hell Sping hésitant entre Drum'n'Bass qui ne demande qu'à exploser (en vain) et hiphop cramé. Cette brochette forme un petit ventre mou au milieu du disque, heureusement aéré par le technoïde T'inquiète et le plus secoué Crash Your Sport Car, accueillant une énorme nappe presque trance en son milieu, renvoyant au meilleur de certaines compositions de Para One période Clubhoppn'. Bras en l'air, transpiration, érection des tympans.

Marvellous Dump se conclura avec Joakim in a Tree sur un titre très beau, bien moins tapageur, laissant une petite litanie candide se frayer un chemin entre beats bien secs et petites saturations sourdes. On croirait presque à un slow-émo-chiptunesque pour geek, avec cette petite montée sentimentale sur la fin et ses petits couinements inintelligibles, parfaite chanson pour accompagner les crédits de fin d'un Adventure Island retourné à la sueur de son front.

Snake, Rattle & Elect'roll

Debmaster étonne avec cette livraison, lui qui était déjà presque cantonné au beatmakeur talentueux de services pour américains aux flows Tgv. Si ce Marvellous Dump hésite parfois, nous offrant quelques morceaux ratant leur cible faute de vraies directions, il est clair que ce deuxième album se pose, sous ses couleurs chatoyantes, comme une belle confirmation d'un musicien amoureux d'un son électronique crade et secoué, sautant d'une tuerie régressive (Superman) à des élucubrations expérimentales qui feront fuir les oreilles chastes (Let's Go John).

Nul doute que l'on entendra de nouveau la Gameboy à casquette du bonhomme dans les années à venir, en espérant que ce deuxième disque jouisse d'une visibilité un peu plus importante que son premier essai Monster Zoo.

 

Debmaster - Marvellous Dump
01. Let's Go John
02. Suicide City feat The Mole
03. GS Warriors
04. Beat Delight
05. F.T.P
06. Superman
07. Iron Flowers
08. Pimp Time
09. BasStaR
10. Chrush Your Sport Car
11. T'inquiete
12. Hell Spring
13. Bedmaster
14. Cold Crush feat Existereo & Innaspace & Phever
15. Joakim In a Tree