Blur - Think Tank
Musique / Critique - écrit par Val Lazare, le 25/05/2003 (Tags : blur think tank album version song parlophone
Voilà déjà quelques années, les médias faisaient leurs choux gras de la pseudo-guerre que se livraient Oasis et Blur, les deux groupes montants de la britpop. Depuis, les deux beaux bébés sont devenus de grands garçons, l'un perturbateur (les frères Gallagher étant visiblement trop occupés à se tabasser pour nous sortir un album digne de ce nom), l'autre plus mystérieux. Car Blur a, dès l'origine, joué une musique plus atypique que son cadet, la qualification même de britpop pour Blur paraîssant un peu simpliste.
Après un 13, sixième album très audacieux, et la sortie d'un best of, Damon Albarn se permet une petite virée hors du band Blur. Le démon british va alors enchaîner les collaborations et expérimentations musicales. Entre world music, electro et trip-hop avec Mali Music, Lovage, et le projet Gorillaz (tout de même écoulé à 6 millions d'exemplaires), Albarn ne se tourne pas les pouces et ça se voit. Conséquence directe de son (trop) grand succès ? Graham Coxon, guitariste et égal de Damon Albarn tire sa révérence quelques jours après avoir commencé l'enregistrement de Think Tank. On se dit alors que la sortie du best-of était peut-être prémonitoire, mais le septième album de Blur finit par sortir. Alors, Think Tank arrive-t-il seulement à la hauteur de 13 ? Le pari n'était pas gagné d'avance.
Première piste Ambulance : léger chaos ambiant, basse qui chatouille, petits beats électro et soudain voix et cuivre viennent fendre le bordel pour nous servir une ballade salvatrice, cinq minutes de très belle surprise où Blur défend sa grande maîtrise des beats électro, tout en assurant la cohérence avec des instrus classiques, Albarn nous servant le grand jeu d'entrée, d'une voix légère et sincère, touchante à 100%.
On passe alors de piste en piste, encore et encore, sourire au coin des lèvres. Pas de doute à avoir sur le potentiel d'un Out Of Time, single lancinant et quasi léthargique, calibré à la perfection pour faire un malheur sur toute radio qui se respecte. D'ailleurs, un bon tiers de Think Tank est de la même étoffe que Out Of Time : Good Song, Caravan, Sweet Song... autant de chansons au rythme hypnotique et portées tranquillement par la voix moelleuse d'un Albarn perturbé juste ce qu'il faut par deux trois couches de beats.
Un album trop calme ? Non, plutôt une introduction, une mise en condition pour que l'auditeur accepte de faire le voyage que nous propose Blur. Un voyage incertain mais où les surprises sont au rendez-vous : Crasybeat, titre le plus speed de l'album, sent bon la patte de Norman Cook alias Fat Boy Slim, l'influence Gorillaz n'est pas si loin non plus... ce qui n'est pas toujours très heureux. Ainsi Crasybeat et Brothers And Sisters sont à la limite noyés sous les samples, franchement agaçant. Think Tank a donc ses fausses notes, néanmoins compensées par de très beaux essais avec Jets, et son long délire jazzy ou le punky Moroccan People Revolutionary Bowls Club. Avec pour cloture, un Battery In Your Leg en clair-obscur, sur une lancée très sombre, Blur transcende son malaise pour une sortie lumineuse.
Think Tank s'avère être une suite très honorable pour 13. Si vous avez pu encaisser le changement qu'avait opéré la bande à Albarn entre Blur et 13, Think Tank devrait vous ravir. Un album à la portée de tous.