Abrunhosa (Pedro) - Silêncio
Musique / Critique - écrit par Filipe, le 25/02/2005 (
Pedro Abrunhosa, un amoureux de la musique et de tous les arts.
En 1976, Pedro Abrunhosa intègre l'Ecole de Musique de Porto pour y apprendre à la fois son Histoire et l'Art de la composition. Deux ans plus tard, la contrebasse devient son instrument de prédilection. Il poursuit ses études au Conservatoire de Musique de Porto jusqu'en 1984. A cette époque, il se déplace souvent à Madrid, où il est d'abord invité à rejoindre le Groupe de Musique Contemporaine, que dirige le compositeur espagnol Enrique X. Macias. Plus tard, il y fait la connaissance du contrebassiste Todd Coolman, ainsi que d'une kyrielle d'autres musiciens, parmi lesquels Joe Hunt, Wallace Rooney, Gerry Nyewood et Steve Brown, puis Billy Hart, Bill Dobbins, Dave Schnitter et Jack Walrath. Il participe, en outre, à de nombreux séminaires internationaux de jazz.
En 1987, il réalise et produit l'émission Até Jazz sur les ondes de Radio Clube, à Porto. Plus tard, il compose les bandes originales des films Amour en Latin, de Serge Abramovic, et d'Adam et Eve, de Joaquim Leitão. Il fonde l'Ecole de Jazz de Porto et dirige son Orchestre pendant plusieurs années. Il enseigne également à l'Ecole Supérieure Artistique de Porto et fonde le Cool Jazz Orchestra, première esquisse de son futur groupe : Pedro Abrunhosa e os Bandemonio. C'est au sein de celui-ci qu'il écrit, compose et enregistre Viagens, son tout premier disque. A cette occasion, il s'offre le concours de Maceo Parker, entendez le saxophoniste attitré de James Brown. Pour assurer la promotion de son album, trois fois disque de platine, Abrunhosa organise plus de 120 concerts, aussi bien au Portugal qu'en Espagne, au Luxembourg, en France, en Italie, au Brésil, aux Etats-Unis et même à Macao.
En 1996, il se rend à Memphis puis à Minneapolis pour l'enregistrement de son second album, Tempo. Tom Tucker, le directeur technique de Paisley Park, lui prête main forte pour sa finalisation et les tous derniers peaufinages. Plusieurs artistes de renom participent à cet enregistrement, parmi lesquels les New Power Generation Horns, Ozzie Melendez et le célèbre artiste de variété portugaise Rui Veloso. Son album est vendu à plus de 200 000 exemplaires rien qu'au Portugal, ce qui lui offre l'occasion d'une nouvelle tournée mondiale (Tempo Tour 97/98). Abrunhosa se rend alors à Madrid, Paris et Londres, pour le réenregistrement de certaines plages de ce même album en espagnol, en français et en anglais. Il compose et produit ensuite l'album Amanhecer, de la soliste Diana Basto. Il accompagne également Caetano Veloso à l'occasion d'un spectacle pour l'Exposition Universelle, qui s'est tenue à Lisbonne en 1998. Il obtient même son premier rôle au cinéma aux côtés de Chiara Mastroianni dans le film A Carta du sempiternel Manoel de Oliveira.
En 1999, il écrit, compose et produit son troisième album, Silêncio, comptant sur le soutien de Caetano Veloso, Nina Miranda, ainsi que de l'ensemble de cordes qui se charge habituellement des accompagnements de Radiohead et Deus. Il réalise ensuite la bande originale du film Novo Mundo, de Antonio et Jorge Neves. En 1999, il organise également une série de conférences dans des bibliothèques, des écoles et des universités, autour de thèmes ayant trait à la production et la création artistique, la littérature, la musique et le cinéma. Il quitte un temps la scène, pour réapparaître en 2002. Son spectacle Intimidade est unanimement salué par la critique. Son album suivant, Momento, n'est qu'un succès de plus parmi tant d'autres.
Ses nombreuses rencontres ont fait de lui un artiste à part entière, dont le talent ne se démontre plus à l'heure actuelle. Inspiré, Pedro Abrunhosa a toujours pris le soin de composer l'intégralité des morceaux qu'il souhaitait interpréter. Eternel passionné, il a su mettre son talent à la disposition d'artistes du monde entier et a largement contribué au développement des institutions musicales de son pays d'origine. Son album Silêncio est, en ce sens, exemplaire.
Dà-me o tempo / Dà-me a paz / Viver por ti não é demais...
Proche des hautes sphères du classique et du jazz, et formé à la contrebasse, Pedro Abrunhosa produit une musique pop, que l'on qualifiera d'enrichie. Ses balades laissent transparaître l'éternelle mélancolie lusitanienne, qui imprégna sa jeunesse et dont le fado fit les belles heures : parmi elles se cachent Onde te vais esconder, Como uma ilha, Beijo et Dà-me o tempo, toutes se rapportant bien évidemment à l'amour. Son timbre de voix, si particulier, et ses airs de piano, si efficaces, se complètent à merveille. Ses balades accordent bien peu d'espace à la répétition, dans la mesure où les paroles de ses chansons sont, de manière générale, extrêmement bien nourries.
Não peço mais nada / Só quero a solução / Por isso diz-me em quanto tempo / Se faz a revolução...
Mais le travail de Pedro Abrunhosa ne se résume pas à ses quelques fresques d'amoureux transi. Lorsqu'il hausse le rythme, il évoque dans Novos-pobres l'épisode historique de la révolution des oeillets, dont il fut témoin à l'âge de treize ans : pour les besoins de ce titre, il a d'ailleurs pris la liberté de s'inspirer de célèbres chants de révolte (Grândola Vila Morena et Cantigas de Maio) ainsi que du tout premier communiqué révolutionnaire du 25 avril 1974. Il y a également ces deux titres qui ouvrent l'album, à savoir Noite na noite et Qualquer lugar, et qui pourraient éventuellement être estampillés "pop electro", tant ils ont été remaniés et modernisés en studio. Pour le coup, le brouhaha de sonorités, qui a été greffé à la voix d'Abrunhosa, est en parfaite contradiction avec l'ambiance intimiste, qui tente de se mettre en place par la suite.
Um muro por mais alto não separa / Os que têm fome dos que têm a seara / A cidade virou hiper-mercado / Se é da favela, não é gente, é malcriado...
Enfin, les paroles du titre fleuve Silêncio mériteraient presque d'être traduites, tant elles se révèlent astucieuses et peu communes. Celles de Verdade ("Vérité") évoquent sans détour les disparités alarmantes que présente à ce jour la société brésilienne.
Silêncio bénéficie à la fois des qualités d'auteur et de musicien de son auteur, Pedro Abrunhosa, ainsi que de la justesse des environnements musicaux que produisent ses Bandemonio : Rogério Santos à la batterie, Paulo Pinto et Alexandre Almeida aux guitares, Edgar Caramelo au saxophone, Claudio Souto aux claviers et João André à la basse. L'ensemble est extrêmement hétéroclite, puisqu'à cheval sur deux époques, à savoir l'âge d'or du fado et la recrudescence du mouvement pop rock. Le contraste est saisissant.
O silêncio é a mais perfeita forma de música. Nele eu me escondo, me encanto e pernoito as palavras que te irão encontrar. O silêncio é a minha obsessão, a minha forma de te escutar. Eu sei que estás aí, que me ouves e me percebes. Sei que sentes os meus silêncios. Eles são os teus também (Pedro Abrunhosa, sur son site officiel).
01 - Noite na noite
02 - Onde te vais esconder
03 - O que vai ser de mim
04 - Novos-pobres
05 - Como uma ilha
06 - Verdade
07 - Eu e tu somos iguais
08 - Silêncio
09 - Sombra
10 - Beijo
11 - Dà-me o tempo
12 - Barco para a afurada
13 - Algarve