Les Ogres de Barback: "On est un groupe de scène on le revendique"

/ Article - écrit par Hugo Ruher, le 17/07/2019

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Ils tournent depuis 25 ans déjà et ils ne comptent pas s'arrêter là, les Ogres de Barback sont repartis sur scène après la sortie de leur dernier album "Amours grises et colères rouges". Et ils ont fait une escale près de Toulouse pour un concert, l'occasion de les rencontrer.

Rapide point historique pour ceux qui ne connaissent pas. Les Ogres, c'est un groupe composé de deux frères et de deux soeurs qui ont construit une carrière faite de neuf albums studios (sans compter les 3 Pitt'Ocha destinés aux enfants), une poignée de disques live et surtout des milliers de concerts en 25 ans sans passer ou presque par les grands médias. Leur réputation, ils l'ont construite sur scène et il faut dire qu'à chaque fois c'est l'événement. On a pu les voir avec une fanfare belge, un groupe béninois, des musiciens traditionnels du Quercy et bien d'autres.

Ici, ils passaient à Flourens, près de Toulouse à l'occasion du Festival du Social et du Culturel. Un rendez-vous qui n'a que trois ans d'existence et la particularité d'avoir une dimension militante très forte. Il est organisé par l'ANRAS, l'Association Nationale de Recherche et d'Action Solidaire, dont le but est de venir en aide à des personnes dans le besoin. Ils interviennent dans le domaine de l'éducation, de l'emploi, de la santé et bien d'autres choses.

Il en découle un festival avec une tendance caritative, que certains qualifieront de rendez-vous de babos, avec ce qu'il faut de toilettes sèches et de sandwich saucisse-merguez. Mais laissons les rageurs rager et profitons de cette bonne ambiance, toute en simplicité et en décontraction sous un soleil ma foi un peu violent quand même pour parler du concert qui nous intéresse.

Les Ogres sur scène c'est avant tout une machine bien huilée. On sent qu'ils tournent ensemble depuis des années quand on voit la maîtrise tant au niveau de l'interprétation que de la mise en scène. Les techniciens fusent dans tous les sens pour apporter les bons instruments aux bons moments, et il y a du boulot tant chacun passe de la contrebasse à la thérémine ou du banjo à la trompette entre deux couplets. Avec autant de choses à gérer on pourrait s'attendre à des couacs mais non, tout reste fluide sans temps mort, et même lorsqu'une corde de guitare pète en plein morceau, tout va tellement vite qu'on a à peine le temps de cligner des yeux et l'instrument est immédiatement remplacé.

Cela dit, tout ça n'empêche pas les Ogres d'avoir une bonne dose de spontanéité. Ils jouent avec le public et mettent rapidement l'ambiance en alternant entre les morceaux du dernier album (Pas ma haine, la Rochelle, P'tit Coeur), et les grands classiques (Accordéon pour les cons, Grand-Mère, Rue de Panam bien sûr...). On sent le chanteur Fredo légèrement moins à l'aise sur les paroles des chansons plus récentes mais à moins de déjà connaître l'album par coeur, on s'en rend à peine compte.

En préambule, les Ogres parlent d'un voyage musical et le terme n'est pas usurpé, puisque en plus de la fratrie, on trouve ici sur scène quelques membres de la fanfare Eyo'nlé, groupe béninois déjà vu sur la tournée des 20 ans, et sur les deux derniers albums, mais aussi Tarek Maaroufi qui vient jouer de la batterie, sans oublier une joueuse de cabrette, Sandrine, qui vient faire découvrir cet instrument auvergnat qui ressemble un peu à une cornemuse. Oui, une cornemuse, mélangée sans complexe avec un banjo, quelques percus africaines et puis tiens pourquoi pas des claquettes, de l'harmonica, des samples de NTM et mille autres sonorités. Les Ogres explosent les frontières pour créer un ensemble unique, et même si les intervenants extérieurs ne sont pas sur tous les morceaux, on a rapidement l'impression de ne voir qu'un seul et même groupe, et pas un groupe accompagné d'invités.

Bref, deux heures qui ont semblé ne durer que quelques minutes, mais on ne va pas trop en révéler pour laisser la surprise aux futurs spectateurs de cette tournée. En revanche, un des membres du groupe, Sam a gentiment pris un peu de temps pour répondre à quelques questions, notamment sur le rapport du groupe à la scène.





On vous décrit souvent comme un groupe de scène, ça vous convient ?

Oui, on le revendique même on le dit haut et fort ! On est un groupe de scène, on se considère comme étant dans une famille de groupes avec plein de styles différents, du rock, du ska, du reggae… Toute une grande famille à se retrouver sur les tournées, les festivals. On voit qu'on est sur les mêmes rapports et c'est ça qui nous plait.

Justement après toutes ces tournées, retourner en studio seuls c'est pas trop dur ?

Maintenant non mais il nous a fallu du temps pour apprécier le studio et se dire que ça faisait aussi partie du métier, au départ on voulait faire seulement des concerts, si on avait pu, on n'aurait même pas fait de disques ! C'est ce qui nous éclate, le voyage et tout ce qu'il y a autour. Mais par contre, des musiciens qui avaient un peu plus de métier que nous nous ont dit "vous savez, à un moment il faut faire des disques." Donc on a écouté les grands frères et on a fait des disques grâce à eux.

A quel moment s'est fait ce tournant ? J'ai l'impression qu'il y a un changement dans vos albums à partir de Terrain Vague (2004) ?

Ca doit être à peu près là oui. Au début les premiers albums on les faisait parce qu'on avait 15 chansons, on s'est dit: faut faire un disque. On les enregistre sans vraiment se prendre la tête comme on les joue en live.

Après on s'est mis à produire un peu les albums et faire rentrer des gens de l'extérieur pour des sons, pour des arrangements etc. A partir de Terrain Vague c'est ça.

Et sur le dernier album, Amours grises et colères rouges, il y avait une logique, une couleur que vous vouliez donner à l'album ?

Non ça s'est fait petit à petit, sur le dernier on avait plus de chansons et on les a sélectionnées en se disant "celle-là on veut la mettre sur l'album, les autres on les mettra sur d'autres ou sur scène etc." Il se trouve qu'il y a quelques chansons engagées, des chansons d'amour d'ailleurs c'était un peu une première pour nous d'en avoir autant. Mais tout ça, c'est pas réfléchi à l'avance, c'est en faisant la sélection puis en faisant le disque on s'est dit "ah y'a plus de chansons d'amour c'est comme ça !"

Sur scène vous faites du rock, du rap, de la musique expérimentale, mais sur vos disques ce n'est pas du tout le cas, pourquoi ?

On est plus chansons sur l'album, parce que c'est ce qu'on sait faire. Pour aller sur les trucs qu'on expérimente sur scène dans les albums on est un peu plus frileux. On a peur de ne pas très bien le faire. C'est vrai que sur la chanson, on adore faire des arrangements plus travaillés. Mais sur cet album on a fait appel à des réalisateurs, notamment Loo et PLacido, des mecs qui utilisent beaucoup les machines et ils ont apporté quelque chose aux chansons.

Et comment s'est passée cette collaboration ?

On enregistrait les chansons, on leur envoyait et après eux ils bidouillent, ils avaient carte blanche.

On retrouve cette dynamique sur scène ?

Oui ça se ressent, en tout cas c'est une expérience qu'on renouvellera parce que ça nous a vraiment fait évoluer dans notre style

Vos nouvelles chansons, vous les testez sur scène avant de les mettre sur disque ?

Oui souvent, mais pas toutes. Si on ne faisait que des nouvelles chansons sur scène les gens seraient déçus ! Mais certaines comme "Pas ma haine" ou "P'tit coeur" on les fait depuis quelque temps, ça permet d'avoir sur l'album l'arrangement parfait, on a essayé des choses sur scène on est contents, on peut les enregistrer.

A l'inverse d'autres chansons on les a fait direct en studio et c'est maintenant sur scène qu'on commence vraiment à les jouer bien. Par exemple "La Rochelle" maintenant qu'on l'a jouée une vingtaine de fois sur scène on la maîtrise super bien par rapport à l'album. Ca fait partie du jeu.

Quand vous enregistrez en studio, vous savez déjà à quoi ça va ressembler sur scène ?

Oui, on pense vraiment à la scène, c'est ça qui nous importe le plus. Le disque c'est une carte postale des deux-trois années, le souvenir physique. C'est important mais le principal c'est de venir au concert.

Après 25 ans de carrière et quelques "tubes" c'est pas trop compliqué de faire vivre les nouvelles chansons mais d'intégrer aussi les nouvelles ?

C'est toujours ça qui est difficile. Il faut en mettre des nouvelles mais pas trop ! il y a des chansons que les gens veulent écouter, et qu'on veut jouer aussi. On se voit pas faire un concert sans "Rue de Panam" par exemple.

Une fois je vous ai vu commencer par Rue de Panam !

Oui c'est le genre de truc qu'on change régulièrement. Mais ce qu'on fait, c'est qu'on change toujours la forme. Du coup les gens la redécouvre et nous on s'ennuie jamais. Par exemple en ce moment je la joue au banjo, mais cette chanson je l'ai faite à la trompette, à la guitare, au violon… Donc jamais je ne m'ennuie à la jouer. C'est toujours un plaisir.

Est-ce que vous avez un souvenir en tant que spectateurs d'un concert qui vous a marqué ?

Moi et les autres aussi je pense, ce sont les premiers de la Mano Negra quand on était jeunes. On a eu la chance d'en voir un paquet et ça nous a ouvert la voie. On s'est dit "on veut faire comme eux !"

Et un concert que vous auriez aimé voir ?
Lhasa, la chanteuse décédée très jeune. Tous les quatre on est fans de ses disques mais on l'a jamais vu en concert.. Autant y'a des jeunes qui sont décédés comme Mano Solo qu'on a vu plein de fois mais Lhasa on a pas eu l'opportunité, ça restera un grand regret.

Merci à Sam pour nous avoir accordé un peu de temps, et merci à toute l'équipe du festival pour leur accueil et leur aide. On espère à l'année prochaine !