Casey - Libérez la bête
Musique / Critique - écrit par nazonfly, le 23/06/2010 (Tags : casey bete liberez album feat rap musique
Noire, inquiétante et abrasive, la bête est libérée. Déchaînée et mécontente, elle ne lâche pas le morceau et déchiquète à pleines dents.
Le premier rugissement de Casey ne date pas d'aujourd'hui : c'est en 1995 que la rappeuse martiniquaise a lancé ses premiers assauts vocaux. De fil en aiguille, elle lance le collectif Anfalsh avec notamment B. James et Prodige et apparaît sur les différentes compilations du collectif. Et c'est un nouveau siècle sans espoir qui accompagne les cris de Casey sur un premier album remarqué dans le milieu hip-hop Tragédie d'une trajectoire. En 2009, le groupe de rock expérimental Zone Libre s'associe avec Hamé de La rumeur et Casey pour un projet un peu fou réunissant la percussion métallique des guitares à la puissance abrasive du flow hip-hop : cet Angle mort assoit Casey dans les personnalités incontournables de la scène musicale française, celle qui n'hésite pas à prendre des risques, à se mettre en avant et à se battre pour des idées.
Un beau glaviot du fond des entrailles
Casey version paisibleDans le monde du hip-hop, Casey est presque une exception. Le sexe féminin dans le rap se content souvent de s'avachir à moitié nu sur des bagnoles à plusieurs centaines de milliers d'euros. Casey a pris le taureau par les cornes et s'est libérée de ses chaînes. Dans Rêves illimités, Casey décrit ainsi son évolution depuis son enfance, produit d'une mère exemplaire et d'un père absent dans le neuf-sept-deux, de cette cité aux tours austères jusqu'à ce qu'elle fasse sauter les systèmes de sécurité. Ce titre tutoie le ciel et côtoie l'espace, et ouvre une parenthèse d'espoir dans un album noir et dense. Mais pour le reste de l'album, Casey est plus dans l'énergie, dans l'affrontement, n'hésitant pas à vomir sa rage et sa glaire, ulcérée et viscérale : Libérez la bête puise sa force directement dans les entrailles et le cœur de la rappeuse, sans se départir d'une qualité d'écriture certaine.
Créature ratée vendue pour un sac de sucre
Casey en mode guerrièreLoin du bling-bling que l'auditeur moyen associe volontiers aux groupes de rap hexagonaux, l'écriture de Casey a, de toute évidence, oublié d'être consensuelle. Cette bête qui se libère, c'est l'esclave martiniquais qui a été « poursuivi, asservi, enlevé à l'Afrique et livré pour un Sac de sucre », cette créature ratée dont « la tignasse noire et la bouche épaisse empêchent d'appartenir à l'humaine espèce » (Regard glacé). La bien-nommée Créature ratée va encore plus loin dans l'analogie entre négritude et animalité : ici l'auditeur se retrouve dans l'un de ces carnets de voyage d'explorateur du siècle dernier décrivant les peuples africains comme une nouvelle espèce animale. Mais si le racisme est le combat principal de Libérez la bête, il n'est pas le seul : Casey s'élève contre ces fausses rappeuses à la grammaire instable, à la diction inadmissible, bref à la plume faible (Apprends à t'taire), ou de façon plus intéressante à cet argent qui est devenu notre maître (Aux ordres du maître). Pas forcément original mais toujours percutant.
Sortie de son « cocktail de béton et de métal », Casey, le flingue au ceinturon et les canines dénudées, attaque ceux qui pourchassent ou ont pourchassé ses frères de couleur de peau. La bête est libérée, ses canines brillantes et ses paroles cinglantes sont prêtes à en découdre sur cet album à l'ambiance claustro.
Casey - Libérez la bête
01. Premier rugissement
02. Regard glacé
03. Créature ratée
04. Rêves illimités
05. Mon plus bel hommage
06. A la gloire de mon glaire
07. Interlude
08. Apprends à t'taire
09. Aux ordres du maître feat Al
10. Marié aux tours
11. Primates des Caraïbes feat Prodige et B. James
12. Sac de sucre
13. Libérez la bête