Brain Damage - Short Cuts
Musique / Critique - écrit par Dat', le 11/03/2008 (Tags : brain damage cuts short dub feat album
Short Cuts est le "Suspended animation" du Dub. Une enfilade de pistes qui partent dans tous les sens, sur un format extrêmement reduit, mais ô combien plaisant.
Si Brain Damage a toujours été l'outsider face aux grosses pointures que sont High Tone, Zenzile ou Improvisators Dub, les amateurs de reverbs à la française savent combien ce groupe peut ravir les esgourdes avec son Dub sombre, électronique et profond, avec en point d'orgue le sublime Ashes to Ashes / Dub to Dub, habité par Black Sifichi.
Après une explosion impressionnante, le Dub electro a tourné pendant quelques temps sur place. Mais les principales têtes du mouvement ont décidé de se la jouer feux-d'artifices, quitte à annihiler, avec le sourire, les frontières du genre.
Les deux stéphanois risquent même, avec ce Short cuts, d'accoucher de la tentative la plus gonflée qu'ait pu tenter le Dub français depuis un bail, si l'on excepte la plongée brûlante de Ez3kiel dans le Métal avec leur sublime Battlefield. Short Cuts, de l'aveu du communiqué de presse, se présente comme un pendant enfumé du "Commercial Album" des Residents, brûlot expérimental qui se foutait des formats musicaux pour balancer quarante morceaux d'une minute. La filiation s'arrêtera à la forme, et il faudra ici multiplier la durée des pistes par deux. 24 morceaux donc, ne dépassant jamais les deux minutes, une prise de position étonnante, voir complètement inédite dans le genre. Mais loin est l'idée de Brain Damage de nous abrutir avec vingt morceaux hantés par une bonne wobble bass des familles. Non, les deux zozos vont en profiter pour mouiller dans le maximum de ports possibles, conviant une tonne d'invités pour porter la musique du groupe aux 4 coins du monde : Anglais, Arabe, Allemands, Français, Polonais, Bosnien et Catalan vont se télescoper au court de ce Short Cuts qui risque bien de diviser, dans le fond comme dans la forme...
Handle With Care
Histoire de bien faire comprendre que nous allons prendre un méchant chemin de traverse avec Short Cuts, Brain Damage débute l'album avec 3 titres de Folk acoustique. Gratte, instrue discrète, spoken word, (étonnant avec Lamija, petite fille bien mignonne). C'est drôlement beau. Mais c'est avec Ni Mismo voda que l'album va basculer dans le sublime, et montrer son extrême qualité, autant que ses limites. Balade concassée, aux sonorités inversées, qui s'envole progressivement, pour atteindre les cieux extatiques propres aux envolées sonores ayant pour mission de raidir l'échine. Bref, on se chauffe, on prend son élan, en courant tout droit vers le précipice, prêts à lécher les nuages de bonheur. On ouvre ses ailes, dernière respiration, le vide, on plane, on hurle, la chute est brève mais violente, et l'on se retrouve écrasé, comme un con, au fond du gouffre. Car Short Cuts, c'est vous balancer dans la stratosphère, et au moment d'atteindre les portes, le duo vous les ferme violemment à la gueule.
Brain DamageBon, à jouer le jeu de la frustration, Brain Damage n'oublie heureusement pas de poser un pied dans le Dub. Les repères sont demandés dans cette kalachnikov musicale, et l'on va être servi. Le groupe n'a rien perdu de sa superbe, et nous gratifie de compositions maîtresses, bourrées de basses rondes et accueillantes, encadrées par les excellents Toxine, hypnotisant (un perroquet sur son amorce ?), et Children Of Palakkad, qui fait rimer dub et litanies entonnées par une accueillante bande d'enfants.
Mais Brain Damage, c'est aussi le Hip-hop, et est convié ici, en plus de la voix d'outre tombe de Black Shifichi, l'énorme The Real Fake Mc (jetez vous sur son solo) et surtout Giovanni Marks aka Subtitle aka Labwaste (excusez du peu, et qui tue tous les autres invités dans le style avec la paire Plot / Propose et Pursuit Of X) pour des phases ultra sombres, tranchant totalement avec l'atmosphère aérée, voir presque insouciantes des débuts.
Short Cuts contient même son petit chef d'œuvre avec Armer Kopf, affolante tirade technoïde, à la montée dingue, qui mettrait à genoux n'importe quel Raver un peu aventureux. Une certaine Angelina Bouille s'occupe de jouer au spoken word halluciné, au bord de la rupture, histoire d'accompagner les danseurs dans cette transe schyzophrène. Deux envies : un, sauter contre les murs en hurlant de bonheur ; deux, aller demander en personne pourquoi le groupe n'a pas étendu ce titre sur 7 ou 8 minutes. Cela ne cadrerait pas avec le concept du disque ? Excuse non recevable.
Bref, on se transforme sérieusement en aigri plus le disque avance, en s'arrachant les cheveux devant l'incompréhension de voir certains titres s'éteindre alors que l'on commençait à peine à lever les bras. Et bien ça tombe bien, Brain Damage et Jarring Effects sont drôlement gentils, mignons câlins tout ça, en nous concoctant une conclusion au petits oignons : Le Jazz de pépé aka la chanson pour aigris par excellence, avec un certain Mika qui débite un texte empli d'amertume, débitant à l'envie tout ce qui est détestable dans ce monde avec un tel mépris, qu'il ferait passer le Klub des Loosers pour un concurrent sérieux des Forbans. On croirait entendre une ghost track parodique de Michniak et sa formation Programme, d'autant plus que le texte est craché sur un maelstrom expérimental, laissant à peine perler quelques bribes de sonorités déconcertantes.
Above The Law
Short Cuts, c'est un peu ça en fait. Le plaisir de sauter, du coq à l'âne, sans s'appesantir, sans se prendre la tête. Se trimballer en claudiquant d'une piste à l'autre, s'émerveiller de multiples paysages, filant à la vitesse d'un train nous transportant. La première écoute est frustrante, voir exaspérante. Mais cela reviendrait à se priver d'un disque à la richesse assez impressionnante, un kaléidoscope d'ambiances, de cultures et d'expérimentations. Short Cuts, c'est un peu le "Suspended Animation" du Dub. La prise de risque, évidente, est à saluer expressément, donnant un violent coup de pied au cul à tous ceux pour qui Dub rime avec longueur et avilissement neuronal. Choisir de se cantonner à des exercices n'excédant pas les deux minutes, c'est une direction risquée, voir suicidaire dans la branche musicale où officie Brain Damage.
Mais un disque qui prône autant l'ouverture, tout en arrivant à s'affranchir de contraintes de départ aussi strictes, c'est rare par les temps qui courent. Et surtout précieux.
Brain Damage - Short Cuts
01 - Parce que j'en ai marre02 - Bok ! (broj 1) / feat Lamija
03 - The palm reader is on acid / feat Xavi Angulo
04 - Mi nismo voda / Feat Asmir Sabic
05 - Children of Palakkad / Feat Children of Palakkad
06 - Mundhu / feat Mohammed El Amraoui
07 - Trupy (Czesc 1) / Feat Priest Maken
08 - Sta? / Feat Lamija
09 - Toxine
10 - Sterile (part 2) / Feat Black Sifichi
11 - Tic tac tic / Feat The Real Fake MC
12 - Armer Kopf / Feat Angeline Bouille
13 - Mi nismo voda (broj 2) / Feat Asmir Sabic
14 - Bok ! (broj 2) / feat Lamija
15 - Le silence / Feat Mika Pusse
16 - Le Vacarme / Feat Mika Pusse
17 - Ulla / Feat Black Sifichi
18 - Trupy (Czesc 2) / Feat Priest Maken
19 - Tight ass Dati / Feat Black Sifichi
20 - Plot - Propose / Feat Labwaste
21 - Pursuit of X / Feat Giovanni Marks
22 - Meine Ruhe / Feat Angeline Bouille
23 - Wie lange noch ? / Feat Angeline Bouille
24 - Le Jazz de Pépé / Feat Mika Pusse