Agora Fidelio - Interview

/ Interview - écrit par kenji, le 06/09/2005

Tags : agora fidelio album groupe rock milka musique

Interview de Agora Fidelio

A l'occasion du concert que donnait Agora Fidelio au Caravan sérail à Toulouse le 1er septembre 2005, Akira (bassiste), Pim (batteur) et Milka (chanteur) ont bien voulu répondre à mes questions.

Krinein : Comment le groupe s'est formé ?
Akira : A la base, Agora Fidelio était le side-project de Psykup en acoustique avec les mêmes membres. Le but des membres du groupe était de se faire plaisir en faisant des reprises qui leur tenaient à coeur sans qu'ils aient l'ambition de devenir un groupe à part entière. Au bout d'un moment, certains membres n'avaient plus envi de continuer le projet et Milka nous a appelé, moi et Pim, qui nous connaissions déjà bien avant, pour rejoindre le groupe. Ensuite, Jouch a remplacé Yannick en 2002(guitariste de Psykup) et le groupe est devenu autonome et a arrêté de faire des reprises. Dans la foulée, le 1er album est sorti cette même année et le 2eme album est sorti en 2004.

K : Vous avez des origines musicales plus métal non ?
A + Pim: A la base, on avait un groupe de métal avec Jouch qui s'appelait Naïve qui d'ailleurs existe toujours sous une nouvelle forme qui va bientôt débouler.
On a tous des bases métal, on tourne autour du métal toulousain, c'est d'ailleurs comme ça qu'on a connu Milka via Antistatic et Psykup.

K : D'où vient le nom du groupe ?
A+P : De nulle part ! (rires). Non, en fait, c'est une connerie, Agora, c'était le nom du studio ou enregistrait Psykup à l'époque. C'était chez Yannick (ex guitariste de Psykup) chez qui tout le monde buvait le café d'où le nom. Et Fidelio, c'est le mot de passe de la soirée orgiaque dans Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick. Alors, faut pas chercher un sens profond à ça, c'est une association d'idée qui, à la base, collait bien avec le projet et on a gardé le nom qui était plutôt joli. Après, sinon, on peut trouver un lien avec le fait que l'on développe une musique assez charnelle et sensuelle mais bon à la base ça vient pas de là.

K : Sinon, au niveau production, le 3eme album va être enregistré dans les même conditions que l'album précédent, « Altitude zéro »? On peut attendre des changements au niveau du son ?
A+P : « Altitude zéro » était produit avec Yannick Tournier (ex guitariste de Psykup qui s'est consacré à la production) et on est très content du résultat. Comme il avait pas vraiment de studio à proprement parler ou de pièce d'enregistrement, en tout cas pour la batterie, on a enregistré la batterie dans le salon de Pim, chez lui dans le Gers. C'était agréable d'enregistrer dans un cadre pas trop strict et très boisé pour avoir un son chaleureux. Ensuite, on a fait un gros travail ensemble avec Yannick pour avoir un son assez propre et précis.
Pour le 3eme album, on va vers autre chose, ça ne sera pas au même endroit, ça s'enregistrera sûrement à la « cour des Miracles » avec Marc Dubesi, qui a travaillé avec pleins de gens comme Monkomarok ou 8 control. Il fait tout un tas de trucs mais il le fait très bien, il a beaucoup d'expériences et un très bon studio qui va nous permettre d'enregistrer en live, avec tous les instruments en même temps, pour garder une spontanéité et revenir un peu plus comme sur le 1er album. En fait, cet album, on l'avait enregistré et mixé en 9 jours, je ne sais pas comment on a fait (rires) et il y a eu un coté très spontané qui nous plait même si le manque de moyen s'est ressenti dans le son. Le coté un peu décharné nous plait aussi, il y avait qu'une guitare mais bon elle était bien.

K : Vu que vous allez enregistrer dans un vrai studio avec un vrai producteur, ça va être plus dur à financer non ?
A+P : Tout à fait, c'est pour ça qu'on cherche des financements et qu'on a fait ce concert, pour collecter un peu d'argent avec les entrées et les souscriptions pour le 3eme album.
Rappelons le nous ne vivons pas de la musique, nous ne sommes pas payés pour jouer et nous n'avons aucune aide. On a tous des activités annexes plus ou moins proches de la musique.
Ce qui fait qu'on galère un peu, là on est dans des dossiers de subventions, dans les recherches de financement auprès du public et d'un peu tout le monde. C'est pas gagné mais bon à force on va y arriver, on a envi de le faire, on trouvera les moyens.

K : Vous comptez évoluer vers quoi pour le prochain album ?
A
+P : On sait pas encore, là on a les titres, mais je pense qu'on va plus faire une recherche au niveau du son, trouver des sons particuliers.

K : Les compos du nouvel album que vous avez joué ce soir ont l'air un peu plus amères non ?
A : On a pas tout joué ce soir et c'est vrai qu'on a joué un truc pas vraiment représentatif dans le sens ou il y a vraiment plusieurs facettes. A savoir qu'on a joué un morceau qui s'appelle « De la non nécessité du courage » qui est très ambiant, très parlé qui peut rappeler certaines chansons qu'on a fait, ensuite, il y a 2-3 morceaux assez improvisés qu'on a ensuite structuré mais qui partent de boeuf sur les répet, d'autre morceau plus rock au sens rock français du terme, plus soutenu au niveau des rythmiques comme « Une époque formidable » qu'on a joué ce soir ou un autre morceau qui s'appelle « Mourir » avec des rythmiques qu'on a jamais utilisé avant et puis d'autre morceaux qu'on a pas joué ce soir, plus dans la veine du précédent, mais plus riches au niveau des structures, moins cycliques.
P : On a aussi plus pris le temps sur cet album de composer, de faire de la pré-production, de bien le préparer et de tout fignoler. Comme je suis pas très présents à Toulouse, on a passé 3 mois à vraiment bosser cet album.
A : Mais c'est vrai que la spontanéité qu'on veut retrouver, elle sera dans le son et l'exécution et moins dans la composition. Pour les autre albums, on composait très rapidement, on faisait un morceau en 2 répet. Cette fois, on a vraiment finaliser et fignolé la majorité des compos pour qu'après, quand on arrivera en studio, vu que ça coûte cher, on sait où on va et on y passe le moins de temps possible.

K : L'ajout du triton mélodique, notamment sur le dernier morceau que vous avez joué « A blanc » est vraiment sympa et je voulais savoir si ce genre de sonorités allaient être plus présentes ?
A : C'est vrai que c'est la 1ere fois qu'il y a du triton mélodique et pas du triton qui sert en sample à part une chanson du 1er album qu'on avait mis en interlude.
P : En fait Milka a eu une illumination sur ce morceau et voulait jouer du triton dessus, on lui a dit vas y, ça fait 5 ans qu'on te le dit (rires).
A : On sait pas si ça sera plus développé que ça mais au niveau clavier, il devrait y avoir ce qu'il faut, y aura des arrangements plus développés. Mais c'est vrai qu'on est vraiment dans une recherche d'expérimentation : recherche de son, d'orchestration.
L'ossature, on l'a bien et on sait la jouer comme il faut, maintenant, on veut vraiment que ce soit beau et le plus fidèle possible à ce que l'on veut.

K : Dans certaines critiques, on vous classe entre Luke et Noir Désir. Qu'est ce que vous en pensez ?
P : Déjà ce qu'il faut dire, c'est que Luke a changé par rapport à ce qu'ils faisaient avant, je pense qu'on est plus comparé au 1er album de Luke.
A : La comparaison a été faite à l'époque du 1er album et on savait pas qu'ils allaient après choper la place à Noir Désir et faire de la bonne merde, il faut le dire (rires).
P : Bon il y a des trucs sympas quand même mais bon c'est très formaté, ça sent la non-spontanéité, justement ce que nous ne voulons pas.
A : Et à l'inverse, nous avoir comparé avec Noir désir, c'est fabuleux, c'est le groupe français par excellence, le mythe est créer avec l'affaire Bertrand Canta en plus et ça s'est fini très brutalement sur le dernier album que je réécoute encore, c'est sûrement un des 5 albums qui m'a le plus marqué dans ma vie. Et c'est vrai que ça fait plaisir d'être comparé à eux pour l'intégrité, pour la beauté des textes, l'intensité et la spontanéité, ils ont jamais transigé quoi que ce soit.

K : Sinon il a été cité Sigur Ros, Mars Volta aussi comme comparaison ?
A : Ouais ça c'est des comparaisons que les gens ont fait sur nous, c'est vrai que nous on avait plus de mal à se situer.
P : Sigur Ros, j'y aurais pas pensé
A : Ouais c'est clair, Sigur Ros et Mars Volta, je pense que c'est ce que les gens ont ressenti en écoutant notre musique, peu être pour l'intimisme de Sigur Ros et l'énergie de Mars Volta. Après c'est quand même des groupes vraiment différents. En tout cas, si on est entre les 2, moi ça me va, j'aime bien les 2.

K : Avez vous eu des propositions pour passer à la radio ? Quel est votre avis sur la chose ?
A : La radio, sans extrémiser, c'est quand même un milieu un peu « puant », l'artistique y a de moins en moins sa place même sur des radios pas forcément à vocation commerciale. C'est un milieu avec échange de bon procédé, si toi tu donnes ton album à une radio et si un gars plus connu par les programmateurs le donne, ça va être totalement différent. C'est d'ailleurs pour ça qu'on est signé en édition, il y a des gens qui vont travailler pour nous pour que notre musique soit le plus diffusé. Sinon, on est quand même passé en interview sur France Inter, on est content. Le Prochain album marquera le début du chemin puisque ce sera le début de la collaboration avec l'éditeur sur la base de l'album vu qu'il nous a rejoint après « Altitude Zéro ». Mais on a pas transigé sur la composition de l'album en se mettant des barrières et des limites. En tout cas, sans renier notre intégrité, on est pas contre de passer à la radio, on a même fait des versions courtes de certaines chansons d' « Altitude Zéro » en enlevant des riffs , sans enlever des paroles et sans retourner le morceau tant qu'on reste maître de la situation. On pourra ainsi mieux faire connaître notre musique sans toucher à l'artistique.
P : De toute façon, pour passer à la radio, t'es obligé de faire ça.

K : Au niveau du contact avec les gens, ça se passe comment ?
P : On essaie de parler avec les gens après les concerts, d'être assez humains.
A : Ouais voilà on repart pas dans les loges après en faisant les rock-stars. On est content, le public commence à se déplacer pour venir voir Agora genre ce soir on a fait 160 places hors actualité, ça fait vraiment plaisir. Il y a une grosse évolution depuis la dernière tournée où on a fait une tournée nationale grâce à l'éditeur et pendant laquelle on a remarqué que les gens commençaient à connaître le groupe et à être plus nombreux qu'auparavant.
A chaque fois qu'on est sur scène, on le vit à 100% et chaque personne qui a payé sa place doit voir un bon concert qu'il y ait 10 ou 2000 personnes.

(arrivée de Milka le chanteur)

K : Maintenant que t'es là, Milka, je voudrais savoir comment tu ressens Agora Fidelio dans lequel tu te dévoile vachement et t'as un comportement très différent de Psykup, presque à fleur de peau ?
Milka : Ouais, tu l'as bien ressenti, c'est un équilibre que j'ai trouvé par rapport à d'autre chose que je voulais communiquer entre Psykup, très extrême et très déstructuré vocalement dans lequel y a une complicité avec Ju (chanteur de Psykup) et Agora dans lequel j'ai voulu développer un coté, comme tu l'as dit, à fleur de peu et même nu. Aller vraiment triturer les gens de l'intérieur et voir l'effet que ça a sur eux, pour émouvoir mais pas pour aller chercher de la tristesse en eux. Dès que t'as un retour, il est instantané avec les gens, le silence après un morceau a jamais été aussi fort avec Agora par rapport avec Psykup même si je veux pas trop comparer, dans ces moments, le silence en dit vraiment long et ça fait super plaisir.

K : Aujourd'hui, sur scène, certains morceaux comme « si tu savais comme » ont vraiment un coté violent malgré une musique relativement épurée.
M : La violence pour moi, c'est pas une question de virilité, de force, de sons de guitare, de blast-beats, la violence, c'est plein de facteurs, il y a plein de gens qui l'ont compris et qui vont pas dans la surenchère pour exprimer la violence. On essaye de chercher ses subtilités là et pas de tomber dans les clichés.

K : Quels sont vos groupes du moment ?
A : En ce moment, c'est vrai que j'écoute pas mal Sybil Vane, c'est très intéressant comme musique, pourtant j'écoute pas trop la pop indé et c'est un album que je me surprend à écouter assez souvent.
M : Sinon, j'ai vu ici un groupe finlandais qui s'appelle Magyar Posse de pop rock instrumental, limite musique de film, c'est fabuleux, ça joue bien, c'est super beau. Avec Psykup, on joue en ce moment avec We vs death, un groupe danois pop post-rock avec une trompette et instrumental, ça fait vachement chant des morts, ils redonnent des lettres de noblesses à la trompette.

K : Un petit mot sur le nouvel album de Gojira qui arrive bientôt ?
M : Je l'ai écouté, c'est une tuerie atomique. Ils vont vraiment là où ils voulaient aller et depuis que je les connais bien, je comprends de plus en plus leur logique super convaincante mais qui est un peu masqué sous les clichés métal qu'on veut leur faire porter. En tout cas, eux ils s'en foutent et c'est des gens qui t'apportent vraiment humainement (Psykup a enregistré dans le studio de Gojira). Il y a un coté de plus en plus aérien et mélodique, c'est l'intelligence du métal.

M : Sinon, un dernier mot, je trouve que Krinein est un très bon site, je connaissais pas du tout et je suis allé voir plusieurs chroniques.
A : Par exemple, les chroniques de ton pote Zdenek sont vraiment bonnes, celle de Delicatesssen est super pointue, c'est sûrement le seul gars au monde qui a compris ce groupe (rires).
M : En tout cas, c'est très bien, gardez ça. D'ailleurs souvent, les chroniques d'album sont largement mieux sur les webzines et on a des interviews plus intéressantes avec les webzines avec des questions plus pertinentes.
Félicitations, c'est sincère de notre part.


Je remercie les membres du groupe de m'avoir accordé cet interview et les remercie surtout pour leur sincérité et leur accueil. Ce fut en tout cas un très bon concert (malgré les problèmes de voix de Milka dûs à une angine) et une très bonne soirée. Je leur souhaite une bonne continuation et j'attends vivement le 3eme album qui doit sortir en avril 2006.
L'interview est un peu longue (et pourtant j'ai supprimé pas mal de trucs) mais je pense que l'intérêt des propos recueillis le méritait.
Pour finir, je ne dirais qu'une chose : « quand t'es Danois et que tu fais de la trompette, c'est clair que tu vas pas faire les mariachis » (citation de Milka).